L’étudiante, qui vit en Cisjordanie, a subi un refus de vaccination après un trajet de plusieurs heures jusqu’à l’université pour une campagne de vaccination à l’échelle du campus.
Le ministère israélien de la Santé a empêché une Palestinienne de Cisjordanie occupée qui étudie à l’université de Tel Aviv d’être vaccinée contre la COVID-19 lors d’une campagne de vaccination à l’échelle du campus, le mois dernier.
À la mi-février, l’université de Tel Aviv a envoyé aux étudiants et aux enseignants un courriel annonçant qu’un centre de vaccination allait être créé sur le campus dans le cadre des efforts d’Israël pour “vacciner la population contre le coronavirus”, en coopération avec Magen David Adom, le service médical d’urgence d’Israël. Selon ce courriel, “le vaccin sera mis à la disposition de l’ensemble de la communauté universitaire— employés et étudiants —, qui doivent encore recevoir leur première dose”.
L’étudiante palestinienne, qui souhaite rester anonyme pour protéger sa sécurité, précise qu’en recevant ce courriel, elle s’est renseignée auprès de son programme d’études pour savoir si elle pouvait bénéficier de la vaccination. Ayant reçu une réponse positive, elle a commencé à planifier son déplacement jusqu’à l’université — un voyage qu’elle est amenée à faire régulièrement pour suivre ses cours, en tant que Palestinienne vivant dans les territoires palestiniens occupés et détenant un permis de voyage autorisé par l’armée israélienne. Elle est partie de chez elle à 4 heures du matin. “J’ai franchi sept checkpoints, changé huit fois de moyen de transport, marché alors que le temps était épouvantable, et je suis arrivée à l’université à 9h30.”
À son arrivée, le personnel médical lui a demandé une pièce d’identité ou un justificatif d’assurance santé. “Quand ils se sont rendu compte que j’étais palestinienne, ils m’ont dit que c’était impossible, qu’ils ne pouvaient pas enregistrer mon nom dans le système et que je ne pouvais donc pas être vaccinée”, raconte-t-elle. “Je suis restée là et j’ai regardé tout le monde se faire vacciner et repartir”, poursuit-elle. “J’étais la seule à ne pas se faire vacciner. On ressent de l’injustice à rester là et à voir tout le monde se faire vacciner.”
On ne sait pas clairement si d’autres étudiants palestiniens qui ne sont pas des citoyens israéliens ont, eux aussi, été évincés.
Dans une lettre envoyée à l’administration de l’université, l’étudiante explique qu’elle a attendu pendant six heures dans le centre de vaccination provisoire installé par l’université, et qu’on lui a allégué plusieurs prétextes pour justifier qu’elle ne soit pas vaccinée, entre autres l’absence d’une assurance-santé israélienne, l’impossibilité qu’elle reçoive cette assurance-santé, étant palestinienne, et même les négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne sur la fourniture à cette dernière de vaccins destinés aux Palestiniens de Cisjordanie.
“Hier, j’ai subi la plus brutale des prises de conscience en comprenant qu’aux yeux du système je suis un être humain inférieur, une étudiante inférieure, et que je ne bénéficie pas des mêmes droits”, écrit-elle dans sa lettre à l’université.
“Au cours de cette longue journée, de nombreuses personnes sont venues me présenter leurs excuses”, écrit-elle encore dans cette lettre. “Je n’ai pas de problème avec les individus ; au contraire, ces personnes ont été très gentilles et me soutenaient”. Elle indique qu’un représentant de l’université lui a même proposé de l’indemniser pour ses frais de voyage entre la Cisjordanie et Tel Aviv, offre que l’étudiante a trouvé insultante. “Je demande la justice et l’égalité, pas la charité”, écrit-elle à l’université.
En dépit de demandes émanant d’organisations de défense des droits humains en Israël, le gouvernement israélien a refusé de fournir des vaccins aux Palestiniens de Cisjordanie et a même essayé d’empêcher le transfert de vaccins à Gaza.
Début février, Israël a commencé à vacciner des sans-papiers, y compris des travailleurs étrangers et des demandeurs d’asile, et pourtant le ministère de la Santé a déclaré initialement que la campagne de vaccination ne s’appliquerait pas aux “Palestiniens travaillant en Israël avec ou sans visa”.
Dimanche [28 février], à la suite de plusieurs semaines de pression publique, le gouvernement israélien a approuvé un plan de vaccination des quelque 100 000 travailleurs palestiniens présents en Israël et dans les colonies de Cisjordanie.
Face à l’attitude du ministère de la Santé qui a refusé obstinément de vacciner l’étudiante palestinienne, elle précise que l’université de Tel Aviv s’est donné beaucoup de mal pour lui procurer un vaccin. Un coordinateur de l’université s’est adressé au personnel médical sur place et a téléphoné au ministère de la Santé, dit-elle, tandis qu’à un moment donné de hauts responsables de l’université se sont présentés et ont tenté d’intervenir, en vain. Selon l’étudiante, le personnel universitaire s’est également adressé à l’administration du centre médical Sourasky de Tel Aviv, le plus grand hôpital de la ville, mais rien n’y a fait. On lui a dit plus tard que le président de l’université avait envoyé une lettre au ministère de la Santé au sujet de cette affaire.
En réponse à +972, le ministère de la Santé a affirmé que l’université de Tel Aviv n’était pas entrée en rapport avec lui à ce sujet et que, si l’université avait établi ce contact, l’étudiante aurait été vaccinée à titre “d’exception”.
“Je ne trouve pas de mots pour décrire ce que je ressens”, continue sa lettre. “Je plaide en faveur de la citoyenneté et de la coexistence globales, cependant cette expérience est allée à l’encontre de mes convictions et les a mises à l’épreuve, et elle m’a laissée sans défense et incapable de présenter mes arguments. Je suis vraiment déçue et traumatisée.”
L’université de Tel Aviv a réagi à cette affaire dans les termes suivants :
L’université attache la plus grande importance à la prévention de la maladie et à l’accessibilité de la vaccination pour l’ensemble de la communauté du campus, enseignants comme étudiants, et elle a donc lancé une journée de vaccination en collaboration avec Magen David Adom. Malheureusement, le personnel présent a refusé de vacciner une étudiante qui vit en [Cisjordanie] en invoquant la politique systématique instituée par le ministère de la Santé, laquelle, à ce jour, n’a pas autorisé la vaccination des Palestiniens.
À la suite de cet incident, le président de l’université a écrit le jour même au directeur général du ministère de la Santé, en demandant un plan en vertu duquel les étudiants palestiniens ayant un permis d’entrée en Israël pour y suivre des études pourraient être vaccinés de la même manière que tous les autres étudiants. Nous espérons que le changement de politique du ministère de la Santé concernant la vaccination des travailleurs palestiniens, qui a été annoncé hier, comportera aussi un plan pour la vaccination des étudiants [palestiniens].