Le point de vue du Guardiansur la famine orchestrée à Gaza : cessez d’armer le massacre — ou vous perdrez l’État de droit

Alors que les Palestiniens meurent de faim dans les décombres, les gouvernements occidentaux défendent Israël, subventionnent l’aide armée et démantèlent les règles mêmes qu’ils affirment défendre.

Les pleurs de Gaza ont été noyés dans les frappes d’Israël contre l’Iran et la pression diplomatique sur Benjamin Netanyahou à cause de ses souffrances a reflué. Alors que le monde industrialisé exhorte à la désescalade au Moyen Orient, la dévastation continue. Mardi matin, des témoins ont décrit les forces israéliennes tirant sur la foule qui attendait des camions chargés de farine, laissant plus de 50 morts. Ce ne sont pas des balles égarées dans le chaos d’une guerre, c’est le résultat d’un système qui rend meurtrière l’aide humanitaire.

Comme Médecins Sans Frontières l’a déclaré cette semaine, ce qui se déroule à Gaza est « l’éviscération calculée des systèmes mêmes qui maintiennent la vie ». Cela inclut les maisons, les marchés, les réseaux d’eau et les hôpitaux — le système de soins étant sous attaque permanente. La semaine dernière, une commission des États-Unis a conclu que plus de 90% des écoles et des universités de la Bande de Gaza ont été endommagées ou détruites par les forces israéliennes, au moyen de frappes aériennes, d’incendies, de bombardements et de démolitions contrôlées. Ce qui se passe n’est pas un dommage collatéral des nécessités militaires, c’est un programme d’annihilation des civils.

Dans de telles circonstances, les mots sans action sont pires que vides de sens. Les puissances occidentales ne peuvent condamner les crimes de guerre et les génocides tout en fournissant les armes qui les causent ailleurs. S’ils croient au droit international, des pays comme le Royaume-Uni devraient agir pour le faire respecter. La loi n’est pas la loi si personne ne l’applique. Israël est la puissance occupante à Gaza et a le devoir clair selon la Quatrième Convention de Genève de garantir l’accès de la population à la nourriture, à l’eau et aux soins médicaux.

Au lieu de cela, il a imposé un blocus et chassé les opérations humanitaires des Nations Unies. À leur place, il a soutenu une « Fondation humanitaire pour Gaza » (Gaza Humanitarian Foundation, GHF), un plan d’assistance privée coordonné à sa propre armée et surveillé par des mercenaires des États-Unis. Citant des allégations sans preuves sur leur infiltration par le Hamas, Israël a mis au rebut 400 sites d’aide humanitaire appuyés par les Nations Unies, pour autoriser seulement quatre centres militarisés gérés par la GHF. En quelques semaines, environ 300 Palestiniens seraient morts en essayant d’accéder à ces sites de nourriture. Des responsables des Nations Unies ont raison de dire que le plan GHF est « une pénurie orchestrée » qui a fait de la distribution d’aide humanitaire « un piège meurtrier ». Le Centre pour les droits constitutionnels basé aux États-Unis a aussi prévenu que la GHF pourrait être poursuivie pour son aide à « des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide ». Pourtant le Département d’État de Donald Trump réfléchit à lui accorder une subvention de 500 millions de dollars [430 millions d’euros].

Au Royaume-Uni, des ministres disent que ce sont les tribunaux qui doivent juger du bien-fondé des allégations de génocide, alors même que les juristes du gouvernement dans ces tribunaux affirment qu’il n’y a pas de génocide. Ce n’est pas seulement une dérobade morale, c’est une contradiction tactique, conçue pour maintenir les ventes d’armes et une couverture diplomatique. Cette hypocrisie a des conséquences. En protégeant Israël de l’obligation de rendre des comptes pour Gaza et en approuvant maintenant ses frappes illégales contre l’Iran, les gouvernements occidentaux ne sont pas simplement complices — ils démantèlent l’ordre juridique qu’ils affirment défendre. Ils s’alignent aux tentatives de M. Trump pour saper les institutions conçues pour faire rendre des comptes aux puissants, remplaçant les normes juridiques par une couverture politique.

Comme l’a dit Jeremy Konyndyk, ancien responsable de l’USAID [l’Agence des États-Unis pour le développement international], si la GHF était un véritable projet humanitaire, elle aurait arrêté un modèle qui produit des massacres quotidiens. Selon Katherine Wilkens de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, la GHF impose de sévères limites sur la nourriture, soumet les civils à des filtrages biométriques invasifs et distribue l’aide humanitaire à la pointe du fusil sous contrôle israélien — en violation claire du droit international. Ce qui s’effondre à Gaza n’est pas seulement l’infrastructure. C’est le principe que la guerre elle-même a des règles. Quand ces règles sont abandonnées pour les alliés, plus personne n’est en sécurité.