Premier étudiant palestinien sélectionné par la Cinéfondation, pépinière de nouveaux talents du festival de Cannes, Wisam al-Jafari a appris à contourner les difficultés, à l’image des ses protagonistes dans « Ambience »,….
Premier étudiant palestinien sélectionné par la Cinéfondation, pépinière de nouveaux talents du festival de Cannes, Wisam al-Jafari a appris à contourner les difficultés, à l’image des ses protagonistes dans « Ambience », film étonnamment joyeux tourné dans le camps de réfugiés où il habite.
« Ce n’est pas difficile de faire du cinéma en Palestine: si tu as un but et que tu ne penses qu’à ça, alors c’est possible », plaisante le jeune cinéaste de 27 ans qui a reçu jeudi le troisième prix ex aequo de la Cinéfondation doté de 7.500 euros.
Etudiant à l’université de Bethléem en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël, Wisam al-Jafari fait parti des 17 étudiants en école de cinéma dont le court-métrage a été choisi par la Cinéfondation parmi plus de 2.000 reçus. Grâce à leur exposition médiatique pendant le festival, ils peuvent être repérés par des producteurs et trouver des financements pour leurs projets. Sélectionnés pendant leurs études, l’Autrichienne Jessica Hausner et le Roumain Corneliu Porumboiu sont aujourd’hui en compétition pour la Palme d’or.
Dans son film de 15 minutes en noir et blanc, Wisam al-Jafari raconte les difficultés rencontrées par deux jeunes musiciens qui tentent d’enregistrer une bande démo pour un concours musical dans un camp de réfugiés bruyant et surpeuplé. Le sien en l’occurrence, Dheisheh, près de Bethléem. Alors que les deux garçons échouent à cause du brouhaha qui y règne, ils décident de s’adapter et de capter ce vacarme pour « le transformer en art », explique le cinéaste lors d’un entretien à l’AFP.
« Wisam décrit bien la situation difficile à laquelle sont confrontés tous les jours les réfugiés: la promiscuité, l’absence d’intimité, le bruit constant, des voisins ou des bombes, les coupures d’électricité, mais avec beaucoup d’humour et d’optimiste », souligne la directrice de la Sélection Dimitra Karya.
– Moyens du bord –
Une histoire qui fait écho au tournage du film réalisé avec les moyens du bord. « On n’avait pas beaucoup d’équipements. Pour la lumière par exemple on a utilisé toutes les lampes du camp en demandant aux habitants d’allumer la lumière qui était chez eux », raconte le jeune homme. Idem avec les acteurs, tous non-professionnels. Les ouvriers qui travaillent dans la rue ont également accepté de jouer leur propre rôle.
« L’image vaut mieux que des mots pour expliquer la vie des Palestiniens », poursuit le cinéaste qui a touché sa première caméra à 15 ans. « Le cinéma c’est comme de la magie, quand j’ai utilisé une caméra pour la première fois lors d’une atelier à l’école, je me suis tout de suite dit que je voulais en faire mon métier ».
Les mises en garde de sa mère enseignante et de son père ouvrier sur des chantiers n’ont pas eu raison de sa détermination. « Ils m’ont dit +tu ne vas pas gagner d’argent, fais plutôt des études de commerce+ », raconte-t-il, amusé. Il a depuis pu compter sur l’appui de sa mère qui a préparé les repas pendant le tournage, ainsi que sur son frère chargé de l’intendance.
Seule ombre au tableau : l’emprisonnement depuis septembre 2018 de l’un des acteurs principaux d' »Ambience », arrêté selon lui « sans raison » par des policiers israéliens alors qu’il se rendait chez lui. Une situation que lui a vécue à l’âge de 14 ans: scolarisé dans une école près d’un check-point, Wisam a été accusé d’avoir jeté des pierres et emprisonnés pendant un mois, relate-t-il brièvement.
Une mauvaise expérience qui lui a permis de trouver le sujet de son prochain projet: une histoire d’amour épistolaire vécue par l’un de ses codétenus.
– AMBIENCE, Réalisé par Wisam AL JAFARI, Troisième Prix de la Cinéfondation (Ex-aequo) , 2019.