Israël retient la nourriture destinée à 1.1 million de Palestiniens à Gaza, dit la principale agence d’aide de l’ONU là-bas

JÉRUSALEM (AP) – Israël a imposé des restrictions financières à la principale agence de l’ONU qui fournit de l’aide à la Bande de Gaza, mesure qui a empêché une cargaison de nourriture pour 1.1 million de Palestiniens d’atteindre l’enclave meurtrie par la guerre, a dit vendredi le directeur de l’agence.

Les restrictions ont approfondi une crise entre Israël et l’UNRWA, dont les activités ont été menacées à la suite des accusations israéliennes disant que certains de ses salariés avaient participé à l’attaque du 7 octobre qui a déclenché la guerre d’Israël à Gaza. Ces accusations ont conduit des nations de donateurs essentiels, dont les États-Unis, à suspendre leur financement de l’organisation de l’ONU et à laisser son avenir en suspens.

Le directeur de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a dit vendredi qu’un convoi de nourriture offert par la Turquie a attendu des semaines dans le port israélien d’Ashdod. L’agence a dit que le prestataire israélien avec lequel ils travaillaient avait reçu un appel des autorités douanières israéliennes « lui ordonnant de ne traiter aucun des produits de l’UNRWA ».

Cet arrêt signifie que 1.049 cargaisons maritimes de riz, de farine, de pois chiches, de sucre et d’huile de cuisine – de quoi nourrir 1.1 million de personnes pendant un mois – sont bloqués, même alors qu’ environ 25 % des familles de Gaza sont confrontées à une famine catastrophique.

Le Programme Alimentaire Mondial a averti vendredi que Gaza pourrait être plongé dans la famine dès le mois de mai. L’agence alimentaire de l’ONU définit une famine dès que 30 % des enfants sont sous-alimentés, qu’un cinquième des maisonnées font face à de graves pénuries alimentaires et que deux personnes sur 10.000 meurent de faim ou de sous-alimentation.

Israël a déclaré la guerre et imposé un siège à Gaza en réponse à l’attaque du 7 octobre par le Hamas, qui a tué 1.200 personnes et pris 250 autres en otage. La guerre a conduit à une crise humanitaire à Gaza, l’aide humanitaire n’entrant qu’au compte-gouttes quotidiennement sur le territoire.

Israël s’insurge depuis longtemps contre l’UNRWA, l’accusant de tolérer ou même de collaborer avec le Hamas et de perpétuer la crise de 76 ans des réfugiés palestiniens. L’UNRWA, qui est au service d’environ 6 millions de Palestiniens dont les familles ont été déplacées pendant la guerre consécutive à la création d’Israël en 1948, nie ces accusations. Mais les tensions n’ont fait que s’intensifier à la suite des dernières allégations d’Israël.

Juliette Touma, directrice des communications pour l’agence, a dit que le compte bancaire de l’UNRWA à la banque Leumi, tenu par l’agence depuis des dizaines d’années, a également été bloqué cette semaine. Et en plus, Touma a dit que les autorités douanières israéliennes ont prévenu l’agence que l’UNRWA ne bénéficierait plus de l’exemption de taxes.

Le ministre des Finances d’Israël, Bezalel Smotrich, a tweeté jeudi que « l’État d’Israël n’accordera pas d’avantages fiscaux à ceux qui aident les terroristes. »

Smotrich, allié d’extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahou, n’a pas répondu à une demande de commentaires.

L’agence a pu réacheminer d’autres cargaisons d’aide via Port Saïd en Égypte, mais Lazzarini a averti vendredi que ce hold-up signifie des difficultés supplémentaires dans le véritable défi que représente la distribution de l’aide à Gaza. Environ 90 % des 2.3 millions de Gazaouis ont été déplacés par la guerre.

L’UNWRA est le principal fournisseur d’aide aux Palestiniens de Gaza, mais les bombardements israéliens et les combats entre Israël et le Hamas ont rendu ce territoire trop dangereux pour permettre aux convois d’aide de le traverser. Ces deux dernières semaines, l’agence a été incapable de livrer de l’aide aux environ 300.000 Palestiniens dont on pense qu’ils sont encore dans la moitié nord de Gaza, où le Programme Alimentaire Mondial dit que l’insécurité alimentaire est la pire.

Lazzarini a dit que les efforts se sont alors concentrés sur le 1.3 million de Palestiniens déplacés qui s’abritent dans les villages de tentes de fortune de Rafah, ville à la frontière de l’Égypte où l’agence s’appuie sur la police locale pour escorter les convois d’aide jusqu’aux points de distribution et empêcher les vols. Mais cela aussi est devenu de plus en plus difficile, alors que les avions de guerre israéliens bombardent des cibles dans la ville.

Les frappes aériennes ont tué huit policiers dans la ville au cours des quatre derniers jours, a dit Lazzarini, rendant la police réticente à continuer d’aider l’agence. Trois frappes ont eu lieu près d’une clinique de l’UNRWA, a dit Lazzarini. Les médias israéliens ont décrit les escortes policières comme une tentative du Hamas pour s’emparer des cargaisons d’aide pour son propre usage.

Lazzarini a dit que la police avec laquelle travaille l’agence n’était pas affiliée aux groupes militants. Touma a dit qu’une escorte de police était nécessaire pour empêcher les gens de jeter des pierres sur le convoi et d’essayer de voler l’aide à leur profit.

Israël a prétendu le mois dernier que 12 employés de l’agence de secours avaient participé aux attaques du 7 octobre par le Hamas au sud d’Israël. Plusieurs pays ont suspendu leur financement pour une valeur d’environ 440 millions de dollars, presque la moitié du budget annuel de l’agence.

Deux enquêtes de l’ONU sont en cours, dont un examen indépendant annoncé cette semaine. Cet examen, dirigé par une ancienne ministre française des Affaires étrangères, est supposé se concentrer sur la façon dont l’agence assure qu’elle reste neutre et répond aux allégations disant qu’elle ne l’a pas été. L’équipe de Colonna prévoit de vérifier si le système fonctionne et comment on pourrait l’améliorer.

Lazzarini a dit vendredi qu’il a immédiatement renvoyé les travailleurs, plutôt que de les suspendre, sans avoir au préalable examiné les preuves à leur encontre. Deux avaient été tués au moment où les allégations sont apparues. Lazzarini a dit qu’il y avait trop de pression sur l’organisation – et les conditions actuelles rendent difficile l’enquête sur les travailleurs – pour faire quoi que ce soit d’autre.

« Sachant que l’organisation est soumise à des attaques féroces et hideuses », a-t-il dit, « je ne pouvais pas prendre le risque … J’aurais pu les suspendre, mais je les ais renvoyés. »

Julia Frankel est journaliste à l’Associated Press de Jérusalem.