• Sommaire
• Embauche par UG Solutions de 96 anciens combattants des forces spéciales pour servir au checkpoint de Gaza
• Ce déploiement inquiète sur la présence d’Américains dans cette zone de conflit du Moyen Orient
• Des Égyptiens collaborent avec des prestataires US au checkpoint
WASHINGTON, 30 janvier (Reuters) – Une petite entreprise étatsunienne de sécurité embauche près de 100 vétérans des forces armées spéciales des États-Unis pour aider à la gestion d’un checkpoint à Gaza pendant la trêve entre Israël et le Hamas, selon le porte-parole d’une entreprise et d’un mail de recrutement que Reuters a vu ; cela pour introduire des prestataires étatsuniens armés au cœur d’une des zones de conflit les plus violentes au monde.
UG Solutions – une compagnie discrète fondée en 2023 à Davidson en Caroline du Nord – propose un prix de journée à partir de 1 100 dollars (1000 €), avec une avance de 10 000 dollars (9 600 €) aux vétérans embauchés, d’après le mail.
Ils vont être le personnel du checkpoint à une intersection-clé de l’intérieur de Gaza, a dit le porte-parole qui a confirmé l’authenticité du mail.
Quelques personnes ont été recrutées et sont déjà sur place, a dit le porte-parole, sous couvert de l’anonymat. Il n’a pas dit combien de prestataires étaient déjà à Gaza.
Le rôle de UG Solutions dans l’accord de cessez-le feu a fait l’objet d’un reportage, mais le mail apportait des détails inconnus auparavant, dont l’objectif de recruter 96 vétérans uniquement parmi des anciens des forces spéciales d’opération des États-Unis, ainsi que le salaire et le type d’armes dont ils seraient dotés.
Reuters a rapporté le 7 janvier que des représentants des Émirats avaient suggéré de recourir à des prestataires privés comme force de maintien de la paix à Gaza post-guerre et que l’idée avait posé des problèmes dans les pays occidentaux.
Le déploiement de prestataires armés étatsuniens à Gaza, où le Hamas reste une force puissante après 14 mois de guerre, est sans précédent et présente le risque d’introduction d’Américains dans les combats, alors que l’administration de Donald Trump cherche à empêcher le conflit Hamas-Israël de repartir.
Parmi les risques auxquels les Américains sont confrontés il y aurait des combats avec des combattants islamistes ou avec des Palestiniens en colère contre le soutien de Washington à l’offensive d’Israël sur Gaza.
« Ils sont évidemment soumis à ce risque » a dit Avi Melamed, un ancien agent de renseignement israélien.
Le document mentionnait que les prestataires seraient armés de fusils M4, utilisés par les armées israélienne et étatsunienne, et des pistolets Glock.
Les règles d’engagement en vigueur lorsque du personnel d’UG Solutions peut ouvrir le feu ont été mises au point, a dit le porte-parole, mais il a refusé de les présenter.
« Nous avons le droit de nous défendre » a-t-il dit. Il a refusé de parler de la façon dont la firme avait emporté le contrat.
LE RÔLE DE L’ÉGYPTE
Sharen Haskel, la ministre adjointe aux affaires étrangères d’Israël a dit mardi à des reporters, sans nommer UG Solutions ni les États Unis, qu’Israël avait demandé que l’accord intègre le recours à une firme de sécurité privée qui agirait avec « une compagnie égyptienne de sécurité ou des forces armées égyptiennes pour aider à maintenir la sécurité et les flux d’aide humanitaire à Gaza.
Mais, a-t-elle dit, il reste à voir si l’arrangement « fonctionne vraiment ».
De précédents cycles de négociations pour un cessez-le feu ont été entravés par une exigence de la part d’Israël de pourvoir le checkpoint en personnel à partir de ses propres troupes.
Des témoins à Gaza ont récemment décrit du personnel de sécurité égyptien au checkpoint utilisant des scanners pour chercher des armes cachées dans des véhicules.
Une source égyptienne a dit que les Égyptiens au checkpoint étaient des forces spéciales formées ces derniers mois y compris sur le contre-terrorisme.
Un représentant palestinien proche des discussions a confirmé que des prestataires étatsuniens seraient aussi présents au checkpoint, à l’intersection du Corridor de Netzarim qui divise le nord et le sud de Gaza et rue Sala al-Din qui sépare l’Est et l’Ouest de l’enclave.
Le représentant a dit néanmoins que les prestataires étatsuniens seraient déployés à l’écart des habitants qui passeraient le checkpoint et qu’ils ne devaient pas avoir d’échange avec la population.
