La vidéo montre des secouristes, feux de l’ambulance allumés, tués à Gaza sous un barrage de tirs

Les Nations Unies ont dit qu’Israël a tué les secouristes. La vidéo paraît contredire la version des événements donnée par Israël qui dit que les véhicules « avançaient de manière suspecte » sans phares ni signalisation d’urgence.

Une vidéo a capturé le moment où les troupes israéliennes ont ouvert le feu sur un groupe d’auxiliaires médicaux à Gaza en mars dernier (la vidéo complète est à la fin de l’article).

Une vidéo, découverte sur le téléphone cellulaire d’un ambulancier trouvé avec 14 autres auxiliaires de santé dans une fosse commune à Gaza fin mars, montre que les ambulances et le camion de pompiers dans lesquels ils se déplaçaient étaient clairement marqués comme tels et avaient leurs signalisations d’urgence allumées quand les troupes israéliennes les ont frappés d’un barrage de coups de feu.

Des responsables de la Société du Croissant-Rouge de Palestine ont dit dans une conférence de presse vendredi aux Nations Unies, conférence modérée par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qu’ils avaient présenté l’enregistrement de presque sept minutes, obtenu par The New York Times, au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Un porte-parole de l’armée israélienne, le Lt. Col. Nadav Shoshani, a dit plus tôt cette semaine que les forces israéliennes n’ « attaquaient pas au hasard » une ambulance, mais que plusieurs véhicules « avaient été identifiés comme avançant de manière suspecte » sans phares, ni signalisations d’urgence, vers les troupes israéliennes, ce qui les avaient incité à tirer. Le colonel Shoshani a dit plus tôt cette semaine que neuf des personnes tuées étaient des combattants palestiniens. Israël n’a pas répondu immédiatement à une requête de commentaires sur la vidéo.

The Times a obtenu la vidéo d’un haut diplomate des Nations Unies qui a demandé à ne pas être identifié afin de pouvoir partager des informations sensibles.

The Times a vérifié l’emplacement et le timing de la vidéo qui a été prise près de la cité de Rafah au sud, tôt le 23 mars. Filmée dans ce qui paraît être l’intérieur d’un véhicule en mouvement, à l’avant, elle montre un convoi d’ambulances et d’un camion de pompiers, clairement marqués comme tels, avec des phares et des lumières clignotantes allumées; se dirigeant vers le sud sur une route au nord de Rafah, au petit matin. On peut voir les premiers rayons du soleil, et entendre des oiseaux gazouiller.

Le convoi s’arrête quand il rencontre un véhicule chaviré sur le côté de la route — une ambulance avait été envoyée plus tôt au secours de civils blessés et avait subi une attaque. Les nouveaux véhicules de secours dévient alors vers le côté de la route.

On peut voir les sauveteurs, au moins deux d’entre eux, avec leurs uniformes, sortant d’un camion de pompier et d’une ambulance marquée de l’emblème du Croissant-Rouge et approchant de l’ambulance échouée sur le côté.

Alors, des sons d’une fusillade intense éclatent.

On voit et on entend dans la vidéo un barrage de coups de feux frappant le convoi.

La caméra tremble, l’écran de la vidéo devient noir. Mais la bande audio continue pendant cinq minutes et le bruit de la fusillade ne s’arrête pas. Un homme dit en arabe qu’il y a des Israéliens présents.

On entend sur la vidéo l’ambulancier qui filmait récitant, encore et encore, la chahada, la profession de foi musulmane, que les gens récitent quand ils sont confrontés à la mort : « Il n’y a pas de dieu en dehors de Dieu, Mahomet est son messager », entend-on l’ambulancier réciter. Il demande le pardon à Dieu et dit qu’il sait qu’il va mourir.

« Pardonne-moi, mère. C’est le chemin que j’ai choisi — aider les gens », dit-il. « Allahu akbar, Dieu est grand », dit-il.

En fond, on peut entendre un tumulte de voix des auxiliaires humanitaires bouleversés et des soldats criant des ordres en hébreu. Ce qu’ils disent n’est pas clair.

