Après avoir subi les pressions de groupes pro-israéliens, Scientific American a supprimé de son site web un texte appelant à la solidarité avec les Palestiniens.
Après avoir subi les pressions de groupes pro-israéliens, Scientific American a supprimé de son site web un texte appelant à la solidarité avec les Palestiniens.
Le 2 juin, ce magazine a publié une tribune sous le titre “Professionnels de la santé, nous sommes solidaires de la Palestine”. Cet article, rédigé par un groupe de médecins et d’étudiant·e·s en médecine, décrivait en détail les atrocités commises récemment par Israël et prenait l’engagement de soutenir le mouvement BDS.
“Nous qui, pour beaucoup d’entre nous, travaillons dans le domaine de la santé, nous savons bien que les soins de santé n’existent pas dans un vide”, disait l’article. “Nous comprenons de plus en plus la façon dont des forces structurelles – oppression systématisée et institutionnalisée, racisme, violence, désinvestissement et déplacement, ainsi que des politiques visant à priver les êtres humains de leurs droits fondamentaux – entraînent des résultats funestes en termes de santé et de mortalité. Nous ne pouvons pas continuer à rester passifs en assistant à l’effacement violent de tout un peuple par un État qui est, selon les éléments recueillis par des organisations internationales de défense des droits humains, un État d’apartheid, infligeant au peuple palestinien des dommages physiques et psychologiques incalculables.”
Le Dr. Stanley Robboy, le Dr. Robert Gutman (tous deux membres du conseil d’administration de l’antenne Caroline du Nord de Voice4Israel) et le Dr. Edward Halperin (recteur et directeur général du New York Medical College) ont immédiatement envoyé au magazine une lettre accusant cette publication de “ propagande politique partiale”. Elle était signée par plus de cent personnes du milieu médical.
Selon Voice4Israel, Laura Helmuth, rédactrice en chef de Scientific American, n’a mis que quelques heures pour s’incliner. Elle a accepté de supprimer l’article et a indiqué que la publication était en train de réviser son processus d’évaluation interne “pour éviter toute répétition de cette erreur par le magazine”. L’URL qui donnait accès à l’article conduit maintenant à un message expliquant que cette tribune “sortait du cadre” du site web.
Dans un fil Twitter, l’une des auteur·e·s de l’article, Qaali Hussein, émet l’hypothèse que l’appel au BDS a entraîné la suppression de ce texte. “Comble de l’ironie, les méthodes du BDS, outil non violent qui vise à mettre fin à une oppression et paraît ‘problématique’ aux yeux de certains, sont utilisées pour faire pression sur des revues scientifiques afin qu’elles violent la liberté universitaire et autorisent la censure”, tweete la chirurgienne traumatologue.
“Nous maintenons chaque mot de notre tribune”, poursuit-elle. “Comme nous l’avons dit auparavant, ‘nous affirmons que la santé est un droit humain universel, y compris pour le peuple palestinien, et que le temps du silence est passé depuis longtemps. Désormais, garder le silence, c’est être complice’ #StopCensoringPalestine”
Ce n’est assurément pas la première fois que des membres de la communauté médicale ont affronté la censure en raison de leurs positions sur Israël. En mars 2020, The Lancet a publié une lettre mettant en garde contre une flambée potentielle de COVID à Gaza et expliquant que la politique d’Israël dans la région était vouée à exacerber cette calamité menaçante.
Cette lettre a été supprimée en l’espace de trois jours après une campagne similaire de groupes pro-israéliens et de voix favorables à Israël dans le milieu médical. Le rédacteur en chef Richard Horton a dit aux auteurs que la publication avait déjà été prise pour cible en raison d’un article de 2014 critiquant les violations des droits humains commises par Israël, et qu’elle ne pourrait pas faire face à une nouvelle attaque coordonnée.
“Les universitaires constituant une cohorte qui s’efforce aujourd’hui de menacer et de censurer activement tout écrit critique sur la santé des Palestiniens sont respectés dans leurs domaines”, écrivaient les auteurs de la lettre. “Ils viennent principalement de sociétés de colonialisme de peuplement, notamment Israël, les États-Unis, le Canada et l’Australie, et se voient régulièrement accorder des plates-formes dans les revues universitaires afin d’‘équilibrer’ la vérité sur les politiques oppressives d’Israël. L’argumentaire consiste à dire qu’il existe ‘deux côtés’ à tout récit relatif à la santé des Palestiniens, et qu’il est donc nécessaire de leur donner un poids égal. Cependant, cette façon de voir ne tient pas compte du profond déséquilibre des pouvoirs qui étaie inévitablement le mythe de la colonie de peuplement tout en occultant l’expérience vécue des colonisés.”