Les exportations d’armes vers Israël doivent cesser immédiatement, disent les experts des Nations unies

GENEVA (23 février 2024) – Tout transfert vers Israël d’armes ou de munitions qui seraient utilisées à Gaza violerait probablement le droit humanitaire international et il doit cesser immédiatement, ont averti aujourd’hui des experts* des Nations unies.

« Tous les États doivent ‘garantir le respect’ du droit humanitaire international par toutes les parties d’un conflit armé, comme cela est requis par les Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier », ont déclaré les experts. « Les États doivent par conséquent s’abstenir de transférer des armes ou des munitions quelconques — ou des pièces détachées pour elles — si l’on peut s’attendre, étant donnés les faits ou les schémas de comportement passés, qu’elles seraient utilisées pour violer le droit international. »

« De tels transferts sont interdits même si l’État exportateur n’a pas l’intention que les armes soient utilisées en violation du droit — ou ne sait pas avec certitude qu’elles seraient utilisées de cette manière — aussi longtemps que le risque est clair », ont-ils dit.

Les experts ont salué la décision de la Cour d’appel néerlandaise du 12 février 2024 ordonnant aux Pays-Bas de suspendre l’exportation vers à Israël de pièces pour l’avion de chasse F-35. La Cour a statué qu’il y avait un « risque clair » que les pièces soient utilisées pour commettre ou faciliter des violations sérieuses du droit humanitaire international, étant donné qu’il « y a de nombreuses indications qu’Israël a violé le droit humanitaire de guerre dans un nombre de cas non négligeable ».

La Cour néerlandaise a signalé les nombreuses victimes civiles, y compris des milliers d’enfants ; la destruction de 60% des maisons civiles et les dommages étendus aux hôpitaux, aux approvisionnements en eau et en nourriture, aux écoles et aux bâtiments religieux ; une famine sévère et étendue ; et le déplacement de 85% des Palestiniens de Gaza. Elle a souligné les preuves d’un usage prolifique de « bombes stupides » imprécises ; d’attaques délibérées, disproportionnées et sans distinction ; de manquements à l’obligation d’avertir les civils des attaques ; et de déclarations condamnables d’officiers et de soldats israéliens.

Plus de 29 313 Palestiniens ont été tués et 69 333 blessés à Gaza depuis le 7 octobre 2023, avec une majorité de femmes et d’enfants parmi eux. « Israël a manqué de manière répétée à son obligation de respecter le droit international », ont dit les experts.

Les experts ont noté que les États parties du Traité sur le commerce des armes ont, de par ce traité, des obligations supplémentaires de refuser les exportations d’armes s’ils « savent » que les armes « seraient » utilisées pour commettre des crimes internationaux ; ou s’il y a un « risque majeur » que les armes transférées « puissent » être utilisées pour commettre de sérieuses violations du droit humanitaire international. Les États membres de l’Union européenne sont de plus liés par la loi de contrôle des exportations d’armes de l’UE.

« La nécessité d’un embargo des armes vis-à-vis d’Israël est renforcée par la décision de la Cour internationale de justice déclarant le 26 janvier 2024 qu’il y un risque plausible de génocide à Gaza et par la poursuite des atteintes graves aux civils depuis », ont dit les experts. La Convention sur le génocide de 1948 exige que les États parties prenantes emploient tous les moyens raisonnablement disponibles pour empêcher un génocide dans un autre État autant que possible. « Cela nécessite de suspendre les exportations d’armes dans les circonstances actuelles », ont dit les experts.

Les experts ont salué la suspension des transferts d’armes à Israël par la Belgique, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la compagnie japonaise Itochu Corporation. L’Union européenne a aussi récemment découragé les exportations d’armes vers Israël.

Les experts ont exhorté les autres États à suspendre immédiatement les transferts d’armes vers Israël, y compris les licences d’exportations et l’aide militaire. Les États-Unis et l’Allemagne sont de loin les plus importants exportateurs d’armes et les envois ont augmenté depuis le 7 octobre 2023. D’autres exportateurs militaires incluent la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie.

Les experts ont noté que les transferts d’armes au Hamas et à d’autres groupes armés sont aussi interdits par le droit international, étant donné leurs graves violations du droit humanitaire international le 7 octobre 2023, en particulier la prise d’otages et les tirs de roquettes sans distinction qui ont suivi.

Le devoir de « garantir le respect » du droit humanitaire s’applique « en toute circonstance », y compris quand Israël affirme qu’il est en train de contrer le terrorisme. Le renseignement militaire ne doit pas non plus être partagé là où il y a un risque clair qu’il soit utilisé pour violer le droit humanitaire international.