Le mail de UG Solutions a dit que sa mission première portait sur « la gestion de l’intérieur des véhicules au checkpoint et l’inspection des véhicules ».
« Nous ne nous occupons que des véhicules » a dit le porte-parole.
Le bureau du premier ministre a refusé de fournir tout autre commentaire sur les arrangements sécuritaires. Le Département d’État U.S. le ministère égyptien des affaires étrangères et le Hamas n’ont pas immédiatement répondu à la demande de commentaires.
Le recours à des firmes de sécurité privées des États Unis a, par le passé, conduit à des désastres. En 2007, des prestataires de la firme Blackwater, désormais disparue, ont tiré sur 14 civils qu’ils ont tués au Square Al Nisour à Bagdad, déclenchant une crise diplomatique et attisant la colère des Irakiens. Quatre employés de Blackwater furent condamnés par un tribunal étatsunien et graciés par Trump lors de son premier mandat.
Des insurgés à Fallujah en Irak en 2004 tuèrent quatre Américains qui travaillaient pour Balckwater et pendirent deux des corps à un pont, entraînant une réponse militaire U.S. massive.
Les embauchés de UG Solutions travailleront avec Safe Reach Solutions (Solutions d’Accès Sécurisé), qui fait de la logistique et de la planification, selon le porte-parole et une autre source familière du contrat.
Chaque embauché sera gratifié de 500 000 dollars (481 500 €) en cas de mort et de mutilation accidentelles, et le taux/ jour pour des anciens infirmiers des forces spéciales US s’élève à 1 250 dollars (1 203 €) est-il dit dans le mail.
Une autre source familière du contrat a dit qu’Israël et, sans les nommer, « des pays arabes » qui ont travaillé à l’accord, financent le consortium. Le gouvernement des États-Unis n’a pas d’implication directe dans la décision d’inclure une compagnie de sécurité dans l’accord de cessez-le feu ni dans l’attribution du marché, a dit la source.
‘UN NARRATIF DE VICTOIRE’
Ahmed Fouad Alkhatib, un membre du think tank Atlantic Council qui a grandi à Gaza, a minimisé le danger encouru par les Américains parce que leur rôle dans le retour des Palestiniens déplacés renforce la revendication du Hamas d’une victoire sur Israël.
« Même le Hamas, avec toute sa rhétorique et ses actions épouvantables, comprend que c’est cette présence américaine même … qui nourrit son narratif de victoire » a-t-il dit.
Gaza a été dévasté par des bombardements israéliens pendant 15 mois d’une guerre commencée après l’assaut du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël qui a tué 1200 personnes et capturé 250 otages, selon un bilan israélien.
Près de 47 000 Palestiniens, majoritairement civils, sont morts dans la bataille.
Le 19 janvier a marqué le début d’un cessez-le feu de 60 jours : c’est la première phase de l’accord dont l’Égypte et le Qatar ont assuré la médiation avec un soutien des États-Unis. Depuis cette date, des centaines de milliers de Palestiniens déplacés se sont écoulés à pied et en véhicules en passant par le checkpoint nord vers la ville de Gaza, sur un chemin réduit en miettes par les bombardements israéliens.
QUI-G?
Plusieurs personnes de l’industrie privée de sécurité ont dit à Reuters qu’elles n’avaient pas entendu parler de UG Solutions.
La seule compagnie officiellement présente dans les registres de l’État de Virginie est Jameson Govani qui n’a pas répondu aux messages téléphoniques. Il est présenté comme un vétéran des forces spéciales U.S.
Une source du secteur de la sécurité privée U.S. informée du contrat UG Solutions, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, a dit qu’il semblait dangereux de déployer des Américains à Gaza, de crainte qu’un combat éclate « vraiment rapidement ».
Ce qui arriverait si les Américains étaient attaqués ou capturés n’était pas clair, ni selon le droit de quel pays les actes du prestataire seraient régis.
Le mail ne dit pas qui leur porterait secours. Le porte-parole de UG Solutions a dit que le document était dépassé et que des forces capables de réagir vite seraient mises à disposition. Il n’a pas donné plus de détails.
« Nous sommes bien équipés pour préserver notre sécurité »
Ont enquêté : Jonathan Landay et Aram Roston. Reportage complémentaire de Erin Banco à New York, Nidal al-Mughrabi, Ahmed Mohamed Hassan et Nafisa Eltahir au Caire, et Alexander Cornwell et Emily Rose à Jérusalem. Révision : Don Durfee et Frank Jack Daniel