Les EAU ne font pas de distinction entre les articles fabriqués dans les frontières internationalement reconnues de l’Etat hébreu et ceux qui proviennent des territoires illégalement occupés en 1967.
Dans les rayons du duty free de l’aéroport de Dubaï, des bouteilles de vin du plateau du Golan se vendent sous le label « produit israélien ». Or, au regard du droit international, le Golan, bien que conquis par Israël en 1967, demeure un territoire syrien. Son annexion par l’Etat hébreu en 1981, reconnue seulement par les Etats-Unis, a été décrétée « nulle et non avenue » par les Nations unies.
En vertu de la résolution 2334 de 2016, les pays membres de l’ONU sont tenus de faire la distinction entre Israël et les territoires occupés de 1967. Ce principe, dit de différenciation, implique d’exclure les colonies juives de Cisjordanie et du Golan du bénéfice de tout accord signé avec l’Etat hébreu. En France, par exemple, les marchandises venant de ces territoires doivent arborer des étiquettes spéciales, mentionnant leur origine précise. Elles ne peuvent profiter des tarifs préférentiels réservés aux produits made in Israel.
Les Emirats arabes unis (EAU), eux, ne semblent pas vouloir s’embarrasser de ces règles de droit. En décembre 2020, quatre mois après la normalisation des relations entre la monarchie du Golfe et l’Etat hébreu, le président de la chambre de commerce de Dubaï, Hamad Buamim, a déclaré que son pays ne jugeait pas nécessaire de faire de distinction entre les exportations israéliennes. Une façon de sous-entendre que les EAU ne prendraient aucune mesure pour différencier les articles produits en Israël de ceux produits dans les colonies juives.
« Reconnaissance implicite »
« Les avantages des accords actuels et de ceux qui viendront sont particulièrement importants pour les Palestiniens », a prétendu Hamad Buamim, convaincu que ce partenariat économique profitera aux Palestiniens qui travaillent dans les colonies. Questionnée par Le Monde à ce sujet, la politologue émiratie Ebtesam Al-Ketbi, directrice de l’Emirates Policy Center, un cercle de réflexion proche du pouvoir émirati, estime que les Emirats sont « essentiellement préoccupés par la qualité des produits importés. Si ces derniers respectent les normes, il n’y a aucun problème [à leur importation] ».
Cette position transparaît dans les accords de normalisation signés entre les deux pays. « Deux des trois accords, celui qui concerne la protection des investissements et celui sur la double imposition, sont remarquables dans leur langage, car ils incluent les colonies israéliennes de manière délibérée », observe Hugh Lovatt, chargé du dossier israélo-palestinien au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), un think tank. Israël est défini dans ces documents comme « le territoire sur lequel l’Etat d’Israël exerce sa souveraineté, ses droits souverains ou sa juridiction conformément au droit international et aux lois de l’Etat d’Israël », ce qui, selon Hugh Lovatt, inclut les territoires occupés.
Quant à l’accord de libre-échange conclu entre les deux pays en mars, il parle du « territoire de l’Etat d’Israël »,mais sans définir son périmètre. « Une ambiguïté qui, une fois de plus, ne fait pas la distinction entre Israël et les colonies », soutient Hugh Lovatt. Pour l’expert de l’ECFR, cette attitude équivaut à « une reconnaissance implicite de la souveraineté israélienne sur le territoire palestinien. On aurait pu s’attendre à ce qu’un pays arabe qui prétend vouloir empêcher l’annexion israélienne de la Cisjordanie fasse davantage attention à ses obligations légales vis-à-vis des colonies »,ajoute Hugh Lovatt. Les autorités émiraties et l’ambassade d’Israël à Abou Dhabi n’ont pas donné suite aux demandes de réaction du Monde.
Le royaume de Bahreïn, également signataire des accords d’Abraham, serait-il plus rigoureux sur ce sujet que son voisin ? Après que le ministre du commerce de l’archipel a affirmé, en décembre 2020, que les produits israéliens de Cisjordanie pourraient être marqués comme originaires d’Israël, la Couronne a précisé que Manama restait « attachée aux résolutions de l’ONU, de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique concernant les colonies en Cisjordanie et sur les hauteurs du Golan ». Le contenu des accords entre Bahreïn et Israël n’a toutefois pas été rendu public.