 « Les haut-responsables d’États impliqués dans les exportations d’armes peuvent être responsables pénalement à titre individuel d’aider et de favoriser des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des actes de génocide », ont dit les experts. « Tous les États sous le principe de juridiction universelle, ainsi que la Cour pénale internationale, peuvent avoir la capacité d’enquêter sur de tels crimes et de les poursuivre ».

Le experts ont insisté sur le fait que ce devoir de « garantir le respect » requiert de plus de tous les États qu’ils fassent tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir pour empêcher et arrêter les violations du droit humanitaire international par Israël, particulièrement là où un État a de l’influence par ses relations politiques, militaires, économiques ou autres.

Les mesures pourraient inclure :

– Dialogue diplomatique et protestations ;

– Assistance technique pour promouvoir respect du droit et reddition de comptes ;

– Sanctions sur le commerce, la finance, les voyages, la technologie ou la coopération ;

– Renvoi vers le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ;

– Procédures de la Cour internationale de justice ;

– Soutien aux investigations de la Cour pénale internationale ou d’autres mécanismes juridiques internationaux ;

– Investigations pénales nationales, en utilisant la juridiction universelle et des poursuites au civil ; et

– Demande d’une réunion des parties prenantes de la Convention de Genève.

La plupart de ces mesures sont aussi pertinentes pour remplir leur devoir de prévention d’un génocide.

Les entreprises d’armement contribuant à la production et au transfert d’armes à Israël et les compagnies investissant dans ces entreprises ont aussi leur propre responsabilité dans le respect des droits humains, du droit humanitaire international et du droit pénal international. « Elles n’ont pas démontré publiquement la diligence accrue en matière de droits de l’homme qui est exigible d’elles et risquent donc de se rendre complices de violations », ont dit les experts.

« Le droit international ne s’applique pas de lui-même », ont déclaré les experts. « Tous les États ont l’obligation de ne pas se rendre complices de crimes internationaux à travers les transferts d’armes. Ils doivent faire ce qui leur revient pour mettre fin de toute urgence à la catastrophe humanitaire qui ne cesse de s’aggraver à Gaza. »

*Les experts: Ben Saul, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et la lutte antiterroriste; Margaret Satterthwaite, Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats; Cecilia M. Bailliet, Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale; Claudia Mahler, Experte indépendante sur les droits des personnes âgées; Farida Shaheed, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation; Livingstone Sewanyana, Expert indépendant sur l’ordre international ; Surya Deva, Rapporteur spécial sur le droit au développement; Attiya Waris, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des Etats sur plein exercice des droits de l’homme ; Ashwini K.P., Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme; Olivier De Schutter, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté; Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays; Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains; Tomoya Obokata, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage; Carlos Salazar Couto (Président-Rapporteur), Sorcha MacLeod, Jovana Jezdimirovic Ranito, Chris M. A. Kwaja, Ravindran Daniel, Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires; Robert McCorquodale (Président-Rapporteur), Fernanda Hopenhaym (Vice-Présidente), Pichamon Yeophantong, Damilola Olawuyi, Elzbieta Karska, Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme; Barbara G. Reynolds (Présidente), Dominique Day, Bina D’Costa, Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine; Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable; Dorothy Estrada Tanck (Présidente), Claudia Flores, Ivana Krstić, Haina Lu, et Laura Nyirinkindi, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles; et Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur les territoires palestiniens occupés; Reem Alsalem, Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes et les filles; Fabián Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice et de la réparation.

La déclaration est approuvée par : Aua Baldé (Présidente-Rapporteuse), Gabriella Citroni (Vice-Présidente), Angkhana Neelapaijit, Grażyna Baranowska, Ana Lorena Delgadillo Perez, Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires; Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme; Nicolas Levrat, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités et David R. Boyd, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement.

Les Rapporteuses et Rapporteurs spéciaux, les Expertes et Experts indépendants et les Groupes de travail font partie de ce qui est connu sous le nom de Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les Procédures spéciales, le plus grand organe d’experts indépendants dans le système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants de recherche des faits et de surveillance du Conseil pour répondre à des situations nationales spécifiques ou à des questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts et expertes des procédures spéciales travaillent sur la base du bénévolat, sans être membres du personnel des Nations unies et sans recevoir de salaire pour leur travail. Indépendants de tout gouvernement et de toute organisation, ils et elles agissent à titre individuel.

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Pour les enquêtes des médias à propos d’autres experts indépendants des Nations unies, merci de contacter Maya Derouaz (maya.derouaz@un.org) et Dharisha Indraguptha (dharisha.indraguptha@un.org).

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