La compagnie théâtrale nationale d’Israël déclenche une polémique autour d’une représentation dans une colonie de Cisjordanie

La compagnie théâtrale nationale d’Israël a annoncé qu’elle monterait sa toute première représentation dans une colonie de Cisjordanie controversée et tenante de la ligne dure, déclenchant une violente controverse au….

La compagnie théâtrale nationale d’Israël a annoncé qu’elle monterait sa toute première représentation dans une colonie de Cisjordanie controversée et tenante de la ligne dure, déclenchant une violente controverse au sein de la communauté artistique d’Israël.

La représentation dans la colonie israélienne de Kiryat Arba qui jouxte Hébron est prévue pour le mois prochain malgré un concert croissant de critiques de la part de personnalités culturelles israéliennes opposées à cette action.

Bien que d’autres compagnies théâtrales se soient déjà produites à Kiryat Arba, c’est la première fois que Habima – théâtre national d’Israël – donne une représentation dans la colonie.

La polémique autour de la décision de présenter une version théâtrale d’Une Histoire Simple de Sy Agnon est le dernier chapitre de la guerre culturelle sans cesse plus âpre qui se joue entre les membres de la communauté artistique israélienne et la ministre de droite extrême de la Culture et des Sports, Miri Regev.

Regev a menacé de couper les subventions aux groupes artistiques qui refusent de se produire dans les colonies des territoires palestiniens occupés.

Plus de 400.000 Palestiniens vivent dans les colonies de Cisjordanie occupée, considérées par la communauté internationale comme l’un des plus graves obstacles à la paix.

Le gouvernement américain a récemment intensifié sa critique de l’expansion continue des colonies, disant qu’elle met en danger la solution à deux Etats à ce conflit.

Kiryat Arba en particulier est considérée comme l’une des colonies israéliennes à la ligne la plus dure qui, de façon polémique, abrite la tombe de Baruch Goldstein, extrémiste juif qui a tué 29 Palestiniens et en a blessé des dizaines d’autres en 1994 dans une agression à Hébron, et un parc dédié au rabbin extrémiste Meir Kahane.

Parmi ceux qui ont publiquement critiqué cette action – dans deux posts sur Facebook – on trouve Haim Weiss, professeur de littérature à l’université Ben Gourion, qui a suggéré que le théâtre avait décidé de se produire dans la colonie à cause du climat actuel de pression sur les artistes et les groupes artistiques.

Weiss a accusé le théâtre de « conférer de la validité, de l’importance et une légitimation à l’entreprise de colonisation, spécialement à sa représentation la plus extrême et la plus violente. Les résidents de Kiryat Arba perçoivent très bien cette signification symbolique et sont donc très heureux de cette représentation théâtrale dans leur ville. »

Il a ajouté : « Quand Habima, avec sa position canonique dans le discours sioniste et israélien, choisit d’apparaître dans une ville qui symbolise plus que toute autre la violence et le racisme de l’entreprise coloniale, elle franchit un cap d’une importance majeure. »

Weiss a été rejoint dans ses critiques par d’autres personnalités de la communauté artistique.

Entre autres, le directeur de théâtre Ari Remez qui a sarcastiquement suggéré que les acteurs devraient se rendre sur la tombe de Goldstein, qui est devenue un lieu de pèlerinage pour les extrémistes juifs.

Le comédien réalisateur chevronné Oded Kotler a rajouté sa voix, disant que la compagnie faisait preuve d’hypocrisie en assimilant une représentation devant un public juif en Cisjordanie occupée à des spectacles à l’intérieur des frontières d’Israël.

« Lorsque nous disons ‘la nation, Israël ou national’, cela n’inclut pas les territoires occupés », a-t-il dit sur la radio publique.

« En exerçant n’importe quelle sorte d’activité soi-disant purement culturelle dans ces endroits, nous amplifions la souffrance d’autres personnes, qui n’a jamais cessé depuis des années et qui, dans les faits, nous empêche de faire la paix. »

Pourtant, cette décision de jouer à Kiryat Arba a été défendue à la fois par Regev et par le théâtre.

« C’est ce à quoi ressemble une vision qui devient réalité », a posté Regev mardi sur son compte Twitter. « C’est ainsi que devrait se comporter un théâtre national. »

Et elle ajouta plus tard : « La décision de jouer pour la première fois à Hébron illustre la position centrale du théâtre national en tant que pionnier dans le traitement de tous les citoyens de l’État à égalité dans leur droit à la culture. J’encourage Habima dans sa ferme position face à la vague de critiques venues de la gauche et je suis désolée de voir certains sur notre terre agir comme les plus vils des intimidateurs BDS. »

De son côté, la compagnie – qui n’a pas répondu à la demande de commentaires du Guardian – a défendu la représentation. La directrice générale d’Habima, Odelia Friedman, a dit sur la radio publique israélienne que les colons avaient le même droit à la culture subventionnée par le gouvernement que n’importe quel autre citoyen israélien. « Nous allons partout où l’on nous réclame », a-t-elle ajouté.