La police israélienne a arrêté la professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian pour incitation à la haine

Cinq universitaires basées en Europe, Revital Madar, Nacira Guénif, Tal Dor, Sadia Agsous-Bienstein et Karine Lamarche, alertent sur la persécution que subie la professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian, une Palestinienne citoyenne de l’État d’Israël et citoyenne américaine. « Non seulement les allégations contre [elle] sont fausses et sans fondement, mais les mesures prises contre elle par l’Université hébraïque et maintenant par la police israélienne violent sa liberté d’expression ».

La police israélienne est arrivée hier (18 avril 2024) au domicile du professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian à Jérusalem. Ils ont confisqué son ordinateur, d’autres documents et des livres du poète palestinien Mahmoud Darwish. Selon son avocat, Alaa Mahajna, elle a été arrêtée pour incitation au terrorisme, à la violence et au racisme, et a fait l’objet d’une enquête. Elle a été détenue pour la nuit. Une audience est en cours au tribunal de première instance de Jérusalem pour examiner la demande de la police de prolonger sa détention pour 7 jours.

La persécution du professeur Nadera Shalhoub-Kevorkian, une Palestinienne citoyenne de l’État d’Israël et citoyenne américaine, remonte au 29 octobre, 2023, lorsque les professeurs Asher Cohen et Tamir Scheafer, président et recteur de l’HUJI, lui ont envoyé une lettre en lui demandant de démissionner. La raison de cette injonction était la signature par la professeure Shalhoub Kevorkian d’une pétition intitulée « Les chercheurs et les étudiants sur l’enfance appellent à un cessez-le-feu immédiat à Gaza ».  Selon la lettre envoyée par les Profs. Cohen et Scheafer, deux points les ont amenés à demander que la professeure Shalhoub-Kevorkian démissionne : la caractérisation de la campagne militaire israélienne à Gaza comme un génocide et l’affirmation qu’Israël occupe la Palestine depuis 1948 et non depuis 1967.

L’arrestation actuelle est liée à l’interview du professeure Shalhoub-Kevorkian sur le podcast Makdisi Street. Suite à cette interview, l’association de droite « Btsalmo » a alerté l’Université hébraïque, affirmant que la professeure Shalhoub-Kevorkian avait nié les violences sexuelles commises par le Hamas, ainsi que d’autres atrocités commises le 7 octobre. Ils ont demandé à l’université de la renvoyer. L’université hébraïque a décidé de la suspendre de ses obligations d’enseignement.

Une vidéo éditée de l’interview, publiée dans les réseaux sociaux et les médias israéliens, a donné l’impression que la professeure Shalhoub-Kevorkian niait les actes du Hamas et ne les condamnait pas. Bien qu’elle ait indiqué à plusieurs reprises au cours de l’entretien qu’elle condamnait de tels actes et qu’en tant que féministe, elle croyait toutes les victimes, les médias israéliens ont lancé une campagne de diffamation. Comprenant que la professeure Shalhoub-Kevorkian ne niait pas les actes commis par le Hamas, l’université hébraïque est revenue sur sa décision de la suspendre. Cependant, la campagne menée contre elle par des organisations de droite et des membres du gouvernement israélien et de la Knesset se poursuit. Le 22 mars 2024, à son retour en Israël, la professeure Shalhoub-Kevorkian a été retardée et interrogée à l’aéroport, avant d’être relâchée. Depuis lors, la police israélienne a déclaré qu’elle examinait l’ouverture d’une enquête à son encontre.

L’arrestation, l’enquête et la détention actuelles sont la concrétisation de ces menaces qui visent à faire taire toute voix critique qui ne s’aligne pas sur le discours officiel d’Israël. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une attaque générale en Israël contre le monde universitaire israélien et la liberté d’expression depuis le 7 octobre, visant en particulier les étudiants et les membres du corps enseignant palestiniens. « Adalah » et « Academia for Equality » ont documenté les persécutions contre les étudiants et les professeurs dans des rapports publiés le 23 octobre 2023 et le 13 novembre 2023.

Non seulement les allégations contre la professeure Shalhoub-Kevorkian sont fausses et sans fondement, mais les mesures prises contre elle par l’Université hébraïque et maintenant par la police israélienne violent sa liberté d’expression. Elles ont mis sa vie en danger et ont porté atteinte à son bien-être et à celui de sa famille. Elles indiquent également aux autres universitaires et aux citoyens israéliens en général qu’ils feraient mieux de se taire s’ils ne veulent pas voir leur position menacée et leur liberté confisquée.

 19 avril 2024

Signataires :

Revital Madar, Robert Schuman Centre for Advance Studies, European University Institute

Nacira Guénif, Professor, University Paris 8 LEGS

Tal Dor, Associate Researcher, LEGS Université Paris and CENS Nantre Université

Sadia Agsous-Bienstein, spécialiste Culture Palestinienne et Israelienne & Relations Juives Arabes, Université Libre de Bruxelles

Karine Lamarche, Research Fellow, CNRS, Nantes