Guerre contre Gaza : quelques-uns des universitaires et scientifiques palestiniens tués par Israël

La guerre d’Israël contre Gaza a complètement perturbé le système éducatif, 94 professeurs ont été tués jusqu’à présent

Après plus de 130 jours de guerre contre Gaza, beaucoup des universités et des établissements éducatifs de l’enclave côtière sont en ruines.

28 700 Palestiniens au moins ont été tués par les forces israéliennes depuis le début de la guerre le 7 octobre et environ 70% des bâtiments de la Bande de Gaza ont été endommagés ou détruits.

La Palestine a un des taux d’alphabétisation les plus élevés du monde, mais la guerre contre Gaza a dévasté le secteur de l’éducation, tuant des milliers d’étudiants et privant d’école des centaines de milliers d’élèves pendant près de cinq mois.

Selon Euro-Med Monitor, l’armée d’Israël a jusqu’à présent 94 professeurs d’université, ainsi que des centaines d’enseignants, au cours de ce que le groupe de défense des droits humains décrit comme « des raids aériens délibérés et spécifiques » contre les maisons de personnalités universitaires, scientifiques ou intellectuelles.

« Les universitaires visés ont étudié et enseigné une variété de disciplines et beaucoup de leurs idées étaient des pierres angulaires de la recherche universitaire des les universités de la Bande de Gaza », a dit le groupe de défense des droits.

 Middle East Eye présente ici quelques-uns des universitaires et scientifiques tués au cours de la guerre contre Gaza.

1. Amin al-Bahiti, Université al-Azhar

Amin al-Bahiti, un homme de 24 ans de Gaza, était dentiste et assistant à l’université al-Azhar. 

Al-Bahiti a été tué le 5 novembre, après avoir quitté sa maison afin de trouver de la nourriture pour sa mère et ses neuf frères et soeurs.

Israël a coupé tous les approvisionnements de l’enclave assiégée, y compris la nourriture, l’eau, l’électricité, les combustibles et l’aide le 9 octobre, forçant de nombreux Palestiniens à quitter leurs maisons au milieu de bombardements intenses pour trouver de la nourriture.

Le corps d’Al-Bahiti a été découvert deux jours après qu’il a quitté sa maison.

Il avait obtenu son diplôme en 2021 et une de ses plus grandes ambitions était d’ouvrir son propre cabinet de chirurgie dentaire.

Tweet Martyrs of Gaza
Dr. Amin Al-Bahtitit, 24 ans
dentiste et assistant à l’université Al-Azhar, aimé de tous ses étudiants pour sa haute moralité. Il avait un visage souriant, et riait du fond du coeur. Il rêvait d’ouvrir sa propre clinique dentaire.
Extrêmement humble, avec une bonne réputation, endossant les responsabilités, pilier de soutien pour sa famille après le décès de son père.
Le 5 novembre 2023, Ahmed a quitté sa maison afin de trouver de la nourriture pour sa mère et ses neuf frères et soeurs, mais il est parti et n’est jamais revenu. Il a disparu pendant deux jours après avoir quitté sa maison à la recherche de nourriture et de pain pour sa famille. Plus tard, son corps a été découvert, le résultat d’une frappe aérienne israélienne sur Gaza.

Les hommages en ligne l’ont décrit comme « talentueux, intelligent et travailleur ».

2. Adham Hassouna, professeur aux universités de Gaza et d’al-Aqsa

Adham Hassouna était professeur aux universités de Gaza et d’al-Aqsa, et journaliste freelance. 

Tweet Maha Hussaini
Le journaliste Adham Hassouna et toute sa famille viennent d’être tués dans une frappe israélienne.
C’est le troisième journaliste à être tué aujourd’hui après Abdallah Darwish et Montasser al-Sawwaf.

Hassouna a été tué avec plusieurs membres de sa famille dans une frappe aérienne israélienne, selon le Comité pour la protection des journalistes.

La frappe aérienne a ciblé sa maison le 1er décembre.

3. Jihad al-Masri, Université ouverte d’al-Quds

Jihad al-Masri était historien, professeur d’université et le directeur de la branche de Khan Younis de l’Open University [Université ouverte] d’al-Quds.

Il a été tué le 17 octobre, succombant à des blessures reçues lors du bombardement israélien contre Khan Younis.

Selon les rapports, il était en chemin pour rejoindre sa femme et sa fille quand l’attaque s’est produite.

Al-Masri était connu pour ses articles de recherche sur l’histoire de l’Islam et les traditions orales palestiniennes, publiés dans des journaux tant régionaux qu’internationaux.

4. Tariq Thabet, Collège universitaire des sciences appliquées

Tariq Thabet était associé à l’université d’État du Michigan aux États-Unis et professeur à Gaza.

Il a été chercheur Fullbright, étudiant le développement économique et l’entrepreneuriat dans les pays en voie de développement dans le cadre du programme de recherche Humphrey de l’université du Michigan.

Il a été tué en novembre à Gaza, ainsi que 15 membres de sa famille étendue.

Les recherches de Thabet portaient sur l’autonomisation des propriétaires de petites entreprises dans des endroits comme Gaza, où il était né.

