‘La famine est partout’ : Des visites virtuelles de cliniques de Gaza révèlent l’ampleur de l’horreur

Ces dernières semaines, nous avons parlé par vidéo avec des médecins dans l’ensemble de la Bande de Gaza. Grâce à des visites
virtuelles de centres médicaux, nous avons cherché à documenter la situation dans laquelle des milliers d’enfants souffrent de sévère
malnutrition aiguë. Ce que nous avons vu était d’une ampleur catastrophique.

Bayan Saqer est allongée sur un lit. Sa mère la soutient, lui tenant la tête. Elle a 10 ans, est très maigre, frêle et faible. Son corps est inerte. Elle pèse 17 kilos (37 livres).

« C’est le poids d’un enfant de 4 ans », dit le Dr. Ahmed al-Farra, directeur du département de pédiatrie de l’hôpital Nasser de Khan Younis, dans la Bande de Gaza. « Elle ne souffre d’aucune maladie, seulement de malnutrition. » Il y a deux mois, elle pesait 24 kilos, dit la maman de la petite.

Le Dr. Al-Farra montre les côtes saillantes de Bayan, ses mains maigres. Elle lui serre la main et parvient à s’asseoir pendant l’examen, mais ses yeux sont sans vie. Il lui demande de dire quelque chose ; elle doit faire un effort pour dire son nom. Pendant notre conversation, il apparaît que le père de famille a été blessé au début de la guerre et a perdu une jambe. Obtenir de la nourriture est devenu une tâche impossible.

« Il n’y a pas de nourriture », dit la mère, « et même s’il y en a, nous n’avons pas d’argent pour l’acheter. »

Nous avons mené une rencontre virtuelle lundi dernier avec Al-Farra et ses patients via un appel vidéo. Ces quelques dernières semaines, nous avons cherché à documenter à quoi ressemble la famine à Gaza, pour être témoins de la gravité de la situation de nos propres yeux. Israël ne permet pas aux journalistes d’entrer dans la Bande, mais par vidéo, nous avons pu mener en temps réel des visites en ligne d’hôpitaux et de cliniques.

Pour cet article, nous avons mené quatre de ces visites, dans différents lieux, et eu des conversations avec 12 autres médecins, dont 10 étaient des volontaires venus des États-Unis et de Grande Bretagne et qui sont actuellement dans la Bande de Gaza ou y étaient récemment. Ce que nous avons vu là-bas ne laissait aucune place au doute sur l’ampleur de l’horreur.

La visite de l’hôpital Nasser, au sud de Gaza, a duré environ une heure. Al-Farra est allé de lit en lit, tandis qu’un autre membre du personnel de l’hôpital tenait la caméra. Nous avons vu des enfants dont le corps était ravagé par la faim, les os saillants. Leurs cheveux avaient jauni ou étaient tombés, leur visage était ridé et leur ventre gonflé. Leur corps était inerte ; beaucoup avaient des marques sur la peau. Certains semblaient complètement apathiques.

Grâce à cette visite et aux autres de notre tournée par vidéo, ainsi que grâce aux conversations que nous avons eues avec les médecins et les membres d’organisations humanitaires, nous avons pu documenter l’état actuel – et, lorsque c’était possible, l’histoire médicale – d’une cinquantaine d’enfants (et quelques adultes) qui souffrent de malnutrition aiguë sévère.

En ce qui concerne à peu près la moitié d’entre eux, il a été impossible d’obtenir des informations fiables à cause du chaos qui règne dans la Bande. Pour 27 enfants cependant, nos conversations avec les médecins, des membres de leur famille et le personnel de plusieurs organismes officiels de Gaza ont fait apparaître un portrait plus clair : dix-sept enfants étaient tombés dans un état de malnutrition sévère sans problèmes de santé préexistants ; 10 souffraient de maladies antérieures.

C’est le moment de dire deux choses sur les conditions de santé préexistantes. Premièrement, nous avons découvert que les problèmes de santé antérieurs que nous avons rencontrés étaient un résultat des conditions de vie catastrophiques dans la Bande au cours des 22 derniers mois, ou s’étaient dangereusement aggravés à cause de la faim. Deuxièmement, les médecins avec qui nous avons parlé n’ont cessé d’expliquer que, même lorsqu’il s’agit de personnes déjà malades, une malnutrition aiguë sévère n’est pas inévitable.

En se fondant sur nos conversations, un simple fait a émergé : quiconque prétend que les images de famine dans la Bande de Gaza sont le résultat de maladies génétiques aiguës ou autres et ne sont pas dues à une grave pénurie de nourriture, se ment à lui-même.

La plupart des photographies qui illustrent cet article ont été prises à notre demande, certaines pendant les visites virtuelles ou à peu près au même moment. D’autres ont été prises par des sources autorisées affiliées à des organisations humanitaires internationales. Un autre lot a été pris par les médecins eux-mêmes de façon à préserver l’heure précise et les données en lien avec le GPS. Haaretz a examiné les informations qui accompagnaient les images afin d’étayer leur fiabilité.

