Une nouvelle loi israélienne pourrait permettre d’installer les institutions d’études supérieures en Cisjordanie
Il est très probables que les campagnes pour le boycott académique d’Israël s’intensifient à la suite du projet de loi de transférer des institutions des études supérieures dans les colonies de Cisjordanie, préviennent des universitaires.
Il apparait que cette nouvelle loi mette les études supérieures au centre du débat sur les colonies de Cisjordanie, considérées illégales par le droit international. Cela ferait passer l’Université d’Ariel en Samarie, ainsi que d’autres universités, sous l’égide du Conseil pour les Etudes Supérieures d’Israël, mettant fin au rôle du Conseil des Etudes Supérieures de Judée et Samarie.
Des détracteurs du projet de loi, qui est soutenu par le Parti de droite Habayit Hayehudi, considèrent que cette loi équivaut à l’annexion par Israël d’une partie des territoires occupés en 50 ans, depuis que le pays a mit la main sur Jérusalem Est en 1967.
Naftali Bennett, ministre de l’éducation et dirigeant du parti Habayit Hayehudi, a déclaré au premier ministre Benjamin Netanyahu qu’il ferait obstacle à d’autres lois tant que le projet de loi n’aura pas avancé, d’après un article du journal israélien de gauche Haaretz.
Le projet de loi a déjà passé le premier vote sur les trois nécessaires au parlement israélien, la Knesset.
Une campagne contre la loi menée par Amiram Goldblum, professeur émérite en chimie pharmaceutique à l’Université hébraïque de Jérusalem, a obtenu le soutien de 220 universitaires en Israël.
Professeur Goldblum explique dans Haaretz que le projet de loi est la “garantie d’un tsunami contre la science en Israël”.
S’exprimant dans Times Higher Education, il déclare que cette loi mènerait à une augmentation des boycotts académiques des universités israéliennes.
“Ce sera principalement des boycotts cachés bien plus qu’explicites,” dit-il. “Je n’imagine pas les universités de Cambridge ou d’Oxford ou les Etats-Unis boycotter une université israélienne. Cela n’arrivera pas.
“Mais toutes les voies cachées sont possibles. Elles ont déjà été utilisées dans de nombreux cas ces deux dernières années.”
Parmi les exemples de boycott caché figurent le refus par des éditeurs de revue internationale de publier des articles d’universitaires israéliens ou l’incapacité de titulaires de doctorat israélien de trouver un poste postdoctoral à l’étranger, explique le professeur Goldblum.
La loi aurait aussi pour conséquence la réduction des financements internationaux, étant donné que le Conseil Européen de Recherches exige qu’aucun financement ne soit transféré directement ou indirectement aux colonies et la Fondation Binationale de Sciences israélo-étasunienne n’accepte pas les projets de recherches des colonies.
Professeur Goldblum explique qu’environ 50 pourcent des financements des universités de recherche en Israël proviennent de l’Europe.
Fawaz Gerges, professeur en relations internationales et de la chaire des Emirats en études contemporaines du Moyen-Orient à la London School of Economics, pense aussi que l’impact de cette loi serait significatif.
“Si la nouvelle loi est instaurée, il faudra s’attendre à ce que le boycott académique international d’Israël s’intensifie considérablement et que les universités israéliennes reçoivent beaucoup moins de financements internationaux, particulièrement de l’Union Européenne,” explique Professeur Gerges. “Le projet de loi montre clairement que le gouvernement de droite en Israël méprise les préoccupations légales et éthiques, et agit en état voyou.”
David Harel, chair professorale William Sussman du département de sciences informatiques et de mathématiques appliqués à L’institut de Science Weizman, qui soutient la campagne du Professeur Goldblum, a déclaré que la loi “endommagerait…la communauté scientifique et académique israélienne en général”.
“Il est clair qu’il existe un potentiel pour que certaines institutions refusent de financer Israël en général… Cela pourrait être très mauvais pour le science en Israël,” a-t-il déclaré.
M. Bennett “utilise le fait qu’il se trouve être le ministre de l’éducation pour faire ce qu’il veut vraiment faire, c’est à dire annexer la totalité des territoires, agrandir Israël autant que possible et être officiellement responsable des territoires occupés”, a-t-il ajouté.
L’Université d’Ariel, principal sujet de cette loi, s’est vue octroyer le statut d’université à part entière lors de la polémique de 2012. L’institution avait été le sujet d’un boycott par le Syndicat de l’Université du Royaume Uni, et ses chercheurs avaient dû se retirer d’une conférence à Londres en 2014 après qu’on leur ait dit qu’ils ne pourraient pas mentionner leur affiliation institutionnelle.
Malgré la campagne académique, Professeur Harel, qui est aussi le vice-président de l’Académie israélienne de sciences et lettres, pense qu’il y a peu de chances pour que la population en Israël ne s’oppose à cette loi.
“Ce projet de loi n’a pas l’air, pour l’Israélien de base, d’un geste flagrant d’annexion du territoire,” dit-il.
Geoffrey Alderman, professeur Michael Gross de sciences politiques et d’histoire contemporaine à l’Université de Buckingham et ancien professeur invité à l’Université d’Ariel, pense que le nouveau projet de loi “ne va sûrement pas changer grand chose”.
“Les universitaires qui sont boycotteurs endurcis continueront de boycotter. Bien que les boycotteurs soient très bruyants, leurs aboiements sont bien pires que leurs morsures,” dit-il.