Le but de la visite était de rencontrer en prison le leader palestinien condamné Marwan Barghouti, disent deux ministres.
Israël a annoncé lundi qu’il interdirait l’entrée de sept membres d’une délégation de responsables européens en utilisant la législation récemment approuvée selon laquelle les militants du boycott anti-Israël sont interdits de visite.
La délégation de 20 membres, dont l’arrivée en Israël était prévue pour la semaine prochaine, devait comprendre des députés européens et des maires français. La direction de la Population, de l’Immigration et des Frontières du ministère de l’Intérieur a dit que sept des 20 membres de la délégation seraient interdits d’entrée en Israël, ajoutant qu’elle avait été informée qu’ils avaient appelé au boycott d’Israël.
Selon le ministre de l’Intérieur Arye Dery et le ministre de la Sécurité Publique Gilad Erdan, le but de leur visite était de rencontrer le leader palestinien condamné Marwan Barghouti dans la prison d’Hadarim « dans le cadre de leur soutien à Barghouti et aux prisonniers palestiniens ».
Erdan a dit qu’il s’agissait de « politiques de premier plan qui soutiennent systématiquement le boycott contre Israël et l’encouragent ». Il a ajouté : « Nous ne permettrons pas d’entrer à ceux qui appellent activement à faire du tort à l’État d’Israël, surtout au vu de leur requête pour rencontrer et offrir leur soutien au grand terroriste Marwan Barghouti. »
Un document officiel du ministère des Affaires Stratégiques obtenu par Haaretz propose d’empêcher les membres de la délégation européenne autorisés à entrer de rendre visite à Barthouti. « La question des visites aux prisonniers n’est pas de la responsabilité du ministère des Affaires Stratégiques », déclare le document. « Toutefois, la question des prisonniers palestiniens et les efforts pour délégitimer Israël sont étroitement mêlés.La position du ministre est de ne permettre à aucun membre de la délégation de rendre visite à Marwan Barghouti, car une visite est susceptible de lui mettre le vent en poupe. » Le document était rédigé par un important responsable du ministère.
Ce responsable a fait remarquer que l’information venait du ministère des Affaires étrangères, à la suite d’une lettre que l’un des leaders de la délégation avait envoyée à l’ambassade d’Israël en France. Le maire de Gennevilliers, Patrice Leclerc, informait l’ambassade que la délégation comprenait 20 membres – parlementaires français, parlementaires européens et maires français appartenant au « réseau Barghouti ».
Le document dit que ces « maires font partie de l’extrême gauche française qui a soutenu la défense de Barghouti et des prisonniers palestiniens ». Il souligne : « Le but essentiel déclaré de la délégation, c’est de rendre visite à Barghouti. » Il fait remarquer que cette initiative était née un an plus tôt lors d’un voyage similaire entrepris par des maires du « réseau Barghouti », mais qu’ils ne l’avaient finalement pas rencontré.
On mentionnait aussi que le ministère des Affaires étrangères avait compris que la délégation essaierait également de rendre visite à un autre prisonniers palestinien, Salah Hamouri. Hamouri « est devenu en France un symbole de la lutte des prisonniers palestiniens ». Selon le document, « la position du ministère des Affaires étrangères est de ne pas autoriser non plus cette visite, qui est susceptible ‘de célébrer’ un militant extrémiste qui délégitime Israël. Salah Hamouri, Français palestinien qui travaille comme enquêteur pour Addameer, a été arrêté en août dernier par les Forces de Défense Israéliennes. Addameer est l’association de Défense des Prisonniers et des Droits de l’Homme basée à Ramallah.
Le ministère des Affaires Stratégiques a recommandé de refuser l’entrée en Israël à sept membres de la délégation française : les députés européens Pascal Durand et Patrick Le Hyaric, la députée française Clémentine Autain, les maires Azzedine Taibi, Eric Roulot et Leclerc, et Pierre Laurent, chef du parti communiste français. Le document a dit que le ministère des Affaires étrangères ne faisait pas objection à l’entrée des sept membres en question.
Le document a précisé que l’ambassade d’Israël à Paris « était prête à faire face aux retombées négatives susceptibles de paraître dans les médias à cause de l’interdiction de leur entrée », appelant les membres de la délégation des « provocateurs ». Le document suggère qu’il faut informer les sept avant leur départ de France de ce qu’Israël a l’intention de ne pas autoriser leur entrée.