1. Un garçon photographié à l’Hôpital de l’Association des Amis des Patients par un volontaire de l’UNICEF. 2. Sham Qadeeh, 2 ans, pèse 4 kg 400. Souffre d’une maladie métabolique qui exige une alimentation spéciale, qui n’est pas facilement disponible dans la Bande. Photographiée il y a une semaine à l’hôpital Nasser de Khan Younis. 3. Une fille photographiée fin juillet à l’hôpital de l’Association des Amis des Patients par un représentant de l’UNICEF.

Notre rapport d’enquête cherche à mettre des visages sur les personnes derrière les données, à ce jour : plus de 270 morts de faim ; quelque 2.000 personnes tuées par balles alors qu’elles cherchaient à obtenir de la nourriture ; des milliers d’enfants de moins de 5 ans souffrant de sévère malnutrition aiguë ; et plus d’un demi-million de personnes obligées de subir des jours entiers sans manger.

« La famine est partout – elle touche tout le monde », dit le Dr. Travis Melin, médecin anesthésiste, venu des États-Unis, qui travaille actuellement comme volontaire à l’hôpital Nasser. « Quand j’endors quelqu’un avant une opération, c’est très visible alors qu’il est nu et endormi. On peut facilement compter ses côtes de l’autre bout de la pièce, voir clairement l’os pelvien, les vaisseaux sanguins périphériques sont très visibles ainsi que le peu de muscle qui reste, puisqu’il n’y a plus de gras pour les cacher. J’étais également à Gaza il y a un an et toutes les personnes que j’y ai rencontrées sont maintenant dramatiquement plus maigres, presque méconnaissables. Nous sommes maintenant très en retard dans ce processus. »

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De retour à Nasser, nous voyons Asil Hamad qui, lorsqu’elle est née il y a trois mois, pesait 3.5 kilos (7.7 livres). Depuis lors, elle n’a pris que 400 grammes (14 onces). On n’avait pas diagnostiqué de maladie à Hamad. D’après sa mère, la raison de sa perte de poids est claire : « j’avais essayé de la nourrir au sein, mais moi aussi je mourais de faim.

Le Dr. Al-Farra explique que la mère avait voulu acheter du lait maternisé, mais les prix avaient grimpé au plafond. Un marchand ne demandait pas moins que 100 $ pour une boîte.

Al-Farra demande à l’employé de l’hôpital qui l’accompagne de diriger la caméra sur la petite Asil. Sa maigreur est indéniable ; ses yeux sont trop grands pour son visage, sa peau est jaune et sa tête est couverte de cheveux hirsutes parsemés de zones chauves. Le médecin nous montre les côtes saillantes, les jambes grêles et le ventre gonflé sous les vêtements du bébé. Elle souffre également d’une inflammation cutanée aiguë : de grandes taches rouges, presque couleur sang, recouvrent son corps. Al-Farra explique que cet état est le résultat d’une diarrhée due à la malnutrition et à un manque de langes, ce qui aggrave la situation.

4. Maryam, 9 ans, photographiée une semaine plus tôt par un membre du personnel de l’ONU à l’hôpital Rantisi. Pas de maladie préexistante connue. 5. Baraa, 3 mois, photographié à l’hôpital de l’Association des Amis des Patients par un représentant de l’UNICEF. 6. Un bébé fille photographiée par le Dr. Graeme Groom, médecin bénévole de Grande Bretagne.

Dans le lit opposé, est étendu un bébé aux cheveux roux qui s’appelle Amer Issa al-Masri. Sauf que Ahmed n’est pas vraiment roux. Comme dans beaucoup de cas que nous avons vus, la faim a altéré la couleur d’origine de ses cheveux. Il est né il y a cinq mois. Il pesait 4.6 kilos -poids au-dessus de la moyenne- il ne pèse désormais plus que 4 kilos. Amer est allongé inerte sur son lit d’hôpital, les yeux ouverts mais totalement indifférent à ce qui se passe autour de lui. Ses membres sont minuscules ; il semble ne pas pouvoir les bouger.

Sa mère dit à al-Farra qu’elle a essayé de l’allaiter, mais elle n’avait pas assez de lait. Quand le lait maternisé est devenu trop cher, elle a commencé à le nourrir avec de l’amidon dissout dans de l’eau.

« Il contient certes des calories », dit le Dr. Michal Feldon, pédiatre israélien chevronné, « mais par ailleurs, zéro nutrition. Il n’a rien – pas de vitamines, pas de protéines, rien. Il est impossible de se remettre de cinq mois de carence alimentaire à cet âge. Les enfants qui subissent ce genre d’épreuve, leur cerveau est fini. Même ceux qui survivent souffriront d’un retard sévère. »

A l’écoute de nos conversations, un simple fait a émergé : Quiconque prétend que les images de famine dans la Bande sont un résultat de graves maladies génétiques ou autres et ne sont pas dues à une grave pénurie de nourriture se ment à lui-même.

