Israël condamne un travailleur humanitaire de Gaza à six années supplémentaires de prison

Mohammad al-Halabi, ancien chef de World Vision à Gaza, a été condamné après avoir déjà passé six ans derrière les barreaux.

Un tribunal israélien a condamné l’ancien représentant d’une agence humanitaire chrétienne basée aux États-Unis à 12 ans de prison sur des allégations d’envoi d’argent au mouvement palestinien armé du Hamas.

Mohammad al-Halabi, ancien chef des opérations à World Vision de Gaza, a été condamné mardi par le tribunal du district de Beersabe’ (Beersheba), qui a décidé qu’il devait faire six autres années de prison en plus des six qu’il y a déjà passées.

Le tribunal a condamné al-Halabi en juin en l’accusant d’avoir envoyé des millions de dollars au Hamas, qui gouverne la Bande de Gaza assiégée, accusation que son avocat et lui-même ont toujours niée.

L’avocat d’al-Halabi a réitéré sa déclaration d’innocence après la condamnation de mardi. « Il dit qu’il est innocent, qu’il n’a rien fait et qu’il n’y a pas de preuve », a dit Maher Hanna, ajoutant qu’ils feraient appel du verdict auprès de la Cour Suprême d’Israël.

« Au contraire, il a prouvé au tribunal au-delà de tout doute raisonnable qu’il s’est assuré qu’aucun argent ne serait directement [donné] au Hamas. »

D’après Hanna, si al-Halabi, père de cinq enfants, avait admis ses torts, on l’aurait relâché.

Mais il a insisté pour dire que la vérité aussi a de la valeur. Et pour ses valeurs personnelles, et pour les valeurs du travail humanitaire international, il a insisté sur la vérité et il ne peut admettre une chose qu’il n’a pas faite », a dit l’avocat.

Les forces israéliennes ont arrêté al-Halabi en juin 2016 au passage de la frontière de Beit Hanoun (Erez) alors qu’il revenait à Gaza après des réunions de travail, sur des allégations de transfert de fonds humanitaires allant jusqu’à 50 millions de dollars pour soutenir le Hamas.

Al-Halabi a passé six ans derrière les barreaux et a subi plus de 160 auditions avant d’être condamné.

Les avocats et les associations des droits de l’homme ont fait remarquer que son procès était entaché de violations d’un procès équitable, y compris une détention prolongée sans charges, la retenue de preuves qu’Israël déclare détenir « secrètement » contre lui, et qu’il était soumis à de la torture.

World Vision a dit dans un communiqué que la sentence de 12 ans était « profondément décevante » et qu’elle « contraste sévèrement avec les preuves et les faits de cette affaire ».

L’organisation a dit qu’elle « condamne tout acte de terrorisme quel qu’il soit ou tout soutien à ce genre d’activités … nous ne voyons aucune preuve de cela dans cette affaire ».

« L’arrestation, le procès de six ans, le verdict injuste et cette condamnation sont emblématiques des actions qui entravent le travail humanitaire à Gaza et en Cisjordanie », a dit World Vision.

« Il s’ajoute à l’impact réfrigérant sur World Vision et les autres associations d’assistance ou de développement qui travaillent à soutenir les Palestiniens. »

Human Rights Watch a dit mardi que cette condamnation était « une profonde erreur judiciaire ».

« Détenir al-Halabi pendant six ans en se fondant sur des preuves secrètes, que de multiples enquêtes ont rejetées, a tourné en dérision la procédure légale. Le détenir pour six ans de plus est simplement cruel et inhumain », a dit sur Twitter le directeur pour Israël et Palestine Omar Shakir.

« On aurait dû le libérer il y a longtemps. Le cas d’al-Halabi montre comment Israël utilise sont système juridique pour fournir une apparence de légalité qui masque son vilain apartheid sur les millions de Palestiniens », a-t-il ajouté.

En 2017, le gouvernement australien, qui est un important donateur pour World Vision, a conclu dans une enquête qu’aucun argent n’avait été utilisé pour transférer des fonds au Hamas.

Au début du mois, les forces israéliennes ont fermé et criminalisé sept organisations palestiniennes des droits de l’homme et de la société civile en Cisjordanie.

A Gaza, la mère d’al-Halabi a décrit l’angoisse qu’il y a à suivre ce qu’elle a appelé un procès injuste.

« Je me suis sentie comme si je faisais une dépression nerveuse et je criais », a dit Amal al-Halabi.

« C’est de l’injustice. Où est la communauté internationale et où sont les droits fondamentaux de Mohammad ? »