Les groupes d’étudiants palestiniens à Gaza réagissent aux attaques anti-BDS du « NYC SJP »

Gaza occupée, le 8 octobre 2015 – La Campagne des étudiants palestiniens pour le boycott universitaire d’Israël (PSCABI) et les groupes d’étudiants soussignés, représentant l’ensemble du spectre politique à Gaza,….

Gaza occupée, le 8 octobre 2015 – La Campagne des étudiants palestiniens pour le boycott universitaire d’Israël (PSCABI) et les groupes d’étudiants soussignés, représentant l’ensemble du spectre politique à Gaza, sont profondément préoccupés par un article récent intitulé « La limite du BDS » (The BDS Ceiling), écrit par un groupe nouvellement constitué, « Ville de New York – Les étudiants pour la justice en Palestine » (NYC SJP). L’aspect le plus troublant de cet article est que, en dépit de son vernis de rhétorique de gauche, il rend un très mauvais service à ceux qu’il prétend représenter et avec lesquels il se dit solidaire. Non seulement l’article dénature le mouvement BDS avec de faux postulats et des arguments mal informés, mais il sape aussi nos efforts pour BDS.

De toute évidence, le groupe NYC SJP ne s’exprime pas au nom du SJP national (Étudiants pour la justice en Palestine), lequel a adopté l’appel BDS de 2005 comme son premier principe fédérateur en 2010. En plus, l’opinion du groupe et son incompréhension du BDS semblent en contradiction avec la grande majorité des plus de 160 chapitres du SJP aux États-Unis. Les Étudiants en Palestine considèrent les efforts des étudiants qui mènent des campagnes BDS sur les campus aux USA non seulement comme un geste manifeste de solidarité et d’engagement pour notre cause, mais aussi comme une forme exceptionnellement efficace de soutien à notre lutte. Les chapitres du SJP sont fréquemment en communication et en coordination avec les campagnes des étudiants palestiniens en Palestine, comme la PSCABI, qui font partie du Comité national palestinien du BDS (BNC) – la plus grande coalition dans la société palestinienne, qui est la référence pour le mouvement BDS mondial.

Contrairement au groupe NYC SJP, la plupart des SJP qui travaillent à mettre en valeur et à faire avancer les efforts BDS semblent aller de pair avec les plus grandes coalitions représentant tous les Palestiniens, en Palestine et en exil, surtout avec ceux qui, comme nous, vivent, travaillent et luttent sur le terrain en Palestine, sous les agressions quotidiennes contre nos vies, notre terre et notre dignité. En effet, l’une des principales raisons pour lesquelles le SJP est grandement respecté en tant que partenaire, parmi les groupes palestiniens, c’est que la plupart des organisateurs du SJP prennent le temps de s’engager dans des conversations importantes avec ceux d’entre nous, en Palestine, qui voyons le BDS comme l’une des stratégies les plus efficaces pour gagner une influence politique par l’isolement du régime d’oppression d’Israël.

Il est inquiétant et ironique que des militants prétendant soutenir la lutte palestinienne puissent s’en prendre au BDS, une forme éminente de résistance populaire qui jouit d’un quasi-consensus chez les Palestiniens et qui est devenu l’une des stratégies les plus efficaces – si ce n’est LA plus efficace – en faveur des droits inaliénables du peuple palestinien.

Quelles qu’en soient les intentions sous-jacentes, cette attaque du NYC SJP contre le BDS après dix années d’une progression impressionnante, et à un moment où le gouvernement israélien, les groupes du lobby pro-Israël et les organisations sionistes à travers le monde le combattent comme une « menace stratégique » pour le régime israélien d’occupation, de colonialisme de peuplement et d’apartheid, cette attaque du NYC SJP ne peut que servir la croisade bien huilée d’Israël contre le mouvement BDS.

Le NYC SJP formule aussi des critiques contre le militantisme de solidarité Palestine, ce qui, en tant que critique générale, aurait pu être un exercice utile. Sauf qu’il s’égare dans une attaque contre le BDS et contre sa direction principale, le BNC. Cela ressort malheureusement bien des arguments que le mouvement a dû réfuter au fils des années, avancés par ceux qui s’opposent aux droits des Palestiniens.

Il y a trois grandes questions avec cet article qui le rendent totalement inexact, sous-informé, pauvrement documenté, et nuisible.