Le document énumère ses objections spécifiques envers chacun des sept. Il dit de Leclerc, qui a informé l’ambassade d’Israël de l’existence de la délégation, qu’il faisait partie d’une délégation précédente qui soutenait Barghouti, qu’il avait participé à des activités de soutien au boycott d’Israël et qu’il avait fait de Salah Hamouri un citoyen d’honneur. Le député européen Pascal Durand a échangé en mars sur Facebook des informations sur un rapport d’organisations françaises intitulé « Les liens dangereux de banques françaises avec la colonisation israélienne ». On faisait aussi remarquer qu’il était le premier signataire en janvier 2016 d’une requête au président français qui contenait des messages explicites sur le boycott d’Israël. Il avait aussi signé en 2015 une lettre qui demandait à l’UE de limiter ses liens commerciaux et économiques en Israël et comparait la situation en Israël à de l’apartheid lors d’une conférence sur l’eau cette année, justifiant ainsi le boycott des produits israéliens. Il a par ailleurs signé un appel public pour la libération de Salah Hamouri.
D’autres membres de la délégation ont signé ces pétitions, ces documents et ces lettres, dit ce responsable. Selon la lettre du ministère, Azzedine Taibi, maire de Stains, a participé à un événement « dont une composante significative était la promotion du boycott d’Israël ». Le document déclarait : « Il a été photographié au cours de cet événement devant une pancarte ‘Boycott Israël’. » Il est apparu par ailleurs sur une vidéo de soutien au boycott des produits israéliens chargée sur YouTube en 2013. En ce qui concerne Eric Roulot, maire de Limay, le document a signifié qu’il faisait partie d’une précédente délégation de soutien à Barghouti et qu’il avait dit en avril dans une manifestation en faveur de la Palestine que « le boycott, c’est la liberté », rappelant que « le boycott a aidé à se débarrasser de l’apartheid en Afrique du Sud ».Il a aussi publié sur Facebook des pétitions appelant à soutenir le boycott des produits des colonies.
La députée française Clémentine Autain a elle aussi exprimé son soutien au boycott d’Israël, selon le document. En 2010, elle a signé dans Le Monde un article dont le titre était « Boycotter Israël, c’est se battre pour une paix juste ». Le document a dit du leader du parti communiste Pierre Laurent qu’il avait demandé au secrétaire général de l’ONU de suspendre l’accord commercial entre l’UE et Israël et qu’il avait également exprimé son soutien aux militants de Boycott, Désinvestissement et Sanctions traduits en justice en France.
Le ministère des Affaires étrangères a d’abord dit que cette démarche n’était pas coordonnée, soulignant l’implication que la démarche pouvait avoir sur les relations internationales et notant le fait que les membres de la délégation étaient des législateurs et des responsables qui détenaient peut-être des passeports diplomatiques. Une heure plus tard cependant, le ministère a mis à jour sa réponse et a dit que la démarche était en fait coordonnée avec la division Européenne du ministère des Affaires étrangères et l’ambassade d’Israël à Paris.
Au cours de l’année dernière, sur ordre de Dery et Erdan, Israël a bloqué l’entrée de quelques personnes connues pour soutenir le mouvement BDS.
L’Association pour les Droits Civiques en Israël (ACRI) a émis un communiqué protestant contre la décision d’empêcher d’entrer dans le pays à des membres de la délégation. Elle a dit de la législation israélienne qui permet aux autorités d’empêcher l’entrée aux défenseurs du boycott que c’était une violation des principes démocratiques fondamentaux si l’on prenait en considération leurs opinions politiques pour permettre aux citoyens étrangers de visiter Israël et les territoires. « Quiconque cherche à entrer en Israël ne devrait certainement pas avoir à s’aligner sur la position du gouvernement israélien actuel au sujet de l’occupation », a dit l’ACRI.
De son côté, la directrice générale de l’ACRI, Sharon Abraham-Weiss, a dit : « Le ministre de l’Intérieur n’est pas autorisé à agir comme un commissaire qui se tient à l’entrée et décide, à la place des citoyens du pays et des résidents des territoires occupés, qui dépendent du passage des frontières israéliennes, des positions qu’il convient d’écouter. La liberté d’expression n’est pas que le droit de s’exprimer, c’est aussi le droit d’être confronté à des opinions, même des opinions qui indignent et exaspèrent la majorité en Israël. »