Arrêté mardi, le cartographe a été libéré en fin de journée après un long interrogatoire le matériel de son bureau d’étude à Jérusalem-Est a été saisi.
Habituellement prompte à communiquer sur l’arrestation de terroristes ou présumés tels, la police israélienne commente peu celle, mardi matin, du principal cartographe palestinien Khalil Toufakji. Pas plus qu’elle n’explique pourquoi ses bureaux ont été vidés et les ordinateurs saisis. Il a été libéré en fin de journée après de longues heures d’interrogatoires mais son matériel et ses locaux sont toujours placés sous scellés.
Le cabinet du ministre israélien de la Sécurité intérieure Gilad Erdan (Likoud) confirme cependant que les portes du bâtiment ont été scellées pour six mois. Du point de vue du gouvernement israélien, la mesure est logique puisque la Société d’études arabes, dont Toufakji, 65 ans, dirige le département des études cartographiques, est financée par l’Autorité palestinienne (AP). En outre, elle est installée dans l’Orient House, l’antenne officieuse de l’OLP à Jérusalem-Est, laquelle avait déjà été fermée une première fois par l’Etat hébreu durant la deuxième intifada. Motif officiel de l’époque ? L’Orient House «couvrait des activités terroristes contraires aux accords de paix d’Oslo de 1993».
Terres palestiniennes grappillées par l’Etat hébreu
Peu connu du grand public, bien qu’il apparaisse dans le documentaire de Charles Enderlin, Au nom du Temple, le sionisme religieux contre la paix, Toufakji n’est pas un excité. En fait, ce scientifique résidant dans le quartier de Wadi-Joz (Jérusalem-Est) est un paisible grand-père qui s’attache depuis des années à étudier l’extension de la colonisation israélienne dans la partie arabe de sa ville ainsi qu’en Cisjordanie. Et il le fait bien, ce qui déplaît aux Israéliens.
En 1991, à l’occasion de la conférence de Madrid, qui initiait un semblant de dialogue entre Israël et les pays arabes – y compris avec l’OLP qui y siégeait officieusement –, Toufakji avait déjà apporté des cartes démontrant comment l’Etat hébreu grappillait de la terre palestinienne depuis l’occupation des territoires en juin 1967. Vingt-quatre ans plus tard, ses travaux ont également été utilisés par l’AP pour alimenter le dossier transmis en juin 2015 au Tribunal pénal international. Celui-ci vise 145 colonies dont Toufakji a minutieusement étudié le développement.
«Nous voulons démontrer qu’Israël fait plus que développer ses colonies sur notre terre, affirmait-il alors. Notre travail consiste à prouver qu’il utilise tous les moyens pour gagner du terrain. Qu’il s’en approprie également en créant des parcs et des zones vertes ou industrielles. Quant à son armée, elle s’attribue de larges zones dont elle interdit ensuite l’accès sous le prétexte qu’elles sont devenues des zones d’exercice.»
Cela fait bien longtemps que Toufakji n’est plus un cartographe isolé. Il présidait une équipe solide composée de plusieurs chercheurs palestiniens, travaillant aussi bien sur des cartes que sur des photos satellites. Le résultat de leurs études sert à étayer les arguments présentés par l’AP aux personnalités de passage. Et notamment à Jason Greenblatt, le nouvel émissaire américain pour la paix au Proche-Orient, qui a rencontré Benyamin Nétanyahou lundi, avant de s’entretenir avec Mahmoud Abbas à Ramallah.