La direction de l’Association des historiens confrontée à des réactions hostiles après son veto sur la résolution de Gaza

La décision vient après un vote écrasant de membres de l’AHA en faveur d’une résolution condamnant le « scolasticide » d’Israël à Gaza

NEW YORK – Le Conseil de l’Association américaine des historiens (The American Historical Association, AHA), l’organisme dirigeant de la plus grande organisation d’historiens du pays a mis un véto sur une résolution condamnant le « scolasticide » d’Israël à Gaza.

Plus tôt en janvier, pendant sa conférence annuelle, des membres de l’AHA ont voté à 428 voix contre 88 en faveur de la résolution, qui critiquait les actions israéliennes contre les établissements éducatifs à Gaza et l’aide militaire des États-Unis à Israël. La mesure a été ensuite envoyée au Conseil de l’AHA dont la tâche était de décider soit de l’approuver, soit d’y mettre un véto, soit de renvoyer la résolution aux plus de 10000 membres de l’organisation, pour un vote plus général.

Le scolasticide est défini comme la destruction délibérée d’un système d’éducation.

« C’est une décision choquante », a dit dans une déclaration le Comité de pilotage de Historians for Peace and Democracy [Historiens pour la paix et la démocratie], le groupe qui a proposé la motion : « Elle annule un vote écrasant sans précédent de la Réunion de travail du 5 janvier, où 82% des 520 membres ont voté pour notre résolution. »

La direction de l’AHA a expliqué sa décision de mettre son véto à leur résolution en arguant que l’organisation ne fait pas de déclarations politiques publiques. Elle a ajouté que la résolution tombe «  en dehors de l’étendue de la mission et de l’objectif de l’Association  ».

Des critiques, comme Mary Nolan, professeure émérite d’histoire à l’université de New York et membre du comité de pilotage qui a proposé la résolution, a mentionné la condamnation en 2007 de la guerre d’Iraq par l’organisation et sa récente critique publique de l’invasion de l’Ukraine par la Russie comme exemples de déclarations politiques antérieures. « Les actions du Conseil sont non démocratiques et suggèrent une ‘exception Palestine’ à la libre expression », a dit Nolan à Haaretz.

Christy Thornton, maîtresse de conférence en histoire à l’université de New York, a dit à Haaretz qu’étant donné le vote écrasant en faveur de la résolution à la réunion annuelle, la décision « n’est pas seulement décevante, le Conseil de l’AHA a fait preuve d’un manque de perspicacité incroyable en imposant ce veto. »

D’autres, comme Jeffrey Herf, professeur émérite au département d’histoire de l’université de Maryland, a exprimé son soutien à la décision.

« En mettant son veto sur une résolution, le Conseil a courageusement défendu le principe fondamental que l’AHA est une association d’universitaires, pas de militants politiques cherchant à kidnapper le prestige d’une organisation pour leurs objectifs politiques », a-t-il dit à Haaretz.

Miriam Elman, directrice exécutive de l’Academic Engagement Network [1] a dit que « beaucoup d’historiens dans notre réseau, membres de longue date de l’AHA, peuvent aujourd’hui pousser un ouf de soulagement en constatant que leur foyer professionnel ne se transformera pas en une organisation partisane avec un biais intégré anti-Israël. Étant donné que l’accusation de ‘scolasticide’ contre Israël (et seulement contre Israël) n’a jamais été soumise à une étude ou une enquête rigoureuses, le Conseil de l’AHA a eu raison de mettre un véto à cette résolution malavisée et source de discorde. »

Elman a continué : «  L’AHA devrait défendre la liberté académique de ses membres à promouvoir toute affirmation empirique, même si elle est ridicule, si la conception de la recherche est de mauvaise qualité ou si elle ne répond pas aux normes de l’érudition historique. Comme association, cependant, elle doit défendre le métier d’historien, qui exige une analyse minutieuse des sources concurrentes et une analyse approfondie des preuves disponibles avec des perspectives multiples. Alors que des militants cherchent à kidnapper d’autres associations professionnelles et des sociétés savantes dans les mois à venir au profit de leurs programmes violemment anti-Israël, la position de principe que le Conseil de l’AHA vient de prendre créera, nous l’espérons, un précédent indispensable. »

La décision a déjà suscité des réactions négatives, certains alertant sur les conséquences potentielles. « La décision de ne même pas laisser voter la totalité des membres aliénera des générations d’historiens de l’organisation à un moment où la défense de la profession exige plus d’énergie, et pas moins », a dit Thornton.

« Je ne serai pas surprise de voir des centaines d’historiens et historiennes refuser de renouveler leur adhésion à cause de cette décision », a-t-elle ajouté.

[1] Réseau d’engagement universitaire  – une association dont la mission est de « contrer l’antisémitisme, de s’opposer à la critique des identités juives et sionistes » et d’éduquer sur Israël »