Amer lui aussi souffre d’une inflammation cutanée aiguë et lui aussi a le ventre gonflé et les côtes saillantes. « Il ne souffre d’aucune maladie autre qu’une sévère malnutrition aiguë », dit le Dr. Al-Farra. Il pince la peau du bébé pendant l’examen, puis se tourne vers nous : « Il n’a que la peau sur les os. Le corps digère les muscles et la graisse. »

Il y a une autre patiente dans la même salle, Sadine al-Najar âgée de 9 ans, elle aussi émaciée. Ses yeux sont tristes, ses jambes sont paralysées, une canule de trachéotomie est insérée dans sa trachée, procurant une ouverture pour insérer un appareil de ventilation, dont elle n’a pas besoin pour l’instant.

Les médecins pensent que la paralysie de Sadine a été provoquée par un virus du type polio, dont l’origine se trouve vraisemblablement dans les eaux usées qui s’écoulent librement entre les innombrables tentes des personnes déplacées de Gaza. « Avant la guerre, il y avait un cas comme celui-ci par an », dit le Dr. al-Farra, « mais maintenant, il y en a 100. » De son côté, le Dr. Feldon explique qu’il n’y a pas de vaccin pour le virus en question et que, si une épidémie démarre, elle s’étendra probablement hors de la Bande.

7. Un garçon photographié fin mai à l’hôpital Nasser par le Dr. Groom. 8. Raad, 55 ans, pèse 50 kilos. Photographié il y a une semaine à l’hôpital Nasser par un membre du personnel de l’ONU. Souffrait de pneumonie. 9. Bayan Saqer, 10 ans, pèse 17 kilos. Avant la guerre, elle pesait 25 kilos. Elle a été photographiée une semaine plus tôt à l’hôpital Nasser. On ne lui connaît pas de maladies préexistantes.

Sadine souffre d’une sévère malnutrition aiguë. Elle pèse 20 kilos, environ 10 kilos de moins qu’elle ne devrait. Pendant qu’on l’examine, nous voyons les os de sa colonne vertébrale saillir de façon anormale ; et sa peau est marbrée.

Al-Farra raconte qu’il a échangé avec des médecins de Harvard qui lui ont dit que, si le virus se répand déjà réellement, ce n’est pas seulement dû aux conditions sanitaires, mais aussi à la déficience en vitamines et à  un système immunitaire affaibli par un état de malnutrition.

Avant d’entrer dans la salle suivante, le Dr al-Farra demande aux mères présentes de nous montrer les photos de leurs enfants avant qu‘ils n’aient commencé à perdre du poids. Bayan a l’air d’une enfant en bonne santé qui porte une chemise illustrée d’une licorne volante ; on voit Asil, avec une abondante chevelure, en train de dormir ; et Sadine est une jolie petite fille pleine de santé qui porte une couronne de fleurs rouges.

La caméra va dans la salle suivante. Sur un lit, sous une grande peinture de Maya l’Abeille, est allongée Sham Qadeeh, minuscule enfant dans un état horrible. Elle a 2 ans et ne pèse que 4,4 kilos. Sham est née peu de temps avant que la guerre n’éclate, avec un poids normal. Maintenant, son ventre est gonflé, ses jambes comme des allumettes sont tordues, ses os sont saillants, son squelette est visible sous la peau, ses yeux sont vitreux et ses dents sont tombées. Elle a le visage d’un vieillard.

Al-Farra raconte que le père de Sham lui a dit qu’ils n’avaient pu trouver aucun lait de substitution pour elle. « Comme vous pouvez le voir, elle est dans un état misérable », dit le docteur. « Elle pleure tout le temps, elle souffre tout le temps. »

10. Une petite fille de 14 mois qui souffre de paralysie cérébrale et a par ailleurs des problèmes pour avaler. Photographiée fin juillet à l’hôpital Nasser par Saira Hussain, docteure du Royaume Uni. 11. Ayad, 16 ans, a été frappé par balle alors qu’il essayait de trouver de la nourriture au centre de la FHG et souffre de malnutrition. Il a été photographié à l’hôpital Nasser par un membre du personnel de l’ONU. On ne lui connaît pas de maladies préexistantes. 12. Bébé garçon photographié fin mai à l’hôpital Nasser par le Dr. Groom.

Il fait remarquer que la dépression et la mélancolie, symptômes médicaux de la malnutrition, sont clairement là : « Si vous regardez ces bébés, vous voyez que tous sont tristes. Regardez, regardez leurs visages. Ils sont constamment irritables, anxieux, ils pleurent toujours. Et quand ils pleurent, ils pleurent faiblement. »

Sham souffre d’une maladie métabolique qui affecte son appareil digestif, mais d’après le Dr. Feldon, un cas de détérioration aussi grave témoigne d’un sévère manque de nourriture. « En Israël aussi, il existe diverses maladies, mais nous ne voyons absolument jamais des enfants dans cet état. Il n’y a rien même qui s’en approche. »

La mère de Sham nous montre une photographie du temps d’avant la famine dans la Bande, sur laquelle le bébé semble en bonne santé et souriant, les yeux brillants. Mais maintenant, elle se bat pour sa vie, souligne Al-Farra. Si on ne lui procure pas maintenant des soins médicaux, elle ne survivra pas.