La première, en suggérant que le mouvement BDS accepte sans réserve l’idée d’une « société civile palestinienne » idéalisée, monolithique, le NYC SJP semble faire peu de cas de la politique actuelle du mouvement. Les formations engagées dans l’appel BDS englobent les plus grands partis politiques palestiniens, les coalitions de réfugiés, les syndicats, les associations féminines, les associations d’écrivains et de professionnels, les syndicats universitaires, les groupements étudiants, les plus grands réseaux des Palestiniens de 1948, entre autres. Cataloguer ces organismes comme « des outils impérialistes » soulève de sérieuses questions quant à l’intégrité intellectuelle du NYC SJP et de la légitimité de son argument.

Il est clair que l’article du NYC SJP est également inconscient des négociations délicates et des étalonnages politiques difficiles qui furent nécessaires pour élaborer des points de convergence conformes à nos droits les plus fondamentaux, et qui peuvent être avalisés et renforcés à travers un spectre aussi large de Palestiniens, afin de susciter une action concrète et stratégique.

Critiquer une composante cruciale de notre résistance en revendiquant indirectement de connaître les intérêts réels du peuple palestinien mieux que nous, et tenter de parler au nom de tout un peuple sans prendre les dispositions indispensables pour en être responsable devant lui, constituent justement le genre de mentalité coloniale condescendante que le BDS essaie de combattre.

Le NYC SJP argue que si le mouvement BDS marque des points c’est au détriment des autres stratégies et campagnes, au lieu de reconnaître en lui un outil crucial qui met en avant et développe la lutte palestinienne. Depuis le terrain en Palestine, nous considérons nos diverses formes stratégiques de résistance non pas comme antinomiques mais plutôt comme mutuellement bénéfiques. Nous estimons qu’une compétition interne pour une authenticité politique, parmi les progressistes et révolutionnaires auto-proclamés, est antithétique de la lutte palestinienne et toxique pour tous les mouvements cherchant à susciter un changement politique.

La deuxième : la déclaration avance des arguments d’homme de paille pour saper le travail de BDS et les organisateurs de BDS. L’un de ces arguments insinue qu’une direction palestinienne menaçante du BDS interdit la promotion d’un programme pour un État unique. Cet argument est mensonger, et politiquement stupide. Certains, dans cette direction BDS, à titre personnel, furent pendant des décennies parmi les plus constants à défendre la solution pour un État unique démocratique, mais à l’extérieur du cadre BDS. Certains d’entre nous dans le mouvement étudiant ont eux aussi été partisans d’une solution pour un État unique et travaillent activement à cette question. En outre, tous les membres du Groupe pour un État démocratique, basé à Gaza, sont des militants de BDS. Cependant, demander au mouvement BDS de proposer une solution avant même que ne soient remplies les conditions pour que le peuple palestinien puisse décider de la solution ultime est non seulement antidémocratique mais encore manquant totalement de perspicacité.

Le mouvement BDS est invariablement et totalement neutre sur la question de la solution politique à ce conflit colonial et cela, pour plusieurs raisons :

