Le Conseil d’Etat valide la possibilité d’une conférence sur Gaza avec Rima Hassan à l’université Paris-Dauphine

La haute juridiction a estimé qu’en l’absence d’« éléments suffisamment circonstanciés », la réalité des menaces alléguées à l’ordre public n’était pas établie.

La conférence intitulée « Agir face à la menace de génocide à Gaza » pourra se tenir « dans les meilleurs délais » à l’université Paris-Dauphine, avec pour invités Rima Hassan, juriste franco-palestienne et candidate aux élections européennes sur la liste La France insoumise, et Ivar Ekeland, président de l’association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip). Le Conseil d’Etat a confirmé, lundi 6 mai, la décision du juge des référés du tribunal administratif de Paris prise le 4 mai, dont le président de l’université El-Mouhoub Mouhoud avait fait appel.

Pour les juges des référés du Conseil d’Etat, il n’existe pas d’« éléments suffisamment circonstanciés de nature à établir au sein de l’université Paris-Dauphine la réalité des menaces alléguées à l’ordre public et l’impossibilité d’y faire face ». A leurs yeux, « la réalisation de travaux dans la cour d’honneur de l’établissement rendant plus difficile la sécurisation des locaux [n’est] pas à elle seule suffisante pour fonder l’interdiction de la réunion en cause ».

Cette conférence initialement prévue le 6 mai avait été interdite par la direction de l’établissement le 22 avril pour cause de « risque de troubles à l’ordre public » et par la nécessité de « garantir la sécurité » des participants. Devant le juge administratif, la direction de l’université avait en outre invoqué que le thème de la réunion excéderait « les missions de l’établissement ou serait de nature à remettre en cause sa neutralité ».

« On ne peut pas tout contrôler »

Lors de l’audience, El-Mouhoub Mouhoud a affirmé qu’il n’avait aucune « opposition sur le fond », mais que « l’éthique de la responsabilité » avait guidé cette décision, prise après consultation des dix membres de son comité de direction. « Je n’ai rien à dire sur la personnalité des intervenants, je ne traite ni du fond ni de mes convictions, mais collectivement des risques de sécurité, a-t-il exposé. On ne peut pas tout contrôler à partir d’un service de sécurité d’une dizaine de personnes. »

Il a ajouté que lors de la venue de la députée « insoumise » Mathilde Panot, le 15 février, « les entrées n’ont pas été contrôlées et des étudiants extérieurs à Paris-Dauphine ont perturbé la réunion » et que « certains étudiants avaient eu très peur ».

Des « risques de tension interne » sont apparus en octobre 2023 après l’attaque terroriste du Hamas en Israël et la riposte qui s’est ensuivie à l’encontre des Palestiniens de Gaza, a fait valoir Sébastien Damart, vice-président de l’université, évoquant notamment un « arrachage » d’affiches des otages israéliens. « Les relations cordiales, voire amicales qui préexistaient entre l’Union des étudiants juifs de France et l’Association des étudiants musulmans se sont très largement crispées », a-t-il souligné.

« Modération de la parole »

Katia Guermonprez, avocate du comité Palestine de Paris-Dauphine – constitué par les syndicats SUD-éducation et FERC-CGT et qui compte une centaine de membres s’est étonnée d’une « gestion prédictive de l’ordre public par la direction selon laquelle la conférence devait mal se passer ». Or, a-t-elle relevé, « des conférences se sont bien passées et les travaux en cours depuis un an n’ont visiblement pas bloqué les autres conférences ». L’université n’est « pas un salon de thé » et elle doit « garantir l’expression du pluralisme des opinions dans le respect du maintien de l’ordre », a-t-elle complété.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle que « les organisateurs se sont engagés à mettre en place un système d’inscription préalable pour assister à la conférence, à assurer un contrôle des entrées dans la salle et prévoir un dispositif de modération de la parole » et « à ne tolérer aucune expression antisémite ou aucun propos puni par la loi », précise la haute juridiction.

A la sortie de l’audience, Rima Hassan a déclaré que « de telles conférences font partie de la vie des universités dès lors que les étudiants se saisissent des sujets nationaux et internationaux, et c’est ce qui fait la richesse de cette institution ». La candidate aux élections européennes a ajouté qu’elle était conviée « en tant que juriste spécialiste en droit international » comme elle l’a également été sur le campus de Menton de Sciences Po Paris, le 28 mars, ou encore à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, le 24 avril.