La direction de l’université de Toronto sous le feu de critiques à propos de la liberté académique

L’Ecole de droit est accusée de s’incliner sous la pression d’un groupe de défense pro-Israël

L’été dernier, une commission de recrutement a choisi à l’unanimité Dr. Valentina Azarova pour diriger le Programme international sur les droits humains de l’Ecole de droit de l’université de Toronto. Quand le doyen de l’Ecole a stoppé le recrutement d’Azarova dans des circonstances litigieuses, l’université a chargé un juge de la Cour suprême du Canada à la retraite d’examiner la décision.

Au coeur des préccupations est l’idée que le recrutement a été bloqué parce qu’une partie du travail universitaire d’Azarova était critique du bilan d’Israël sur les droits humains. Dans son rapport, le juge a reconnu qu’un discret effort pour stopper le recrutement a commencé dès que le nom d’Azarova a fuité auprès du Centre des Affaires juives et d’Israël (CIJA), un groupe de défense pro-Israël. Il a découvert que, à peine quelques jours avant la finalisation du processus de recrutement, un ancien membre du bureau du groupe de lobbying et donateur important de l’université a contacté l’université après qu’un responsable du CIJA lui a conseillé d’avertir la direction que ce recrutement déclencherait « une campagne publique de protestation [qui] créerait des dommages importants à l’université, y compris en ce qui concerne les financements ».

Cependant, malgré ces faits, le juge, qui en plein milieu de son examen du dossier, a donné un exposé introductif lors d’une conférence organisée par le CIJA, s’est rangé du côté de l’université qui affirmait que leur décision venait de problèmes d’immigration. Croyant sur parole la version du doyen, le juge a conclu : « Je ne tirerai pas la conclusion que des influences extérieures aient joué un rôle quelconque » dans la décision du doyen. Plutôt que de tenter d’accorder sa conclusion avec le fait que le processus de recrutement a été soudainement arrêté après l’intervention du donateur, il a dit que son examen n’évaluerait pas la crédibilité des affirmations factuelles contestées.

Plusieurs professeurs de l’Ecole de droit ont rejeté le rapport. La semaine dernière, l’Association canadienne des enseignants et enseignantes d’université a trouvé l’explication pour la résiliation si « peu plausible » que, pour la première fois depuis 2008, elle a imposé une censure pour « violation sérieuse des principes largement reconnus de la liberté académique ». L’association a demandé à ses 72000 membres de ne pas accepter d’engagements à des conférences ou à des positions jusqu’à ce que l’université prenne des mesures appropriées. L’université argue que la liberté académique ne protège pas un directeur ou une directrice de programme sur les droits humains parce qu’ils ou elles exercent un travail « managérial ». « Je pense que nous continuerons comme si de rien n’était [business as usual] », a dit de la censure le président de l’université de Toronto, Meric Gertler.

Pour compléter l’information, le mari d’Azarova travaille à Human Rights Watch. Mais cette affaire a de bien plus larges implications que les individus concernés : elle touche au coeur de ce que signifie la liberté académique et au principe qu’aucun pays ne devrait être à l’abri d’une critique de son bilan en matière de droits humains. Pour qu’il se poursuive, le partenariat académique de Human Rights Watch avec l’école de droit de l’université de Toronto doit être basé sur la défense de ces valeurs. Plutôt que de se laver les mains à propos de cette affaire, la direction de l’université devrait s’attaquer aux préoccupations non résolues, à savoir que l’université a compromis sa liberté académique.