  1. Il n’existe absolument aucun consensus chez les Palestiniens en faveur d’une solution pour un État unique, ou pour deux États. Les sondages d’opinion montrent des flux et reflux à ce sujet qui sont liés aux développements politiques. C’est une réalité qui doit être prise au sérieux par tout mouvement orienté vers un consensus populaire, comme le BDS.
  2. Le BDS n’est pas, et n’a jamais prétendu être, la direction politique du peuple palestinien et par conséquent, il ne peut décider au nom du peuple à quoi doit ressembler un résultat politique acceptable à notre lutte. Autodétermination veut dire que c’est le peuple palestinien (y compris les Palestiniens du territoire de 1948 et les réfugiés) qui doit déterminer démocratiquement quelle solution est jugée acceptable et juste. Un groupe anonyme de militants étudiants à New York, ne leur en déplaise, ne s’inscrit pas dans un processus décisionnel pour déterminer quel doit être l’avenir du peuple palestinien.
  3. Le BDS se fonde sur les trois droits principaux des Palestiniens (le plus important étant le droit au retour pour les réfugiés), lesquels, pris ensemble, pourront contribuer de façon significative à créer les conditions favorables à l’émancipation et l’autodétermination palestiniennes.
  4. Les trois droits dans l’appel BDS de 2005 correspondent aux trois principaux groupes électoraux du peuple palestinien. Quelle que soit la solution que le peuple palestinien retiendra finalement comme juste, elle devra prendre en compte tous les Palestiniens, dans la Palestine historique et en exil, nous en convenons tous. Ces droits, qui constituent le plus grand dénominateur commun entre quasiment tous les partis, syndicats et réseaux palestiniens, ne peuvent et ne doivent pas être réduits à la fin de la seule occupation de 1967, car faire ainsi serait non seulement miner les droits des 62 % du peuple palestinien qui ne vivent pas dans le territoire occupé en 1967, mais encore miner le droit au retour des réfugiés (les personnes déplacées internes) qui résident dans le territoire de 1967.
  5. Le BDS, en tant que composante cruciale de la résistance populaire et civique palestinienne et, sans doute, en tant que forme la plus percutante de la solidarité internationale avec la lutte des Palestiniens pour la liberté, la justice et l’égalité, ne constitue pas un exercice intellectuel. Il cherche à isoler concrètement le régime d’oppression israélien dans les domaines universitaires, culturels, économiques et éventuellement militaires, comme cela a été fait pour l’Afrique du Sud de l’apartheid, afin de réaliser les droits inaliénables de notre peuple. Pour être efficace et en harmonie avec ses principes en tant que mouvement pour les droits humains, BDS est ancré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le droit international, malgré les failles évidentes de ce dernier.

La troisième : l’article mentionne Sodastream comme exemple des « limites libérales » de BDS. Il suggère que BDS se centre presque uniquement sur les colonies et sur l’occupation, et que donc, lorsque Sodastream a annoncé qu’il quittait la Cisjordanie, la logique du mouvement a été compromise. C’est tout simplement faux. Même un coup d’œil rapide au site de BDS aurait montré le contraire : le BNC a appelé à continuer le boycott contre Sodastream, ainsi que l’a expliqué la porte-parole du BNC, le Dr Rafeef Ziadzah, qui a écrit que Sodastream resterait activement complice du déplacement des Palestiniens dans le Naqab et resterait une cible des campagnes de boycott. Elle a dit :

« Même si cette annonce de fermeture est confirmée, SodaStream restera impliqué dans le déplacement de Palestiniens. Sa nouvelle usine de Lehavim est proche de Rahat, un centre de regroupement prévu dans le désert du Naqab (Negev), où des Bédouins palestiniens sont transférés de force, contre leur volonté. Sodastream, en tant que bénéficiaire de ce projet, est complice de cette violation de droits humains ».

De plus, nombreuses sont les campagnes prioritaires du mouvement BDS à avoir ciblé, depuis 2005, le régime israélien pour l’ensemble de l’oppression et des violations du droit international dont il est coupable. Cela inclut le mouvement pour l’embargo militaire, la mobilisation contre le Plan Prawer qui vise le nettoyage ethnique des Bédouins palestiniens du Naqab, le boycott de G4S qui s’ajoute à la complicité de Sodastream dans les violations du droit international dans les territoires de 1967 comme dans celui de 1948, le mouvement pour le boycott et le désinvestissement d’Elbit, la campagne de boycott de Mekorot, HP etc.

Le groupe des étudiants de New York pour la justice en Palestine (NYSJP) tire un certain nombre de conclusions de son argumentation fallacieuse. Une de ces conclusions est que BDS, « qui a été le summum de notre action s’est avéré n’être pas autre chose qu’une porte à tambour, générant les mêmes pétitions et événements chaque semestre avec peu sinon pas du tout de concentration sur le développement ou la construction du mouvement en général ». Nous pouvons admettre que le développement stratégique et l’adoption de tactiques diverses et efficaces sont toujours bienvenus, mais nous ne voyons pas comment le fait que nous pourrions tous en faire plus dans ce domaine, montre que BDS a atteint une sorte de « plafond ».

Si BDS n’a pas une croissance exponentielle et n’isole pas sérieusement le système israélien d’occupation, de colonialisme et d’apartheid, on pourrait légitimement demander pourquoi Israël le combat-il comme une « menace stratégique » ?

Les industriels israéliens ont établi une « hotline BDS » pour aider les entreprises à contrer le boycott international.