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Nous sommes revenus quelques jours plus tard pour une autre visite virtuelle de l’hôpital Nasser, cette fois dans un service de médecine interne. Nos guides étaient un représentant des Nations Unies et un médecin local. Au cours de cette visite, trois patients ont été filmés. L’une était Duah, femme de 25 ans qui pèse 31 kilos (68 livres). Elle souffre de la maladie de Crohn, et son état s’est grandement aggravé parce que l’alimentation spécialisée dont elle a besoin est introuvable à Gaza. Duah porte plusieurs couches de vêtements et est enveloppée dans une couverture. A cause de la surcharge de patients dans le service, elle est allongée par terre.

Il y a un autre patient dans le service, c’est Ahmed, garçon de 14 ans qui pèse maintenant 30 kilos, après en avoir perdu 10. Il n’a aucun problème préexistant. Nous voyons aussi Ayad, âgé de 16 ans. Au cours d’une de ses tentatives pour mettre la main sur de la nourriture à un centre de distribution géré par le Fondation Humanitaire de Gaza, il a été frappé par balles – événement courant autour des sites de la FHG. Considéré comme étant auparavant en bonne santé, il souffre de malnutrition et a les os saillants.

Plus tard au cours de notre visite virtuelle, nous sommes introduits auprès de Othman qui, lui aussi, a été frappé par balles à un centre de distribution d’aide et est paralysé du côté droit et qui souffre également d’une grave blessure à la tête. Son corps a par ailleurs été ravagé par une sévère malnutrition aiguë.

13. Un homme de 30 ans photographié il y a une semaine à l’hôpital Nasser par un membre du personnel de l’ONU. 14. Un garçon de 11 ans photographié fin juillet à l’hôpital Nasser par le Dr. Hussain. Non connu pour avoir des maladies préexistantes. 15. Garçon subissant un examen dans un centre médical au sud de la Bande de Gaza. Photographié cette semaine.

Quand elle est diagnostiquée chez des adultes et des adolescents, la faim déclenche une alarme d’un genre particulier : les jeunes enfants encore en cours de croissance et de développement sont de loin plus sensibles à la famine, mais l’apparition de la malnutrition chez les adultes témoigne elle aussi de l’intensité de la crise humanitaire.

Dans l’ensemble, la crise au nord de la Bande semble plus grave que dans les zones méridionales – comme cela fut illustré par les conversations avec des médecins bénévoles dans nombre d’endroits, ainsi que grâce à la documentation parvenue à Haaretz depuis l’hôpital Shifa de Gaza ville.

Il est facile de compter les côtes depuis le bout de la pièce, vous pouvez voir l’os du bassin, les vaisseaux sanguins périphériques sont visibles, ainsi que le petit reste de muscles, car plus aucune graisse ne vient cacher ces structures. – Dr. Travis Melin

Le Dr. Waqas Ali est arrivé de Dallas, Texas, en tant que bénévole, et travaille maintenant au nord de Gaza.

« C’est absolument évident quand vous les regardez, ils semblent émaciés et vous pourriez parfaitement voir que leurs articulations sont la partie la plus grosse de leurs jambes », dit-il de ses jeunes patients. « Très maigres. Il n’y a que la peau, il n’y a pas de graisse. Les patients, quand vous leur parlez, ils commencent par demander à manger. On a besoin d’un afflux de nourriture pour combler la pénurie. »

« Quantité de gens que j’ai soignés étaient très affamés », dit la Dr. Nour Sharaf, spécialiste de la médecine d’urgence, qui vient également de Dallas et est bénévole à Shifa, mais est depuis rentrée chez elle. « Je n’avais pas besoin des labos pour me le prouver, Je pouvais le sentir rien qu’en touchant les patients. Quantité d’enfants que je soignais semblaient si mal nourris qu’ils paraissaient de plusieurs années plus jeunes qu’en réalité. Ainsi, un enfant de 15 ans m’apparaissait comme n’ayant que 10 ou 11 ans. Ça n’est pas normal. »

Sharaf explique que, avant de partir pour la Bande, on lui avait conseillé d’emporter à manger pour elle : « Des gens m’avaient dit : N’emporte pas seulement des barres protéinées, emporte assez de nourriture pour les quinze jours où tu seras là-bas parce que tu n’en trouveras pas sur place. Il m’était difficile de comprendre ça jusqu’à ce que j’arrive là-bas et que je réalise que tout était en réalité 10 fois pire que tout ce que je n’avais jamais pu imaginer. Je n’ai aucun problème de santé antérieur. Je suis en très bonne santé. J’ai perdu 10 livres en 15 jours. C’est une importante perte de poids pour une personne lambda en un délai très court. Si j’étais restée deux ans là-bas, combien de kilos aurais-je perdu ? Ces gens vivent dans ces conditions depuis deux ans et quantité d’entre eux sont simplement très faibles. »

A un quart d’heure de voiture de Shifa se trouve l’hôpital Al-Ahli Arab. Un autre résident de Dallas, le Dr. Irfan Ali, anesthésiste et expert en traitement de la douleur qui y est bénévole, a mené une conversation vidéo avec Haaretz.

