L’AURDIP appelle l’Agence Universitaire de la Francophonie à soutenir les universités de Gaza

Dans une lettre adressée à l’AUF, le président de l’AURDIP, Ivar Ekeland, souligne avec inquiétude : « Lors de l’invasion de l’Ukraine, l’AUF avait su trouver les mots qu’il fallait… Voici deux mois que les universités palestiniennes, membres de l’AUF de surcroît, sont attaquées et en grande partie détruites, ainsi que les institutions représentatives de la culture française, et l’AUF se tait ?.. Il est temps que l’AUF se déclare solidaire des universités, des écoles et des centres culturels attaqués, où qu’ils soient, et qu’elle se désolidarise des agresseurs, quels qu’ils soient. »

M. Sorin Mihai Cîmpeanu,
Président de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)

M. Slim Khalbous,
Recteur de l’AUF

Monsieur le Président, Monsieur le Recteur,

Les deux derniers mois à Gaza ont été le théâtre d’une violence sans précédent : plus de 60 % des immeubles ont été détruits, plus de dix-sept mille civils sont morts, dont sept mille enfants et cinq mille femmes, 75 % de la population a été chassée de chez elle, sans eau ni nourriture, et sans nulle part où aller.

Les universités de Gaza payent une part disproportionnée du désastre universel qui s’abat sur ce territoire exigu où sont parqués plus de deux millions d’êtres humains. Deux d’entre elles, l’Université Al-Azhar, et l’Université Al-Aqsa, sont membres de l’AUF. Le campus de l’Université Al-Azhar a été rasé, celui de l’Université Al-Aqsa gravement endommagé, les bombardements n’ont épargné ni les enseignants, ni le personnel administratif, ni les étudiants. Bien entendu ces universités ne peuvent plus fonctionner, les gens songeant plutôt à sauver leur peau qu’à dispenser ou suivre des cours. Pour faire bonne mesure, l’Institut Français de Gaza a été visé par un bombardement et en partie détruit, et le personnel français a dû être évacué. L’AUF a également deux universités membres en Cisjordanie occupée, Birzeit à Ramallah et An-Najah à Naplouse. Leur fonctionnement est gravement perturbé. Universitaires et étudiants restent terrés chez eux, victimes de ce que le gouvernement français, ainsi que nombre des pays francophones, ont qualifié de « politique de terreur » de la part des colons et l’armée israéliens.

Monsieur le Président, lors de l’invasion de l’Ukraine, l’AUF avait su trouver les mots qu’il fallait. Dès le 4 mars, deux semaines à peine après l’invasion, l’AUF déclarait : « Face à la guerre en Ukraine qui affecte les universités du pays, soumises à des conditions de fonctionnement inhumaines, ainsi qu’à l’exode des réfugiés, l’Agence universitaire de la Francophonie affirme sa solidarité avec le peuple ukrainien et en particulier les établissements scolaires et universitaires ukrainiens ». Voici deux mois que les universités palestiniennes, membres de l’AUF de surcroît, sont attaquées et en grande partie détruites, ainsi que les institutions représentatives de la culture française, et l’AUF se tait ? Il est grand temps que vous proclamiez votre solidarité avec elles, et avec tous les enseignants et les étudiants qui ont appris le français, qui coopèrent avec des chercheurs et des enseignants français, et qui travaillent à propager la culture française de part le monde.

Nous avons entendu, venant de l’Université de Bar-Ilan, membre de l’AUF, une rhétorique belliqueuse. Nous osons espérer qu’elle n’est pas partagée par l’AUF, ni que celle-ci encourage des rencontres entre académiques, militaires et industriels en vue d’améliorer les performances des armes sur le champ de bataille. La francophonie, ce n’est pas seulement le fait de parler français. C’est aussi de participer à une culture et de partager des valeurs. Celles qui ont fait le rayonnement de la France dans le monde sont des valeurs universelles, qui proclament la solidarité des êtres humains et leur vocation à vivre en paix et à résister à l’oppression. Il est temps que l’AUF se déclare solidaire des universités, des écoles et des centres culturels attaqués, où qu’ils soient, et qu’elle se désolidarise des agresseurs, quels qu’ils soient.

Le 9 décembre 2023

Ivar Ekeland

Ancien Président de l’Université Paris-Dauphine
Membre de l’Academia Europea et de la Société Royale du Canada
Membre étranger des Académies de Norvège, de Palestine et d’Autriche
Président de l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP)

  • La photo montre l’Université Al Azhar de Gaza avant et après les bombardements israéliens.