La porte-parole de la Société du Croissant-Rouge de Palestine, Nebal Farsakh, a dit dans une interview depuis la ville cisjordanienne de Ramallah que l’ambulancier qui a filmé la vidéo a plus tard été trouvé dans la fosse commune avec une balle dans la tête. Son nom n’a pas encore été révélé parce qu’il a des parents vivant à Gaza qui sont inquiets des représailles israéliennes, a dit le diplomate des Nations Unies.

À la conférence de presse tenue au siège des Nations Unies, le président de la Société du Croissant-Rouge de Palestine, Dr. Younis Al-Khatib, et son adjoint, Marwan Jilani, ont dit aux journalistes que les preuves réunies par la Société —incluant la vidéo et l’audio de l’épisode, et l’examen médico-légal des corps — contredisent la version des événements donnée par Israël.

Les morts des travailleurs humanitaires, qui ont été portés disparus le 23 mars, ont suscité l’attention et la condamnation de la communauté internationale ces derniers jours. Les Nations Unies et le Croissant-Rouge de Palestine ont dit que les travailleurs humanitaires ne portaient aucune arme et ne posaient aucune menace.

« Leurs corps ont été visés à une distance très rapprochée », a dit Dr. Khatib, ajoutant qu’Israël n’a pas fourni d’information sur la localisation des auxiliaires médicaux disparus pendant plusieurs jours. « Ils savaient exactement où ils étaient parce qu’ils les ont tués », dit-il. « Leurs collègues étaient à l’agonie, leurs familles étaient à l’agonie. Ils nous ont laissés huit jours dans l’ignorance. »

Il a fallu cinq jours après que les véhicules de secours ont été attaqués et sont devenus silencieux pour que les Nations Unies et le Croissant Rouge négocient avec l’armée militaire un passage sécurisé afin de chercher leurs personnels disparus. Dimanche, des équipes de secours ont découvert 15 corps, la plupart dans une fosse commune peu profonde avec leurs ambulances broyées et un véhicule marqué du logo des Nations Unies.

La zone où le convoi s’arrête dans la vidéo a été captée dans une image satellite quelques heures plus tard et analysée par The Times. À ce moment, les cinq ambulances et le camion de pompier avaient été déplacés hors de la route et regroupés ensemble.

Deux jours plus tard, une nouvelle image satellite de la zone montrait que les véhicules étaient apparemment enterrés. Près de la terre remuée, se trouvent trois bulldozers militaires israéliens et une excavatrice. De plus, des bulldozers ont élevé des barrières de terre sur la route dans les deux directions à partir de la fosse commune.

Un membre du Croissant Rouge palestinien est toujours porté disparu et Israël n’a pas dit s’il est emprisonné ou s’il a été tué, a dit Dr. Khatib.

Dr. Ahmad Dhair, un médecin légiste qui a examiné quelques-uns des corps à l’hôpital Nasser de Gaza, a dit que quatre des cinq travailleurs humanitaires qu’il a examinés ont été tués, frappés par de multiples balles, avec des blessures à la tête, au torse et aux articulations. Un employé auxiliaire médical du Croissant-Rouge dans le convoi a été arrêté, puis relâché par l’armée israélienne et il a fourni un témoignage sur les tirs de l’armée israélienne contre les ambulances, ont dit les Nations Unies et la Société du Croissant-Rouge.

Dylan Winder, le représentant de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge aux Nations Unies, a appelé l’incident un scandale et a dit qu’il représentait l’attaque la plus meurtrière contre des travailleurs de la Société de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, où que ce soit dans le monde, depuis 2017.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’Homme, a dit au Conseil qu’une investigation indépendante doit être menée, et que l’épisode soulève « d’autres inquiétudes sur la commission de crimes de guerre par l’armée israélienne ».

Neil Collier, Sanjana Varghese et Ephrat Livni ont contribué au reportage. Natalie Reneau a contribué à l’édition de la vidéo.

  • Photo : À gauche un auxiliaire médical avec son équipement réfléchissant ; à droite, marque distinctive de l’ambulance