La mort sous détention palestinienne d’un opposant à Abbas attise le dégoût contre son régime

L’Autorité palestinienne et ses agences de sécurité ne sont pas capables de corriger leur approche méprisante et aliénante envers leur propre peuple.

Nizar Banat, un militant politique qui a critiqué l’Autorité palestinienne (AP) depuis des années, est mort jeudi peu après avoir été arrêté par les forces de sécurité palestiniennes. Les milliers qui ont manifesté en Cisjordanie après sa mort ont affirmé que c’était un assassinat politique.

En fait, le manque de sophistication de sa violente arrestation suggère que le plan pourrait bien ne pas avoir été de le tuer, certainement pas à cette étape, mais seulement de l’avertir, lui et d’autres, de ne pas oser critiquer l’AP.

Après tout, plus grands sont le dégoût et la répulsion envers un régime autoritaire impopulaire qui ne change pas, plus explicites sont les avertissements et les méthodes de dissuasion de ce régime. Autrement dit, l’arrestation de Banat et la violence ont été planifiées et calculées, mais pas le résultat : sa mort.

L’absence de freins des forces de sécurité indique que Banat a depuis longtemps été marqué comme un casse-pieds. Les forces de sécurité palestiniennes — contrôlées par des personnes puissantes du mouvement Fatah — sont la colonne vertébrale de l’AP et du gouvernement du président Mahmoud Abbas.

Ils ne protègent pas leur peuple des attaques des colons ni des invasions de l’armée israélienne. Au lieu de cela, ils garantissent l’existence de l’AP et le confort dans lequel vivent les hauts fonctionnaires et hommes politiques, la nomenklatura, malgré les critiques et leurs échecs politiques, et malgré l’oppression continuelle d’Israël s’emparant de terres, une oppression facilitée par la coordination de sécurité avec l’AP.

Banat a été arrêté avant l’aube jeudi, non pas dans sa maison de Dura, mais dans la maison de ses cousins à Hébron, dans H2, la partie de Hébron sous contrôle de sécurité israélien. Dans cette partie de la ville, les forces de sécurité palestiniennes doivent demander aux Israéliens la permission de faire des arrestations et coordonner l’entrée de personnel armé avec l’armée israélienne et le Coordinateur des activités du gouvernement d’Israël dans les Territoires.

Banat se considérait récemment « recherché » par l’AP, a dit à Haaretz un de ses amis qui vit à Dura. Il a dit que Banat a déménagé temporairement à H2. Le 2 mai, des coups de feu et des grenades paralysantes ont été tirés sur sa maison de Dura. Sa maison est proche du tribunal, donc il ne manque pas des gardes de sécurité palestiniens dans la zone.

Sans doute, qui que ce soit qui ait tiré sur la maison de Banat se sentait protégé et confiant. Banat avait quatre enfants, dont le plus jeune est âgé de 4 mois. Il a pris cela comme un avertissement. Apparemment il espérait que la sécurité palestinienne ne se soucierait pas de l’arrêter dans H2, ou aurait des difficultés à obtenir la permission d’Israël pour le faire. Il avait tort.

La fusillade a suivi d’amers affrontements verbaux entre le Fatah et les membres de l’AP d’une part et Banat de l’autre, parce qu’il osait les critiquer pour la coordination de la sécurité avec Israël, pour la corruption et le népotisme, et pour ce qu’il voyait comme des intérêts personnels placés avant le bien du peuple.

Ces derniers jours, il était focalisé sur l’annulation de l’accord grâce auquel Israël aurait donné à l’AP des vaccins Pfizer-BioNTech sur le point d’expirer, en échange de vaccins frais qu’Israël était supposé obtenir au début de l’an prochain et qui étaient originellement prévus pour le territoire palestinien. Comme beaucoup de Palestiniens, Banat trouvait difficile à croire que les intérêts financiers personnels de dirigeants de premier plan n’étaient pas derrière ce marché maladroit. Le manque de transparence n’a fait que renforcer leurs soupçons.

L’aversion du public palestinien pour l’AP, ces hauts fonctionnaires, leur modus operandi et leurs résultats, continue à bouillir sous la surface. Occasionellement elle éclate en manifestations et elle se reflète dans des conversations au hasard et dans des posts sur des réseaux sociaux. La plupart choisissent sans doute leurs mots soigneusement, parce que les branches de la sécurité de l’AP arrêtent des gens à cause de ce genre de déclarations.

Banat n’était pas prudent. Dans des vidéos qu’il a postées sur Facebook, l’aversion, la répugnance et la colère sont claires sur son visage, dans ses mots et dans la manière dont il les prononce. Sans être découragé par les arrestations et les avertissements, il a continué à se déchaîner contre l’AP.

En novembre, il a été arrêté et poursuivi après avoir cloué au pilori le ministre des Affaires civiles Hussein al-Sheikh – l’analogue du Coordinateur des activités du gouvernement d’Israël dans les Territoires – et l’AP pour reprendre la coordination de sécurité avec Israël. Mais le tribunal palestinien l’a relâché.

Banat, qui travaillait comme peintre et décorateur, n’a pas cessé de dénigrer l’AP même après la fusillade du 2 mai. Il était candidat pour le parti Liberté et Dignité qui avait prévu de candidater à l’élection du 22 mai qu’Abbas a annulée. Les préparations pour le vote et l’annulation ont offert de nouvelles opportunités à sa critique.

Selon les témoignages rassemblés jeudi par le Centre palestinien pour les droits humains, à environ 3h du matin, la vitre au rez-de-chaussée de l’immeuble de Madji Banat à Hébron a été fracassée. Nizar Banat et des membres de sa famille, Mohammed et Hussein, les fils de Majdi, dormaient dans la pièce. Deux hommes armés, en vêtements civils, sont entrés par la fenêtre et ont aspergé de gaz poivré les personnes présentes dans la pièce. L’un des deux a ouvert la porte de la chambre et d’autres hommes de la sécurité sont entrés, y compris trois dont les vêtements portaient l’inscription « Sécurité préventive palestinienne ».

Les membres de la famille ont estimé que 20 agents de sécurité ont participé à l’arrestation. Après les avoir aspergés de gaz poivré, quelques-uns ont frappé Banat avec des matraques. L’un d’eux l’a aussi frappé à la tête avec une barre métallique, pendant que d’autres pointaient leurs armes sur les frères Hussein et Mohammed et les empêchaient d’intervenir. Environ sept minutes plus tard, les agents de sécurité ont entraîné Banat dehors, dans ses sous-vêtements, et l’ont frappé pendant qu’il criait dans une douleur intense, disent les membres de la famille.

Les agents de sécurité ont confisqué le téléphone et l’ordinateur de Banat ; environ une heure plus tad est arrivée l’annonce de sa mort à l’hôpital gouvernemental de Hébron. Sa mort a envoyé des ondes de choc et provoqué des manifestations, tant virtuelles qu’en personne. L’AP a annoncé mettre en place une commission d’enquête gouvernementale, mais il semble que ni l’AP ni les agences de sécurité ne soient capables de corriger leur approche méprisante et aliénante envers leur propre peuple, qui vit sous le fardeau de l’occupation israélienne.