En plus d’inciter les futurs enseignants à étudier les matières très recherchées, le ministère de l’Education coupe le budget des professeurs de langue arabe.
Une nouvelle méthode de financement des établissements de formation des maîtres attribuera aux étudiants de langue arabe du nord du pays à peine plus de la moitié de ce que recevront les futurs enseignants juifs.
Ce nouveau programme est mis en place par le ministère de l’Education pour encourager les étudiants à choisir des matières pour lesquelles il manque des professeurs, telles que les mathématiques et les sciences.
Mais, en plus d’inciter les étudiants à se former dans les matières en forte demande en attribuant un budget supplémentaire par étudiant, le ministère a décidé que le budget par étudiant pour les futurs enseignants de langue arabe dans les établissements du nord représenterait seulement 56 pour cent de ce que recevront les étudiants juifs.
Ce nouveau système ne sera pas appliqué dans le sud du pays, où on manque d’enseignants bédouins, selon le ministère.
L’explication donnée par le ministère est qu’il y a trop de candidats enseignants dans le secteur arabe du nord, alors que le but du projet est de réduire le nombre de futurs enseignants parlant arabe dans la région.
Le nouveau modèle budgétaire est défini par la matière étudiée. Mais pour ceux qui parlent arabe dans le nord, l’origine ethnique est un critère supplémentaire – qui fait baisser le budget.
« Différencier selon la matière étudiée fait sens », a dit le directeur de l’un des établissements de formation des maîtres. « Mais attribuer le budget selon l’origine de l’étudiant, de mon point de vue, c’est étrange, et je ne pense pas que ce soit le genre de décision qu’une institution publique puisse prendre et soutenir. »
Les principales victimes du programme seront les établissements de formation des maîtres arabes, où tous les étudiants parlent arabe et qui ne recevront que 56 pour cent du budget supplémentaire par étudiant. Même s’il y a dans l’établissement des étudiants qui se forment dans les matières où la demande est forte, telles que les mathématiques et les sciences, le budget supplémentaire reçu pour ces étudiants ne représentera que 56 pour cent de celui de leurs homologues juifs.
« De mon point de vue, c’est vraiment du racisme », a dit un haut responsable de l’un des établissements de formation des maîtres arabes. « Il n’y a pas d’autres explication à cela. »
Il a ajouté que, lorsque lui et d’autres se sont plaints auprès du ministère de l’Education comme quoi leur décision était raciste, « ils nous ont dit que c’était la faute des députés arabes de la Knesset qui disent constamment qu’il y a pléthore de professeurs arabes et que c’est un problème. Et ils ont demandé que nous arrêtions de former des professeurs. »
« La plupart de nos étudiants sont des femmes », a poursuivi le responsable. « En d’autres termes, nous ne parlons pas des études que dans le but de trouver du travail, mais pour l’émancipation des femmes arabes. Que va-t-il se passer maintenant : les femmes ne travailleront pas et ne recevront pas non plus d’éducation ? »
« Parce qu’il n’y a pas de travail, elles n’auront pas le droit de bénéficier d’une éducation ? Dans la communauté arabe, le problème du chômage existe aussi dans d’autres sphères. Pas seulement dans l’éducation. »
Le nouveau modèle budgétaire a été présenté il y a environ deux ans aux directeurs des établissements de formation des maîtres mais à l’époque, la différence ne se faisait que sur les matières. Cette année, avant la mise en place du nouveau système, les chefs d’établissement ont été informés que la différence se ferait aussi sur la base de l’origine de l’étudiant et que les étudiants arabes des établissements du nord ne recevraient que 56 pour cent du budget par étudiant.
« On nous a demandé de fournir des listes détaillées des étudiants qui se sont inscrits et, à ma grande surprise, le ministère savait exactement qui était arabe et serait moins subventionné », a dit une source de l’établissement.
« On nous a dit que le nombre de diplômés dans le secteur arabe était plus important que le nombre de postes d’enseignants à pourvoir », a dit une autre source. « Le problème, c’est qu’ils ont décidé d’allouer un budget plus bas pour toutes les matières à ceux qui parlent arabe et seulement dans le nord. »
« Quelques uns des futurs professeurs bédouins, qui étudient avec nous dans le nord, trouvent ensuite du travail dans le sud. Que sommes-nous censés faire : dire à quelqu’un de langue arabe qu’il ne peut pas étudier avec nous ? Ou lui demander de payer davantage parce qu’il parle arabe ? »
En Israël, selon les estimations, il y a quelques 10.000 enseignants arabes au chômage, qui n’ont pas pu trouver un poste dans les écoles arabes. Très peu d’enseignants arabes travaillent dans des écoles juives, qui pourtant souffrent d’un manque de professeurs de mathématiques, de sciences et d’anglais.
En 2013, alors ministre de l’Education, Shay Piron a initié un plan pour nommer 500 professeurs arabes dans des écoles juives, mais sans succès. En 2015, seuls quelques 200 professeurs arabes de mathématiques, de sciences et d’anglais enseignaient dans des écoles juives. La plupart des enseignants arabes actuellement dans des écoles juives enseignent l’arabe.
« Prendre une décision aussi raciste et stupide demande beaucoup d’insensibilité et de froideur », a dit Yousef Jabareen, député de la Liste Unie. « Le message est que les étudiants arabes des établissements de formation des maîtres sont étiquetés comme professeurs de moindre qualité. »
« Le système arabe d’éducation manque de dizaines de milliers d’heures d’éducation comparé à son pendant juif, à la fois pour la mise en place du différentiel budgétaire et pour assurer un budget équitable aux établissements secondaires. Si le ministère de l’Education souhaitait assurer une véritable égalité et allouer un montant raisonnable d’heures d’enseignement, des milliers de professeurs arabes seraient intégrés dans le système et il n’y aurait plus de problème d’excédent de professeurs. »
« Il y a trop de professeurs arabes dans le nord et ils continuent à se former en masse au métier d’enseignant », a dit Eyal Ram, directeur adjoint des travailleurs de l’éducation au ministère de l’Education. « Dans le sud, il n’y a pas assez de professeurs bédouins… De mon point de vue, nous n’utilisons pas bien l’argent du contribuable. Il y a des endroits où il y a trop d’enseignants et d’autres où ils manquent sérieusement. Nous devons ajuster correctement le système. C’est notre travail. Clairement, ce n’était pas facile pour moi, mais nous devons nous plier à la réalité parce qu’aujourd’hui, nous trompons la population arabe. Ils étudient, mais il n’y a pas de postes. »
« S’il y avait une formidable circulation entre les systèmes éducatifs hébreu et arabe, ce serait fantastique », a poursuivi Ram. « Nous avons fait d’énormes efforts pour que les professeurs arabes viennent travailler dans le système juif. Mais, en règle générale, les professeurs arabes vont travailler dans l’éducation arabe et les juifs dans l’éducation juive. C’est cela la réalité. »