Les États-Unis appellent Israël à gérer « la catastrophique crise humanitaire » à Gaza

Ne pas aider à améliorer la situation sur le terrain pourrait amener à des restrictions de l’aide militaire états-unienne

Israël ne répond pas à la « catastrophique crise humanitaire » à Gaza, a déclaré la représentante des États-Unis aux Nations Unies alors qu’approche la date limite imposée par Washington pour que les Israéliens améliorent la situation ou qu’ils soient confrontés à de potentielles restrictions sur l’aide militaire.

« Les paroles d’Israël doivent s’accompagner d’une action sur le terrain », a dit Linda Thomas-Greenfield au Conseil de sécurité. « Actuellement, cela n’est pas le cas. Et cela doit changer — immédiatement. »

Les États-Unis ont dit à Israël le 13 octobre qu’il devait prendre des mesures sous 30 jours ou s’attendre sinon à des répercussions, dont l’arrêt potentiel des transferts d’armes des États-Unis. « Les États-Unis ont affirmé clairement qu’Israël doit autoriser la nourriture, les médicaments et d’autres fournitures à entrer dans tout Gaza — particulièrement au nord, et particulièrement alors que l’hiver s’installe — et qu’il doit protéger les employés qui les distribuent », a dit Thomas-Greenfield.

Ses remarques ont été formulées alors que la Norvège a déclaré qu’elle chercherait une clarification de la part de la Cour internationale de justice (CIJ) sur les obligations d’aide humanitaire d’Israël ,après le vote de la Knesset interdisant toute coopération avec l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour le secours aux Palestiniens, et que des dirigeants mondiaux et des organisations internationales exprimaient leurs craintes concernant les livraisons d’aide humanitaire à Gaza.

Israël cherchera à mettre en oeuvre sous 90 jours les mesures votées par les parlementaires israéliens lundi — dont une interdiction sur de nouveaux visas et permis de travail pour le personnel étranger de l’UNRWA, qui doit entrer via Israël. Cela signifie que les diplomates occidentaux ont une courte fenêtre après les élections aux États-Unis pour essayer de le contraindre à reculer.

Des sanctions sur les membres du gouvernement israélien et des révisions des liens commerciaux sont aussi en cours d’examen par plusieurs pays si les mesures votées sont mises en oeuvre.

Thomas-Greenfield a dit qu’il n’y avait pas d’alternative à l’Unrwa pour livrer l’aide humanitaire à Gaza et que Washington avait « de sérieuses inquiétudes » à propos des lois votées. L’UNRWA est le plus grand fournisseur d’aide humanitaire aux Palestiniens, y compris pour les services médicaux et éducatifs.

Le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a dit que la décision du parlement israélien était « intolérable » et aurait « des conséquences dévastatrices ».

On prévoit aussi que la décision de la Knesset sera condamnée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui est fermement convaincu que les Nations Unies ne peuvent collectivement permettre à un État membre d’agir unilatéralement pour détruire une agence mise en place par une résolution de l’Assemblée générale.

La Norvège a dit qu’elle demanderait à la Cour internationale de justice de clarifier les obligations d’assistance d’Israël envers les Palestiniens en tant que puissance occupante, pour rendre accessible l’aide humanitaire au peuple palestinien, disant qu’elle visait à affirmer qu’aucun pays n’est exempté de ses obligations internationales.

Le Premier ministre, Jonas Gahr Støre, a déclaré que la Norvège « demandait que la CIJ se prononce sur les obligations d’Israël à rendre accessible au peuple palestinien l’assistance humanitaire livrée par des organisations internationales, dont les Nations Unies et des États ».

Une mention à la CIJ va presque certainement conduire à de nouvelles ordonnances puisque la plus haute Cour des Nations Unies a déjà jugé qu’Israël avait failli à son devoir légal, en tant que puissance occupante, de fournir de l’aide humanitaire.

Les deux lois du parlement israélien interdisent à l’agence de mener « toute activité » ou de fournir tout service à l’intérieur d’Israël, y compris dans les zones annexées de Jérusalem-Est, de Gaza et de Cisjordanie. L’UNRWA est accusée par Israël d’être trop proche du Hamas, de ne pas agir avec neutralité, et de perpétuer la question des réfugiés.

Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a dit que l’agence onusienne ne pourrait accomplir le travail pour lequel elle a été mandatée par l’Assemblée générale si Israël mettait en oeuvre ces [nouvelles] lois et a appelé Israël à « agir d’une manière cohérente par rapport à ses obligations » selon la charte des Nations Unies et le droit international, disant : « Une législation nationale ne peut altérer ces obligations ».

Les votes de lundi ont aussi été largement critiqués en Europe. La ministre du Développement du Royaume-Uni, Anneliese Dodds, a dit aux parlementaires britanniques : «  L’Unrwa est indispensable pour la fourniture d’aide humanitaire aux Palestiniens. Aucune autre agence ne peut faire entrer de l’aide à Gaza à l’échelle requise ».

Elle a dit que le Royaume-Uni perdait patience avec les excuses d’Israël pour ne pas fournir d’aide à grande échelle à Gaza. Un nombre grandissant de membres du Parlement britannique remettent aussi en question les liens commerciaux avec Israël.

Le Secrétaire britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a suggéré plus tôt lundi que des sanctions pourraient être prises contre des politiciens israéliens si l’UNRWA était « mise à genoux ».

La commissaire pour la politique des droits humains et l’assistance humanitaire d’Allemagne,

Luise Amtsberg, a averti que la mesure « rendrait effectivement impossible le travail de l’UNRWA à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est …compromettant une aide humanitaire vitale pour des millions de personnes ».

Le taoiseach [Premier ministre] de la République d’Irlande, Simon Harris, a appelé l’Union européenne à réviser ses liens avec Israël. « Ce qu’Israël et la Knesset israélienne ont fait la nuit dernière était méprisable, scandaleux et honteux », a-t-il dit. « Davantage de personnes vont mourir, davantage d’enfants vont être affamés ».

L’Espagne, la Slovénie, l’Irlande et la Norvège ont publié une déclaration commune condamnant l’interdiction votée par Israël et ont alerté sur le fait qu’elle établissait un « très sérieux » précédent pour le travail des Nations Unies et de toutes les organisations du système multilatéral.

Les groupes humanitaires Oxfam, ActionAid, et le Conseil australien pour le développement international (Acfid) ont tous condamné le geste d’Israël. Les vaccinations contre la polio à Gaza seront presque impossible sans l’aide de l’UNRWA, a dit la conseillère humanitaire d’Acfid, Naomi Brooks. «  Cette motion mine l’opération humanitaire internationale à Gaza, où des millions de personnes sont confrontées à la déshydratation, à la faim et à la maladie », a-t-elle dit.

Martin Griffiths, ancien directeur du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, a déclaré : « Ceci est un test pour les valeurs multilatérales que le Conseil de sécurité est supposé protéger. Nous avons besoin d’une série d’actions et pas d’une série de déclarations ».

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré : « Les employés de l’UNRWA impliqués dans des activités terroristes contre Israël doivent rendre des comptes. Puisqu’éviter une crise humanitaire est aussi essentiel, une aide humanitaire soutenue doit rester disponible à Gaza maintenant et à l’avenir ».

« Dans les 90 jours avant que cette législation ne prenne effet — et après — nous nous tenons prêts à travailler avec nos partenaires internationaux pour garantir qu’Israël continue à faciliter l’aide humanitaire pour les civils de Gaza, d’une façon qui ne menace pas la sécurité d’Israël », a-t-il dit.

Les Nations Unies ont licencié neuf employés de l’UNRWA en août après une enquête sur les allégations israéliennes selon lesquelles des membres du personnel de l’UNRWA étaient impliqués dans l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre.

Au Liban, le ministre de la Santé a dit qu’au moins 60 personnes avaient été tuées lundi dans des raids israéliens sur plusieurs zones de Baalbek, au nord-est de la plaine de Bekaa, où se maintient le Hezbollah soutenu par l’Iran. Le gouverneur de la région, Bachir Khodr, a dénoncé ce qu’il a appelé les « plus violents » raids sur la région depuis le début de la guerre entre Israël et le Hezbollah, il y a environ un mois.

Ceux-ci ont suivi une année d’échanges à basse intensité et d’attaques transfrontalières dont le groupe libanais a dit qu’elles étaient destinées à soutenir le Hamas.

  • Avec Associated Press et Agence France-Presse