L’Association américaine des professeurs d’université condamne la vague de politiques administratives visant à réprimer des manifestations pacifiques sur les campus

La prolifération récente de ces nouvelles politiques restrictives semble être une tentative pour apaiser des politiciens qui appellent les administrateurs des universités à avoir une main lourde sur les manifestants parmi le corps enseignant et les étudiants. Nous devons réitérer ce que nous avons écrit dans notre déclaration de novembre 2023, Polarizing Times Demand Robust Academic Freedom [Des temps polarisants exigent une liberté académique solide] : « En accédant aux pressions et aux demandes politiques extérieures en faveur d’une censure politique au lieu d’encourager la plus grande liberté de discussion, les administrations des collèges et des universités abandonnent leur propre responsabilité, qui est de protéger les missions centrales de la communauté académique, à savoir l’éducation, la recherche et le service à la société en général et au bien public ».

En apparente réaction aux manifestations étudiantes depuis octobre dernier, plusieurs administrations de collèges universitaires et d’universités ont promulgué en hâte des politiques excessivement restrictives sur le droit de réunion et de manifestation sur les campus. Ces politiques, qui vont au-delà de restrictions raisonnables sur le temps, le lieu et la manière, imposent des limites sévères sur la parole et les réunions, qui découragent ou étouffent la liberté d’expression. Par exemple, ces politiques exigent souvent un enregistrement préalable des manifestations ou des protestations, enregistrement qui, parce qu’elles ont lieu spontanément ou avec peu de temps de planification, revient à les interdire. Exiger un enregistrement préalable favorise aussi la surveillance des plans de manifestations, ce qui peut décourager celles des groupes dont les opinions sont minoritaires. Une majorité des récentes politiques sur l’activité d’expression limitent strictement les lieux où les manifestations peuvent se tenir, la permission d’utiliser des sons amplifiés et les types d’affichage permis. Imposant des sanctions sévères pour leur violation, ces politiques dissuadent largement étudiants et personnel enseignant de s’impliquer dans des protestations et des manifestations.

Ceux et celles qui se soucient de l’enseignement supérieur et de la démocratie devraient être alarmés pour plusieurs raisons.

D’abord et avant tout, ces politiques sapent sévèrement la liberté académique et la liberté de parole et d’expression qui sont fondamentales pour l’enseignement supérieur. La libre recherche et la libre expression sont indispensables à la transmission des connaissances, le développement des étudiants et le bien-être de la démocratie. Nos collèges et universités devraient encourager, et non supprimer, les dialogues ouverts et vigoureux et débattre même des convictions les plus profondément établies.

Deuxièmement, ces nouvelles politiques piétinent les droits des étudiants. En 1967, pendant une autre vague de manifestations étudiantes, l’Association américaine des professeurs d’université (American Association of University Professors, AAUP) et d’autres groupes, dont l’Association des Collèges américains (maintenant Association américaine des collèges et universités) et l’Association nationale des administrateurs des questions étudiantes (NASPA), ont publié une Déclaration conjointe des droits et libertés des étudiants. Les principes et les normes exposés dans cette déclaration sont pertinents pour les tentatives actuelles visant à réprimer le discours et le comportement des étudiants.

« Les étudiants des collèges et universités sont à la fois des citoyens et des membres de la communauté académique. En tant que citoyens, les étudiants devraient jouir de la même liberté de parole, de réunion pacifique et de droit de pétition dont jouissent les autres citoyens et, en tant que membres de la communauté académique, ils sont sujets aux obligations qui leur incombent en vertu de cette appartenance. Les membres du corps enseignant et les responsables administratifs devraient garantir que les pouvoirs institutionnels ne soient pas employés pour entraver le développement intellectuel et personnel des étudiants, développement qui est souvent favorisé par l’exercice de leurs droits de citoyens à la fois sur le campus et en dehors (italiques ajoutés). »

Troisièmement, beaucoup de ces nouvelles politiques sur le campus ont été imposées sans consultation ou presque du corps enseignant, une consultation qui est essentielle avant de développer des politiques affectant la liberté académique du corps enseignant et des étudiants. De tels édits imposés d’en haut par des administrateurs de l’université contournent le rôle central des organes élus du personnel enseignant, comme les sénats universitaires, dans la gouvernance de l’université. Selon la Déclaration sur le gouvernement des collèges et des universités de l’AAUP, le corps enseignant a « la responsabilité première » sur le contenu et les méthodes de l’enseignement et sur « les aspects de la vie étudiante qui sont liés au processus éducatif », et le corps enseignant joue un rôle décisif dans la détermination de la politique éducative générale.

Quatrièmement, les politiques réduisent les droits du corps enseignant, qui doivent être libres de toute censure ou punition institutionnelle quand ils parlent ou écrivent en tant que citoyens. Des institutions d’enseignement supérieur devraient viser à encourager un environnement dans lequel le corps enseignant, les employés étudiants, les étudiants et les autres membres de la communauté sur le campus sont libres de discuter et de débattre de sujets difficiles, à l’intérieur et à l’extérieur de la classe. Les nouvelles politiques sont susceptibles d’affecter de manière disproportionnée les membres du corps professoral sans titularisation, à temps plein ou partiel, ainsi que les employés étudiants, en particulier les personnes de couleur dans ces groupes.

La prolifération récente de ces nouvelles politiques restrictives semble être une tentative pour apaiser des politiciens qui appellent les administrateurs des universités à avoir une main lourde sur les manifestants parmi le corps enseignant et les étudiants. Nous devons réitérer ce que nous avons écrit dans notre déclaration de novembre 2023, Polarizing Times Demand Robust Academic Freedom [Des temps polarisants exigent une liberté académique solide] : « En accédant aux pressions et aux demandes politiques extérieures en faveur d’une censure politique au lieu d’encourager la plus grande liberté de discussion, les administrations des collèges et des universités abandonnent leur propre responsabilité, qui est de protéger les missions centrales de la communauté académique, à savoir l’éducation, la recherche et le service à la société en général et au bien public ». Les administrateurs qui affirment que ces politiques sur l’« activité d’expression » protègent la liberté académique et l’apprentissage des étudiants, alors même qu’elles restreignent sévèrement leur exercice, risquent de détruire les libertés mêmes de parole et d’expression qu’ils prétendent protéger.

Publication :  Mercredi 14 août 2024