Federica Mogherini de l’UE a écrit une lettre aux mots tranchants au ministre de la Sécurité Publique d’Israël, Gilad Erdan, l’accusant de faire des allégations ‘infondées et inacceptables’ comme quoi l’organisation soutiendrait le terrorisme.
La ministre des Affaires étrangères de l’Union Européenne, Federica Mogherini, a envoyé une lettre personnelle aux mots tranchants au ministre des Affaires Stratégiques, Gilad Erdan, lui demandant de fournir des preuves des allégations « vagues et infondées » comme quoi l’UE financerait le terrorisme et les activités de boycott contre Israël via des organisations sans but lucratif.
Dans sa lettre, qu’Haaretz a pu obtenir, Mogherini réagit au rapport émis en mai par le ministère des Affaires Stratégiques, intitulé « Les millions donnés aux ONG par les institutions de l’UE avec des liens avec le terrorisme et les boycotts contre Israël ».
Dans la lettre qu’Erdan a envoyée à Mogherini avec le rapport, il écrivait : « Une étude de recherche en profondeur conduite par mon ministère a révélé qu’en 2016, l’UE a financé quatorze ONG européennes et palestiniennes qui ont ouvertement et clairement fait la promotion de BDS ». Il l’a aussi accusée, disant que « plusieurs des ONG promouvant BDS, qui reçoivent directement et indirectement des subventions de l’UE, sont liées à des organisations désignées par l’UE comme terroristes ». Erdan a ajouté que ce genre de financements sape les relations UE-Israël et « sape aussi les chances pour la paix ».
Par la suite, le rapport a fuité vers le journal Israel Hayom qui l’a publié sous le titre : « Les millions d’euros de la haine ». Le jour où le rapport est sorti, Erdan a tweeté : « L’UE continue de financer les organisations BDS, dont certaines sont liées à des organisations terroristes, avec des dizaines de millions de shekels par an. »
Dans sa lettre, envoyée le 5 juillet à Erdan, Mogherini écrit : « Les allégations comme quoi l’UE soutiendrait l’incitation ou le terrorisme sont infondées et inacceptables. Le titre du rapport lui-même est également inopportun et trompeur ; il mélange le terrorisme avec la question du boycott et il crée une confusion inacceptable aux yeux du public qui fait face à deux phénomènes distincts. »
Elle ajoute que l’UE élève une forte objection contre « tout ce qui suggère l’implication de l’UE dans le soutien à la terreur ou au terrorisme » et que « des accusations vagues et infondées ne servent qu’à contribuer à des campagnes de désinformation ».
Mogherini déclare aussi que le rapport en question contient des erreurs. « Par exemple, sur les 13 organisations listées dans le rapport, 6 ne reçoivent pas de subventions de l’UE pour leurs activités en Palestine et aucune d’entre elles ne reçoit de subventions de l’UE pour des activités BDS », a-t-elle écrit. Elle a aussi fait remarquer que « En plus, comme largement rapporté dans la presse israélienne ces dernières semaines, nombre d’organisations dont il est fait mention dans le rapport reçoivent des financements d’autres donateurs internationaux, dont les Etats Unis. »
Concernant le soutien supposé au mouvement BDS, Mogherini écrit à Erdan : « L’Union Européenne n’a pas changé d’attitude envers le dit mouvement ‘Boycott, Désinvestissement, Sanctions’ (‘BDS’). Tandis qu’elle maintient sa politique de distinction claire entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires qu’il occupe depuis 1967, l’UE rejette toute tentative pour isoler Israël et ne soutient pas les appels au boycott. L’UE ne finance pas les actions liées aux activités de boycott. Cependant, qu’une organisation ou un individu soit simplement lié au mouvement BDS ne signifie pas que cette entité soit impliquée dans l’incitation à commettre des actes illégaux, ni qu’elle se rende elle-même inéligible au financement de l’UE.
« L’UE maintient fermement sa défense de la liberté d’expression et de la liberté d’association, conformément à la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne et à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La liberté d’expression est également applicable à l’information et aux idées, ‘qu’elle offensent, choquent ou dérangent l’État ou n’importe quel secteur de la population’. Toute action ayant pour effet de fermer l’espace dans lequel agissent les organisations de la société civile en restreignant indûment la liberté d’association devrait être évitée. »
Quant aux prétentions de soutien au terrorisme, Mogherini écrit : « L’UE a des règles très strictes pour sélectionner et examiner les bénéficiaires de financement de l’UE. Nous prenons très au sérieux toute allégation de mésusage des financements européens et nous sommes engagés à enquêter sur tout cas présenté avec des preuves substantielles. Nous sommes assurés que le financement de l’UE n’a pas été utilisé pour soutenir le boycott d’Israël ou les activités BDS et certainement pas pour financer le terrorisme. »
A la fin de sa lettre, Mogherini invite Erdan à venir à Bruxelles pour présenter des preuves de ses allégations. « Vous et vos fonctionnaires êtes bienvenus à Bruxelles à tout moment pour présenter les preuves que vous pourriez avoir pour justifier ces allégations », écrit-elle. « En attendant, nous invitons votre gouvernement à poursuivre avec nous un dialogue constructif sur ce qui concerne la société civile, comme prévu dans le Plan d’Action UE-Israël, dans un esprit de coopération ouvert et transparent plutôt qu’en utilisant des matériaux infondés, diffusés sans dialogue ni engagement préalables. »
Dans le rapport émis par le ministère des Affaires Stratégiques, il était prétendu qu’en 2016, l’UE avait transféré plus de 5 millions d’euros (près de 5.9 millions de dollars) aux organisations qui promeuvent la délégitimation et les boycotts d’ Israël ». Bien que le rapport ait été présenté comme « approfondi », la plupart de ses prétentions étaient fondées sur un petit nombre de cas issus du domaine public.
