Fondée en 2005 par la société civile palestinienne, la campagne BDS pour « Boycott Désinvestissement Sanctions » est active en France depuis 2009. Dans le cadre de cette campagne, une cinquantaine d’associations françaises appelle les consommat·rices à boycotter les produits israéliens, c’est-à-dire à ne plus en acheter dans les magasins. Mais cet appel au boycott des produits israéliens est-il légal ?
La question se pose depuis que la Cour de cassation a jugé en octobre 2015 que l’appel à ne pas acheter des produits israéliens lancé par des militant·es associati·ves devant un supermarché constituait un appel à la discrimination des productions israéliennes, appel fondé sur la nationalité de ces producteurs et productrices et donc illégal en droit français. Avant cet arrêt de la Cour de cassation, l’appel au boycott n’avait jamais fait l’objet de poursuites pénales, y compris lors des appels lancés contre les produits sud-africains du temps de l’apartheid. Les juristes considéraient généralement qu’il s’agissait d’une pratique légale.
Existe-il aujourd’hui un risque pénal ?
Depuis cet arrêt de la Cour de cassation, un doute s’est emparé de certain·es des act·rices des associations mobilisées en faveur du respect du droit international en Palestine. Leurs revendications et leurs actions BDS ne seraient-elles pas interdites par la loi pénale française ?
La jurisprudence de la Cour de cassation n’interdit pas l’appel au boycott de l’État israélien, de ses institutions publiques (notamment ses universités), de ses évènements (festivals culturels, performances artistiques, conférences scientifiques, rencontres sportives etc.) et des organismes qui soutiennent la politique du gouvernement israélien (syndicats, ordres professionnels, associations). L’appel au boycott des différentes formes de coopération institutionnelle avec Israël reste possible.
De même, s’agissant des produits israéliens, il est possible d’appeler au boycott de produits spécifiques : par exemple, ceux fabriqués dans les colonies israéliennes de Cisjordanie ou ceux fabriqués par des sociétés israéliennes ayant des liens particuliers avec les industries d’armement ou des liens avec les colonies.
La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation interdit l’appel au boycott d’un produit en raison de la nationalité de son producteur. Les contrevenant·es risquent un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Certains tribunaux ont appliqué cette jurisprudence pour condamner des militant·es associati·ves de la campagne BDS, tandis que d’autres ont courageusement considéré qu’elle devait être écartée parce qu’elle portait atteinte à la liberté d’expression.
Un enjeu politique
Sur le plan international, la France est le seul pays à interdire les appels au boycott des produits israéliens. Les plus hautes juridictions des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont reconnu que l’appel au boycott des produits d’un pays pour motifs politiques était protégé par la liberté d’expression. La jurisprudence de la Cour de cassation porte un coup important aux libertés publiques. Au nom de la sauvegarde des intérêts économiques des producteurs israéliens, on réduit le champ d’expression des citoyens sur un sujet d’intérêt général.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie de ce problème. Elle tranchera la question dans les prochains mois et l’on voit mal comment elle pourra éviter de rappeler à la Cour de cassation que le droit des citoyen.nes et des consommat.rices à refuser les produits d’un Etat qui viole le droit international et à en débattre impose une autre approche.