« Nous avons opéré un bébé hier, âgé seulement de 15 ou 16 mois », nous dit-il. « Il s’agissait d’une blessure par shrapnel. Il n’avait pas perdu beaucoup de sang de cette blessure. Ce qui est surprenant, c’est que ce gosse, apparemment en bonne santé – son taux d’hémoglobine n’était qu’à 6.1, et le taux normal d’hémoglobine est au moins environ de 12. Et il n’existe qu’une raison pour que ce gamin n’ait qu’un taux d’hémoglobine à 6. C’est à cause d’une malnutrition extrême. »

C’était le troisième séjour d’Ali en tant que bénévole dans la Bande.

« Ce que j’ai vu dans la salle d’opération, c’est que ces gamins affamés n’ont plus aucune réserve », dit-il. « Ces gosses décompensent si rapidement que vous ne pouvez même pas l’imaginer. Vous amenez quelqu’un dans la salle d’opération et par ailleurs, ils ont l’air bien. Puis, dès que vous commencez, soit leur taux d’oxygène chute très bas, soit leur pression sanguine dégringole. Et je pense que la raison en est une malnutrition aiguë sévère.

16. Le Dr. Ahmed al-Farra avec Saleh Barbakh, âgé de 11 mois et pesant 3.5 kilos. Photographié fin juillet à l’hôpital Nasser. On ne lui connaissait pas de maladies antérieures. 17. Un garçon photographié il y a quinze jours à l’hôpital Shifa par le Dr. Waqas Ali, médecin bénévole venu des États-Unis. 18. Garçon photographié il y a quinze jours à l’hôpital Shifa par le Dr. Ali.

Les médecins qui se battent pour sauver la vie des patients mourant de faim à Gaza travaillent dans un système de santé complètement détruit. Presque tous les hôpitaux ont été endommagés dans des attaques au cours de la guerre, et certains ont cessé de fonctionner. Ils font face à une pénurie chronique de médicaments et d’équipement, ils n’ont pas assez de carburant pour activer le système électrique et leur personnel croule sous le poids énorme de cette charge, encore aggravé par les événements qui font des masses de victimes – ce qui arrive fréquemment dans la Bande.

Les hôpitaux sont la dernière ligne de défense pour les enfants (et les adultes) qui souffrent d’un grave manque de nourriture. Avant d’arriver là finalement, les jeunes sont soignés dans des centres de stabilisation sanitaire, réseau de dizaines d’infrastructures gérées par l’ONU ou par d’autres organisations internationales qui s’occupent des patients à divers degrés de malnutrition.

Dimanche dernier, nous avons visité un centre de santé géré par l’UNRWA, agence de l’ONU pour les réfugiés, dans le camp de réfugiés de Nuseirat au centre de Gaza. Pendant notre visite virtuelle, nous avons compté au moins 13 mères avec bébés dans la salle d’attente. L’état des bébés était meilleur ici que celui de leurs homologues hospitalisés. Mais même ainsi, des signes de malnutrition étaient évidents chez certains d’entre eux : peau sèche et tachetée, membres grêles et cheveux clairsemés avec des signes de calvitie.

L’équipement et les conditions de ce centre sont très basiques ; en fait, les enfants ne sont même pas pesés là. Une infirmière vérifie la circonférence du haut de leur bras avec un mètre ruban, technique habituelle dans les pays sous-développés. Si le résultat est inférieur à 12 centimètres (4.7 pouces), apparemment sans tenir compte de l’âge, l’enfant démarre un programme de stabilisation qui comprend des aliments nutritifs et des rendez-vous pour suivi.

Au cours de notre visite, nous rencontrons Lian, petite fille de 7 mois ; le tour de son bras fait 11.1 centimètres. C’est sa quatrième visite dans cet établissement de l’UNRWA et son état ne s’améliore pas. Sa mère raconte que son mari a été arrêté il y a six mois par l’armée israélienne et qu’il est détenu dans la prison d’Ofer, près de Ramallah en Cisjordanie.

19. Mohammed, 3 mois, a été photographié fin juillet à l’hôpital de l’Association des Amis des Patients par un représentant de l’UNICEF. 20. Huda Abu Najah, 12 ans, photographiée cette semaine à l’hôpital Nasser par un médecin local. On ne lui connaît pas de maladies préexistantes. 21. Maryam, 2 ans, pèse 5 kilos. Photographiée début juin à l’hôpital Nasser par un représentant de l’UNICEF. On ne lui connaît pas de maladies préexistantes.

« Il n’existe aucun moyen de nourrir les enfants comme ils devraient l’être. Hier je n’ai pas mangé », dit-elle. « De braves gens m’ont donné un repas cuisiné, mais j’ai préféré le donner à mes enfants. »

Abdel Rahman, le nourrisson suivant à examiner, est dans un état pire que les autres dans ce centre de santé. Il est extrêmement maigre, son ventre est gonflé, ses côtes ressortent et ses cheveux sont clairsemés. Ce qui inquiète particulièrement les infirmières, c’est le fait que c’est la deuxième fois qu’il a entamé un traitement pour lutter contre la malnutrition.

