L’ONU critique durement Israël pour le « dé-développement » de la Palestine

Un nouveau rapport examine les conséquences des 50 années d’occupation par Israël des territoires palestiniens et de la croissance des colonies de peuplement.

Un nouveau rapport de l’ONU condamne fermement Israël pour le « dé-développement » et « la dégradation des conditions humanitaires » dans les territoires palestiniens de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, provoqués par leur occupation de 50 années par Israël.

Le rapport, par la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), publié mardi, indique que la performance de l’économie palestinienne est « bien en-deçà de ses capacités », pendant que le chômage persiste à des niveaux rarement connus dans le monde depuis la Grande Dépression.

« 2017 marque le cinquantième anniversaire de l’occupation israélienne de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ; la plus longue occupation de l’histoire récente. Pour le peuple palestinien, cela représente cinq décennies de dé-développement, d’étouffement de son potentiel humain et de déni de son droit humain fondamental au développement, sans qu’une issue ne soit en vue », affirme le rapport.

« Au lieu de la solution espérée à deux États envisagée par les Nations-Unies et la communauté internationale, l’occupation est aujourd’hui encore plus ancrée, avec un préjudice socio-économique complexe s’aggravant au fil du temps ».

Entre autres problèmes, le rapport examine le déclin constant dans l’évolution du produit intérieur brut au cours de ces deux dernières décennies, l’imposition de la dépendance économique des Palestiniens vis-à-vis d’Israël, le vol des ressources naturelles palestiniennes, et l’isolement de Gaza. Il réaffirme une conclusion précédente que l’économie palestinienne serait au moins deux fois plus importante si l’occupation était levée.

Le rapport note que les principales causes de la stagnation économique comprennent « la perte continue des terres et des ressources naturelles, au profit des colonies, et l’annexion de la terre en Cisjordanie », ainsi que la fragmentation du marché et les restrictions à l’importation imposées par Israël.

Les Palestiniens dans les territoires occupés n’ont eu aucun contrôle total sur leur économie depuis 1967, quand Israël a occupé Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza.

Alors que l’Autorité palestinienne (AP) a été établie en 1994 dans l’espoir de créer un État et une économie palestiniens indépendants, l’expansion des colonies de peuplement illégales israéliennes et la construction du mur de séparation ont rendu cet objectif de plus en plus difficile à atteindre.

Israël détient également un contrôle direct sur plus de 60 % de la Cisjordanie, notamment sur la plus grande partie des ressources naturelles.

Toutes les colonies d’Israël, illégales, en Cisjordanie, soit environ 125, sont situées en Zone C où vivent au moins 300 000 Palestiniens. Israël interdit aux Palestiniens de construire et de se développer sur environ 70 % de cette zone.

« La belligérance croissante de l’occupation présente un double défi, car elle refuse au peuple palestinien l’accès à ses ressources naturelles et économiques, et dans le même temps, elle décourage le soutien des donateurs en réduisant au maximum les gains de développement » affirme le rapport des Nations-Unies.

Sami Abdel-Shafi, consultant économique indépendant, cite une « diminution massive des ressources humaines des Palestiniens, simplement parce qu’ils ne sont pas en mesure de pratiquer ce qu’ils font le mieux ».

« Vous avez des centaines de milliers de personnes sans emploi et très peu à avoir du travail », a déclaré Abdel-Shafi à Al Jazeeera. « De sorte que, quelle que soit l’augmentation que vous pourriez avoir du nombre de personnes à travailler, ce ne sera pas suffisant pour rattraper la demande résultant de la croissance de la population et des nouveaux diplômés sur le marché ».

Les économies des territoires palestiniens occupés sont fortement intégrées dans l’économie israélienne et en sont dépendantes, conformément aux termes du Protocole de Paris de 1994, signé par Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Cet accord est l’un des facteurs qui rendent difficiles pour les Palestiniens de monter leurs propres usines afin de concurrencer les produits israéliens. « Les producteurs agricoles palestiniens sont également confrontés à la concurrence inégale des importations subventionnées d’Israël et des colonies – de l’ordre de 500 millions de dollars par an – alors que les producteurs en Israël opèrent dans des conditions de coût normales et profitent d’un ensemble de politiques gouvernementales favorables », indique le rapport.

Avec les restrictions imposées par Israël aux déplacements et à l’accès aux marchandises dans les territoires occupés, la croissance économique dans le secteur privé se trouve très limitée. Comme Israël continue de construire son mur de séparation et de confisquer la terre en Cisjordanie pour y construire ses colonies illégales, la zone s’est métamorphosée en enclaves entourées de check-points, rendant difficile le transport des marchandises ou des matières premières.

L’économie palestinienne s’est ainsi transformée en un ensemble de petits marchés locaux, lesquels ne peuvent pas concurrencer les monopoles israéliens sur des produits comme les produits laitiers. Dans d’autres cas, Israël est directement impliqué dans la destruction d’usines de production palestiniennes.

À Gaza, sous le siège israélien depuis plus d’une décennie, la situation est nettement pire encore. Israël contrôle directement tout ce qui entre et sort du territoire, et maintient les frontières largement fermées.

« Avant 2007, Gaza exportait à l’international. Nous étions un concurrent sur les marchés européens pour le mobilier et les produits frais, spécialement les fraises. Je pense que, par rapport à 2007, Gaza ne peut plus exporter que 15 à 20 % de ses productions – et pour un bon moment », a déclaré à Al Jazeera, Mohammed Abu Jayyab, rédacteur en chef d’un journal économique à Gaza.

Mais des analystes économiques imputent aussi la responsabilité du coût de la vie élevé aux gouvernements palestiniens, du mouvement Hamas à Gaza, et de l’AP en Cisjordanie.

« On s’attend à ce qu’Israël, en tant que pays occupant, se comporte de cette manière, mais cela exige du gouvernement de Gaza qu’il aide à l’amélioration de la situation » dit Abu Jayyab, ajoutant que le Hamas se sert de prétextes comme la sécurité, l’éducation et la santé publiques pour imposer des taxes élevées.

La division entre les deux grands partis politiques palestiniens, Hamas et Fatah, aggrave la situation. Récemment, l’AP, sous la direction du mouvement Fatah, a demandé à Israël de réduire la fourniture d’électricité à Gaza, tentant ainsi de faire pression sur le Hamas pour qu’il renonce au contrôle du territoire.

Abdel-Shafi maintient que la clé pour sauver l’économie palestinienne est de s’occuper de ce problème politique.

« L’AP doit rechercher une solution politique pour que l’économie palestinienne puisse se développer. La division entre la Cisjordanie et Gaza rend la tâche plus facile au gouvernement israélien pour nous séparer », dit-il.

« Jusqu’à présent, les Palestiniens sont en mode de subsistance. Ils ne se développent pas comme ils le devraient. Aucune solution ne sera durable tant que le problème politique ne sera pas résolu ; il en va de même du désaccord interne palestinien et du conflit entre les Palestiniens et Israël ».