Haaretz a étudié certaines déclarations faites dans le rapport et a trouvé que l’interprétation de quelques incidents décrits s’écartaient des informations sur lesquelles elles se fondaient. Par exemple, le boycott des seules colonies est parfois interprété comme un soutien à BDS, même alors que les organisations en question ne soutiennent pas nécessairement, ou même s’y opposent précisément, l’application des principes du mouvement à Israël proprement dit. Cette interprétation s’accorde avec la façon dont, ces dernières années, le gouvernement israélien a essayé de brouiller la distinction entre les deux.
Pourtant, pour l’UE, la distinction est significative. Alors que l’UE ne finance pas directement les activités qui promeuvent un boycott de l’État d’Israël – sans y inclure les colonies – elle voit le soutien idéologique au mouvement comme une liberté d’expression politique légitime. L’UE peut gérer l’utilisation de ses financements puisqu’ils sont généralement attribués en avance pour des activités spécifiques et que la supervision est constante.
A d’autres occasions, le rapport du ministère définit comme « soutien au terrorisme » des exemples spécifiques dans lesquels les artisans du Hamas ou du Front Populaire ont pris part à d’autres activités soutenues par des ONG qui ont reçu des subventions de l’UE. Sur cette base, Israël accuse l’UE de financer indirectement le terrorisme. Une lecture du rapport montre aussi qu’un grand nombre des allégations sont un rappel des déclarations faites par des organisations de droite, essentiellement l’ONG Monitor.
Erdan a réagi à ce rapport en déclarant : « C’est triste que la ministre des Affaires étrangères de l’Union Européenne ait une fois de plus choisi de se cacher la tête dans le sable et de ne pas reconnaître la preuve évidente que les organisations BDS qui reçoivent ses financements, directement ou indirectement, sont liées à ou coopèrent avec des organisations terroristes comme le Hamas et le Front Populaire. Mogherini admet que la plupart des organisations financées qui apparaissent dans le rapport de mon ministère font en effet la promotion du boycott d’Israël, et elle utilise cependant l’excuse ridicule que l’argent est donné aux organisations de boycott mais est utilisé à d’autres buts et non pour leurs activités visant au boycott d’Israël. »
« De façon regrettable, des excuses comme celles là représentent aussi la politique de l’Union Européenne sur d’autres sujets, comme son attitude envers le terrorisme iranien et palestinien », a-t-il poursuivi. « Sur ces sujets aussi, l’UE a choisi de se comporter comme une autruche et d’agir comme si elle était aveugle à la haine, à l’incitation et aux boycotts. »
L’UE a commenté ce reportage en disant : « Nous ne faisons habituellement pas de commentaires sur les fuites dans la correspondance avec nos pays partenaires, mais sur la question des allégations contenues dans le récent rapport publié par le ministère des Affaires Stratégiques, notre quartier général a minutieusement étudié le rapport et en est venu à la conclusion que les allégations présentées dans le rapport étaient infondées.
« L’UE a des règles strictes pour sélectionner et examiner les bénéficiaires des financements de l’UE. Par conséquent, nous sommes sûrs que les financements européens n’ont pas été utilisés pour financer le terrorisme. »
Notre combat contre le terrorisme n’a jamais été plus fort et nous avons toujours maintenu des positions claires contre les organisations terroristes. Nous sommes également certains que nos financements n’ont pas été utilisés pour soutenir le boycott d’Israël, en particulier les activités BDS », dit le commentaire.
« L’UE rejette toutes les tentatives pour isoler Israël et ne soutient pas les appels au boycott. En même temps, l’UE maintient fermement la protection de la liberté d’expression et de la liberté d’association conformément à la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne
Comme toujours, l’UE mène des enquêtes sur toute allégation sérieuse liée à ce genre d’activités et leur financement. Y aurait-il la moindre preuve pour étayer ces déclarations, les autorités israéliennes seront toujours les bienvenues pour nous les présenter dans le cadre d’un dialogue ouvert et transparent. »