« Il était ici il y quelques mois, il a reçu un traitement et s’est remis », explique le médecin traitant. « Et ensuite, son état s’est à nouveau détérioré. »

Une infirmière présente à la caméra la bouteille que la mère d’Abdel a apportée avec elle. « C’est une tisane aux herbes », dit-elle. « Zéro calories, zéro nutriments. » Elle le couche et lui donne quelque chose qu‘on appelle un aliment thérapeutique – un sac blanc et rouge qui contient une sorte de pâte nutritive et est aussi riche en calories, appelée Plumpy’Nut [produit nutritionnel à base d’arachide].

Le petit Abdel fait preuve d’une détermination d’une sorte que nous n’avions pas perçue chez les jeunes patients dans les hôpitaux. Il agrippe fermement le petit sachet et la tête intensément. « On dirait qu’il se bat pour sa vie », remarquons-nous. « Exactement », répond le médecin.

Nous rencontrons aussi Lin et Lian, jumelles de six mois, l’une vêtue d’une robe rose, l’autre d’une robe blanche. Leur mère a noué des sacs autour de leur taille en guise de langes – cause probable des inflammations cutanées dont souffrent les petites. Les mesures des bras indiquent qu’elles souffrent de malnutrition, et l’infirmière leur prépare des aliments thérapeutiques.

« Je remercie Dieu de m’avoir donné deux filles », dit leur mère, « mais je n’arrive pas à trouver de quoi les nourrir. »

22. Un petit garçon photographié fin mai à l’hôpital Nasser par le Dr. Groom. 23. Abdel Rahman, un an, photographié une semaine plus tôt au centre de stabilisation de Nuseirat par un représentant de l’UNRWA. N’a aucun problème préexistant. 24. Mohammed. Photographié il y a une semaine à l’hôpital Rantisi par un membre du personnel de l’ONU. Souffre du syndrome de Down.

Il existe quelque 150 centres de santé de ce genre dans la Bande pour soigner les jeunes enfants souffrant de malnutrition. Ces derniers mois, l’ONU a averti à maintes reprises que les familles ne peuvent plus trouver régulièrement des soins pour leurs enfants dans ces établissements à cause des ordres d’évacuation émis tous les 2 ou 3 jours par les Forces de Défense Israéliennes. Ainsi, dans certains cas, le centre de stabilisation lui-même se trouve dans une zone que les habitants ont reçu l’ordre de quitter, et parfois, ce sont les familles qui ont été obligée de partir et se sont retrouvées loin du centre. Un ordre d’évacuation, émis le 20 juillet, a provoqué la fermeture de six centres de traitement de la malnutrition dans le seul Deir al-Balah.

Nous avons mené notre dernière visite virtuelle lundi dans un centre de santé régi par une organisation internationale au sud de la Bande. Parents et enfants ont attendu leur tour et, les mesures des bras une fois prises, ils ont reçu une ration hebdomadaire de Plumpy’Nut.

Je suis arrivé il y a un peu plus d’un mois », nous raconte un représentant. « J’ai été surpris par l’ampleur de la malnutrition. Les gens étaient affreusement maigres. Tous ceux que vous voyiez étaient très très maigres. La pénurie alimentaire affectait tout le monde. Dès qu’entrait un peu plus de nourriture, il y avait une petite amélioration. Mais les gens sont toutefois désespérés. »

Abdel fait preuve d’une détermination d’une sorte que nous n’avions pas perçue chez les patients dans les hôpitaux. Il agrippe le sachet et la tête intensément. ‘On dirait qu’il se bat pour sa vie », faisons-nous remarquer. ‘Exactement’, répond le docteur.

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Les décès dus à la faim ont commencé à être enregistrés au quotidien fin juillet, mais des signes avant-coureurs de la crise imminente étaient là auparavant. Début mars, le gouvernement israélien a annoncé qu’il n’autoriserait plus l’entrée de nourriture dans la Bande de Gaza. Pendant plus de deux mois et demi, « pas un seul grain » n’est entré, ce sont les mots du ministre des Finances et membre du cabinet de sécurité Bezalel Smotrich.

La Dr. Victoria Rose, chirurgienne plasticienne de Grande Bretagne, partie comme volontaire l’été dernier à Gaza et repartie pour une autre mission en mai, a vécu le pire de la politique israélienne de famine délibérée.

« En mai, la famine avait un énorme effet sur la cicatrisation des plaies », nous dit Rose. « Nous avons vu une quantité énorme d’infection de simples plaies s’exacerber à des taux que nous ne pouvions contrôler. Les enfants ne pouvaient pas cicatriser parce qu’ils ne pouvaient pas obtenir les nutriments et les vitamines dont ils avaient besoin. Tous nos collègues ont perdu entre 5 et 10 kilos. Je n’ai rencontré personne qui n’ait pas perdu une quantité significative de kilos depuis la dernière fois où je les avais vus.