Un ancien chef du Mossad israélien, Shabtai Shavit, est convaincu que BDS est devenu un défi « de taille » au système israélien d’injustice, tandis que l’ancien premier ministre Ehud Barak admet qu’il atteint un « seuil critique ». BDS est bien sûr devenu un sujet chaud y compris dans le cadre des élections présidentielles américaines et au Congrès.

Des rapports et des études récents sur l’impact actuel et potentiel de BDS, qu’il soit direct ou indirect, peuvent aider à expliquer pourquoi Israël prend ce mouvement tellement au sérieux.

Selon la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement), l’investissement étranger en Israël a enregistré une baisse de 46% de 2013 à 2014, partiellement due au boycott croissant d’Israël, ainsi que l’admet un des auteurs du rapport.

Une étude récente de l’institut Rand a prédit que si BDS continue à se développer à son rythme actuel, il en coûtera à Israël 1 à 2% de son PNB (44 à 88 millions de dollars US) dans les dix prochaines années.

Selon une étude de la Banque Mondiale, publiée en septembre 2015, les importations de produits israéliens en Palestine ont perdu 24% de leur volume dans les trois premiers mois de l’année 2015. L’étude explique que la chute « est le résultat du ralentissement de l’activité économique, mais aussi d’une tendance croissante des consommateurs palestiniens à substituer aux produits importés d’Israël des produits d’autres pays, ce qui a eu pour effet d’augmenter de 22% les importations de produits non israéliens. Ces initiatives locales de boycott sont coordonnées par le BNC.

Si l’on fait appel à la mémoire du cadre dans lequel s’est développé le mouvement de soutien à la Palestine, nombreux sont ceux qui pourraient se rendre compte que la solidarité a fait un long chemin, grâce à BDS qui a joué un rôle indiscutable dans l’intégration des droits des Palestiniens. Attaquer par des arguments fabriqués, fallacieux et fréquemment démolis n’est pas une manière constructive de faire avancer le mouvement, si on tient pour acquis que c’est là l’intention.

Une autre conclusion tirée par ce groupe a trait à la nécessite de connecter les luttes entre elles. Là aussi, c’est un argument bidon, parce que le mouvement BDS en Palestine et au niveau international a relié des luttes non seulement via des ateliers et des déclarations mais aussi par l’organisation de campagnes rassemblant plusieurs mouvements et s’organisant conjointement. L’intersectionnalité est une stratégie clef et un principe adopté par les participants à BDS à l’échelle mondiale, qui lie la lutte pour la justice pour la Palestine aux mouvements pour la justice raciale, sociale, économique, environnementale et autre, à travers le monde.

Dans sa conclusion, l’article dit que BDS seul ne peut pas conduire à une transformation politique. Précisément. Le BNC n’a jamais suggéré que BDS seul puisse vaincre le système israélien d’oppression massive sponsorisé par les USA, auquel nous faisons face. D’autres formes d’intervention sont certes nécessaires et bienvenues. Mais BDS est sans aucun doute largement reconnu aujourd’hui, que ce soit parmi les Palestiniens et ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens au niveau international ou, ironiquement, par Israël et ses groupes de lobby, comme faisant partie des stratégies les plus puissantes jamais développées par les Palestiniens pour isoler le système israélien d’injustice interne et mondiale.

En tant que groupes étudiants de Gaza, nous sommes attristés par ces attaques sur cette part indispensable de notre combat de la part de ceux qui prétendent lutter pour notre libération. Nous réaffirmons que nous sommes avec l’écrasante majorité du peuple palestinien qui appelle les gens de conscience et les forces progressistes de par le monde à soutenir BDS et à s’engager dans des campagnes BDS efficaces. Gagner la totalité de nos droits inaliénables en tant que peuple et notre seul « plafond ».

Signataires

Secrétariat des Unions et Blocs d’étudiants de la bande de Gaza:
Mouvement de la jeunesse du Fatah
Bloc islamique
Front des étudiants progressistes
Bloc des étudiants Moubadara
Union des comités de lutte des étudiants
Bloc de l’unité étudiante
Bloc de l’union des étudiants progressistes
Bloc des étudiants pour l’indépendance
Bloc de lutte des étudiants
Jeunesse palestinienne pour la libération
Union palestinienne des comités de lutte étudiants
Bloc de la terre te de l’homme

Campagne des étudiants palestiniens pour le boycott académique d’Israël (PSCABI)

Centre de jeunesse Herak