Israël attaque mon université — avec des bombes et des mensonges

Bande Gaza. Samedi, l’armée israélienne s’est vantée de bombarder un « centre de développement d’armes » à l’Université islamique de Gaza (Islamic university of Gaza, IUG). J’enseigne le journalisme à cette université…..

Bande Gaza. Samedi, l’armée israélienne s’est vantée de bombarder un « centre de développement d’armes » à l’Université islamique de Gaza (Islamic university of Gaza, IUG).

J’enseigne le journalisme à cette université. La section du campus où je travaille est proche du département administratif, la cible de l’attaque d’Israël à l’aube.

Ce département héberge du personnel enseignant appartenant à toutes les facultés de l’université : médecine, littérature, ingénierie, commerce, etc. Il n’a pas de « centre de développement d’armes ».

Contrairement à ce qu’affirme Israël, les universités de Gaza n’ont pas de départements dédiés à la recherche ou à l’entrainement militaires. Ceci contraste avec les universités israéliennes qui participent pleinement à l’occupation militaire et au développement des armes et ont promu activement l’agression sur Gaza.

L’attaque sur l’IUG, tout comme l’invasion par les forces d’occupation israéliennes de l’Université de Birzeit en Cisjordanie en juin, a été condamnée par le comité exécutif de la Société des études américaines (American Studies Association). La Société des études américaines a voté en faveur d’un boycott universitaire d’Israël l’an dernier, ce qui a déclenché un débat sur cette tactique à l’intérieur de l’organisation même et dans les médias grand public.

Liée au Hamas ?

L’IUG est considérée par beaucoup ici comme la meilleure université de Gaza. Elle a approximativement 20 000 étudiants.

Des journaux occidentaux ont récemment raconté que l’IUG était « liée au Hamas ».

Ceci témoigne d’une ignorance profonde. L’IUG a été fondée en 1978 ; le Hamas n’a émergé que près d’une décennie plus tard.

Certains de nos étudiants, bien sûr, sont impliqués dans le Hamas.

D’autres sont affiliés au Fatah, au Front populaire pour la libération de la Palestine (Popular Front for the Liberation of Palestine), au Jihad islamique et à d’autres factions palestiniennes.

Est-ce que les étudiants vivant sous occupation militaire n’ont pas le droit d’être actifs politiquement ?

L’insinuation dans la presse occidentale que le Hamas contrôle toutes les activités de l’université ne reflète pas la réalité.

Pendant les six dernières années, j’ai enseigné à mes étudiants comment utiliser l’anglais dans les médias. J’ai travaillé pour le département de pédagogie ouverte de l’université (aussi connu comme « Community Development Institute », Institut du développement communautaire).

Au départ, j’ai hésité à rejoindre l’IUG, car je craignais d’avoir à suivre des règles religieuses ou politiques strictes. Je n’ai pas d’affiliation à un parti, et me considère comme un musulman très modéré.

Surpris

En 2008, j’ai été convié à un interview avec le doyen du département de pédagogie ouverte et deux enseignants d’anglais. L’interview a été un succès.

Le doyen et ses collègues n’ont pas paru avoir de problème avec mon travail pour des médias basés aux États-Unis, y inclus Free Speech Radio News et The Electronic Intifada. Ils étaient gentils avec moi et m’ont mis à l’aise. J’ai donc commencé à donner des cours à l’université.

Pendant mes premiers cours, j’ai été surpris par plusieurs des étudiants que j’ai rencontrés. J’en connaissais certains auparavant. À ma connaissance, ils n’étaient pas actifs dans le Hamas et ne se considéraient pas comme des islamistes.

J’ai eu de nombreuses discussions fructueuses avec mes nouveaux étudiants.

À certains moments, j’ai été ouvertement critique à la fois du Hamas à Gaza et de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée. J’ai parlé des « uniformes bleus » de Gaza et du « tapis rouge » déroulé pour les visiteurs en Cisjordanie.

J’ai décrit satiriquement la lourde insistance du Hamas sur le maintien de l’ordre et la manière dont se comporte l’Autorité palestinienne, comme si elle avait déjà réussi à instaurer un état indépendant.

Pas une seule fois, l’administration de l’IUG n’a essayé de me censurer. Pas une seule fois les autorités liées au Hamas à Gaza ne m’ont interrogé.

Détruire des vies

L’administration de l’université m’a aidé et encouragé. Ils ont facilité certaines de mes initiatives — comme celle d’inviter certains de mes contacts hors de Gaza à s’adresser aux étudiants via Skype.

L’IUG a été bombardée par Israël en décembre 2008 durant les premiers jours de l’Opération Plomb Fondu, une attaque intensive de trois semaines sur Gaza. Cette offensive était elle aussi une réponse au « terrorisme », selon le discours israélien.

La Société des études américaines (American Studies Association) a justement observé que le bombardement des universités palestiniennes est non seulement une atteinte à la liberté académique, mais aussi une tentative pour nous empêcher de jouir des nécessités de base dont nous avons besoin.

De moins en moins de gens avalent les mensonges d’Israël. Loin de détruire des « centres de développement d’armes », Israël essaie de détruire nos vies.

Son objectif est de nous refuser la possibilité d’étudier et de travailler en paix.

Israël ne réussira pas. Nous continuerons à éduquer notre peuple, quelque soit le nombre de bombardements que nous ayons à subir.

Rami Almeghari est un journaliste et enseignant à l’université basé dans la bande de Gaza.