Les enfants eux-mêmes paraissent beaucoup plus jeunes que leurs homologues en Occident. Un enfant dont vous penseriez qu’il avait 5 ou 6 ans – vous découvririez qu’il a 8 ou 9 ans. »

25. Amer Issa al-Masri, âgé de 3 mois, pèse 4 kilos (pesait 4.6 kilos à la naissance). Photographié au début du mois à l’hôpital Nasser. 26. Mustapha, frappé par balles alors qu’il essayait de trouver de la nourriture, photographié au début du mois à l’hôpital Nasser par un membre du personnel de l’ONU. 27. Hamed, 14 ans, pèse 31 kilos. Photographié la semaine dernière à l’hôpital Nasser par un membre du personnel de l’ONU.

Le Dr. Tomo Potokar, autre chirurgien plasticien de Grande Bretagne, a été bénévole à Gaza pendant un mois jusqu’à début juin. Pendant cette période, il a perdu 11 kilos.

« Vous voyez cela à tous les niveaux. Vous le voyez physiquement », dit-il « Vous le voyez psychologiquement. Vous le voyez dans les blessures qui n’arrivent pas à guérir. Vous le voyez dans la fatigue des gens. Ils abandonnent parce qu’ils sont juste épuisés. »

L’opération famine qui a commencé en mars était une poursuite de la grave crise devenue évidente depuis que la guerre a débuté en 2023, et au cours de l’année suivante, quand les politiciens israéliens se sont exprimés en faveur de « la prévention de l’aide humanitaire ». Certains ont explicitement mentionné avoir refusé de la nourriture aux Gazaouis et les avoir affamés. En fait, deux mois après le massacre du 7 octobre par le Hamas, les associations humanitaires ont mis en garde contre une pénurie alimentaire. Les prix sur les marchés ont commencé à flamber, les gens à manger de la nourriture pour animaux et les terres agricoles de la Bande ont été détruites.

En janvier 2024, le magazine Haaretz (en hébreu) a consacré un article à la une au sujet intitulé « Tu n’affameras pas les autres. » Un mois plus tard, l’UNICEF, fond d’urgence de l’ONU pour les enfants, a déclaré que 90 pour cent des enfants de Gaza de moins de 5 ans souffraient d’insécurité alimentaire. Un autre mois s’est écoulé et la Cour Internationale de Justice a ordonné à Israël de laisser la nourriture entrer dans la Bande. La cour a expliqué que, conformément aux engagements d’Israël en tant que signataire de la convention internationale de prévention du génocide, et pour combattre le contexte d’expansion de la famine et de l’inanition, il devait permettre la distribution de nourriture en pleine coopération avec l’ONU.

Deux mois plus tard, une requête a été déposée à la Cour Pénale Internationale pour qu’elle émette des mandats d’arrêt contre le Premier Ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant. La première accusation invoquée était l’utilisation de la famine comme méthode de guerre.

Tout au long de l’année dernière, des avertissements répétés ont été émis par une multitude d’organisations et d’experts mondiaux. Pendant ce temps, l’ONU et les organisations humanitaires ont essayé de conjurer une famine massive au moyen d’un réseau décentralisé de quelque 400 centres de distribution, boulangeries et cuisines communautaires. A son apogée, ce réseau a distribué plus d’un million de repas chauds par jour, en plus de la fourniture de produits alimentaires secs aux familles. Fin 2024, Israël a commencé à affamer les habitants du nord de la Bande de Gaza pour les obliger à partir vers le sud. Déjà à ce moment-là, la famine était également perceptible dans d’autres zones.

28. Une petite fille photographiée il y a quinze jours à l’hôpital Shifa par le Dr. Ali. 29. Habiba al-Khalani, âgée de 6 mois, pèse 3.4 kilos. Elle a été photographiée au début du mois à l’hôpital Nasser. Examinée pour un possible désordre métabolique. 30. Shireen, 13 ans, photographiée une semaine plus tôt à l’hôpital Shifa par le Dr. Ali.

La Dr. Mimi Syed, médecin urgentiste de l’état de Washington, est allée comme bénévole en décembre dernier dans un hôpital du centre de Gaza. Un jour, elle a quitté l’hôpital Al-Aqsa, à Deir al-Balah, et a fourni des documents sur les enfants qu’elle a rencontrés à l’extérieur. Syed a envoyé à Haaretz une collection de photographies dans laquelle ont voit des enfants de moins de 7 ans avec des signes évidents de malnutrition : calvitie, altération de la couleur des cheveux et taches sur la peau.

Début 2025, grâce au cessez-le-feu mis en place, les Gazaouis ont eu un répit alors que des centaines de camions d’alimentation affluaient tous les jours et que les entrepôts se remplissaient. Mais deux mois plus tard, la politique de famine prolongée a pris effet.

« La décision que nous avons prise ce soir sur la cessation totale d’entrée de l’aide humanitaire dans Gaza est une étape importante », a déclaré Smotrich à ce moment-là. « Maintenant nous devons ouvrir les portes de l’enfer à l’ennemi. »

Les portes de l’enfer ont en effet été ouvertes, et le prix a été payé, et continue d’être payé, par les enfants de Gaza. Dès le mois d’avril, le programme alimentaire de l’ONU a annoncé que la dernière boulangerie de Gaza avait fermé parce qu’il n’y avait plus de farine ni de gaz pour la cuisson. L’Israël officiel n’a pas été déconcerté.

Deux semaines ont passé et le taux d’enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition aiguë a doublé, passant de 2 % à 4 %. Fin avril, la distribution de nourriture sèche a également pris fin, tandis que les fournitures des entrepôts de l’ONU étaient épuisées. Et même alors, Israël a continué d’adhérer à sa position rigide.

Ce n’est que le 19 mai que le gouvernement a cédé à la pression internationale et a accepté d’adoucir sa campagne de famine. « Israël fera entrer une quantité minimale de nourriture », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahou, et Smotrich a souligné en disant « ce qui entrera, ce sera le minimum du minimum. »

Fin mai, Israël et les États Unis ont lancé un programme alimentaire via une nouvelle organisation appelée la Fondation Humanitaire de Gaza, lamentable idée qui s’est immédiatement avérée désastreuse. La FHG n’a distribué de la nourriture que dans quatre centres, dont trois au sud de la Bande, loin des principaux centres de population. Des dizaines de milliers de personnes ont afflué vers ces sites, en masse.

31. Un adolescent photographié il y a environ 15 jours à l’hôpital Shifa par le Dr. Ali. 32. Sadin al-Najar, 9 ans, pèse 20 kilos. Elle a contracté une maladie infectieuse et souffre d’une paralysie partielle. Photographiée au début du mois à l’hôpital Nasser.

Les FDI ont commencé à ouvrir le feu systématiquement sur les foules affamées. D’après le ministère de la Santé de Gaza, quelque 2.000 personnes ont été abattues par balles à proximité des centres ou alors qu’elles essayaient d’obtenir de la nourriture des camions arrêtés et pillés par des foules de gens.

La nourriture elle-même est parvenue généralement aux membres les plus forts de la population. Les malades, les isolés, les femmes et les enfants se sont retrouvés dépendants des hommes qui pouvaient réussir à leur apporter un peu de nourriture. Parmi ceux qui n’avaient pas cette chance, la famine a fait rage.

L’état des enfants n’a fait qu’empirer. En juin, le taux de malnutrition aiguë chez les enfants se trouvait à 6 pour cent. Le gouvernement de Netanyahou n’a pas bronché alors, ni même quand le taux de malnutrition aiguë chez les enfants a grimpé à presque 9 pour cent, d’après une enquête exhaustive publiée le 15 juillet.

Cinq jours plus tard, la mortalité quotidienne due à la famine a commencé à Gaza et, quelques jours seulement plus tard, et seulement sous une lourde pression internationale, Israël a finalement montré les premiers signes de retour à la raison, augmentant largement l’entrée des camions d’aide dans la Bande et autorisant des largages par air à divers endroits.

A cette occasion, la situation humanitaire s’est légèrement améliorée et le prix des aliments sur les marchés ont chuté, mais les actions d’Israël sont loin d’être suffisantes pour contrer la situation désespérée à Gaza. En réalité, c’est Israël qui a entraîné l’effondrement du programme méthodique de distribution de l’aide supervisé par l’ONU et les organisations humanitaires, sans présenter de substitut décentralisé efficace, capable d’atteindre les populations les plus faibles.

Le ministre des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, et le ministre des Affaires de la Diaspora, Amichai Chikli, continuent de mettre des bâtons dans les roues de l’ONU et d’essayer de perturber son travail. Le bureau du Coordinateur des Opérations du Gouvernement dans les Territoires entrave le mouvement des camions d’aide. Les FDI accumulent divers obstacles, à la fois physiques et bureaucratiques, le résultat étant que l’ONU est incapable de réapprovisionner ses entrepôts et de réinstaller le réseau d’approvisionnement.

Si Israël veut enrayer la crise alimentaire dans la Bande de Gaza, il dispose d’une série de mesures à mettre en place : il peut prendre les démarches nécessaires pour reconstituer le réseau de distribution de l’ONU ; autoriser un approvisionnement régulier en médicaments et matériel médical dans la Bande, tout en levant toutes les barrières pour l’évacuation de Gaza des personnes gravement malades ; retirer toutes les restrictions à l’entrée de nourriture par les organisations humanitaires, les dons provenant d’Israéliens, et par les marchands locaux (processus qui a commencé de façon limitée) ; autoriser la pêche sur une zone étendue au large des côtes de Gaza ; permettre l’accès aux terres agricoles restantes (98 pour cent des champs de la Bande ont été endommagés ou sont hors d’atteinte des habitants) ; initier un plan de réhabilitation immédiate de la filière avicole (99 pour cent de tous les poulaillers ont été détruits) ; etc.

En attendant, les décès dus à la famine continuent d’augmenter – tous les jours.