Selon Kyle Hess, responsable de programme pour le programme Humphrey, Thabet espérait rapporter chez lui à Gaza ce qu’il apprenait aux États-Unis pour aider à améliorer l’économie locale.

Son programme de recherche a publié une déclaration disant : « Quand il est venu à l’université du Michigan, il s’est appuyé sur sa vaste expérience dans le secteur non lucratif et l’entrepreneuriat tout en suivant des cours de finance et de marketing, en établissant de nombreux réseaux avec ses homologues locaux et en s’adressant à des groupes communautaires locaux et à des jeunes. »

Tweet AsemAlnabeh
L’ingénieur Tariq Thabet, une des personnes les plus gentilles et les plus incroyables que j’ai jamais rencontrées de ma vie, créatif, persévérant, énergique, intelligent et dévoué.
Il y a quelques mois, il était aux États-Unis dans un programme soutenu par les États-Unis.
Il est retourné à Gaza et a été tué, ainsi que sa femme et ses enfants, par Israël utilisant des armes américaines.

La communauté de East Lansing, Michigan, où il a passé un an lorsqu’il étudiait aux États-Unis, pleure sa disparition, se souvenant de son impact positif.

« Pour une personne venant d’un territoire qui est de fait assiégé par Israël, il avait une attitude très positive et optimiste face à la vie », a déclaré Thasin Sardar, membre du conseil d’administration du Centre islamique de East Lansing. 

« Il est arrivé ici avec la mission d’apprendre et il essayait d’utiliser son temps très efficacement et de rendre à son pays ce qu’il en avait reçu », a-t-il ajouté.

Selon Sardar, plusieurs générations de sa famille ont été tuées dans le bombardement.

On se souvient de Thabet comme d’une personne « chaleureuse et brillante » qui assistait régulièrement aux prières du vendredi au Centre islamique de East Lansing. 

5. Sufyan Tayeh, scientifique 

Sufian Tayeh, président de l’Université islamique de Gaza, était un chercheur de premier plan en physique et en mathématiques appliquées.

Il a été tué lors d’une frappe aérienne israélienne sur le quartier d’al-Faluja au nord-est de la ville de Gaza le 2 décembre.

Sa mort a été annoncée par le ministre palestinien de l’Enseignement supérieur. La frappe aérienne a aussi tué plusieurs membres de sa famille.

Tayeh est né en 1971 dans le camp de réfugiés Jabalia de Gaza, et a obtenu une licence en physique à l’Université islamique de Gaza.

Il a reçu le Prix de la Banque islamique de Palestine pour la recherche scientifique en 2019 et 2020, ainsi que beaucoup d’autres prix.

Tweet Quds News Network
Inofrmation: Dr. Sufyan Tayeh, président de l’Université islamique de Gaza, a été tué aujourd’hui dans le massacre israélien à Jabalia, au nord de la Bande de Gaza, selon des sources médicales.

Selon des rapports, Tayeh était considéré comme faisant partie des 2% des meilleurs chercheurs scientifiques dans le monde entier en 2021.

Il avait aussi été nommé directeur de l’Unesco pour la physique et les sciences spatiales en Palestine.

6. Sirin Mohammed al-Attar, Université islamique de Gaza

Née en 1984, Sirin Mohammed al-Attar était une gynécologue travaillant pour l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et professeure à l’Université islamique de Gaza.

Ellea été tuée au cours d’une frappe aérienne israélienne sur le camp d’al-Bureij le 11 octobre.

Selon l’Unrwa, elle était une professionnelle de santé accomplie, titulaire de certifications arabes, jordaniennes et palestiniennes en obstétrique et gynécologie. 

Al-Attar était diplômée de la Faculté de médecine de l’Université al-Quds et mère de trois filles.

L’Unrwa se souvient de sa « générosité, de son amour profond pour son travail et pour l’attention et l’affection qu’elle portait à ses patients, leur apportant un soutien indéfectible ».

«  Elle était l’une des meilleurs médecins, l’une des plus merveilleux et des plus humains que j’ai rencontrés et avec lesquels j’ai eu affaire », a déclaré Ghada al-Jadba, chef du programme de santé sur le terrain de l’UNRWA à Gaza.

7. Raed Qaddoura, universitaire

Raed Qaddoura, qui avait obtenu un doctorat de l’Université nationale de Malaisie, a été tué le 19 novembre avec 29 autres membres de sa famille.

Selon des rapports, ses jumelles étaient nées deux semaines avant sa mort. Qaddoura était décrit comme « un écrivain et penseur intelligent et talentueux ».

En 2022, il a publié un article dans Mondoweiss à propos de l’expulsion de son grand-père de la cité de Jaffa en 1948.

Tweet Youssef Aljamal
Dr. Raed Qaddoura a été tué ainsi que sa famille à Gaza la nuit dernière, 29 membres de sa famille étendue y compris ses parents, sa femme et ses enfants. Ses jumelles étaient nées deux semaines plus tôt. Tous disparus. Raed avait un master de l’université Malaya et un doctorat de l’université Kebangsaan de Malaisie en sciences politiques.

« Jaffa était le premier amour de mon grand-père avant qu’Israël ne le prive de cette fiancée en le forçant à partir avec des centaines de milliers d’autres Palestiniens, à la recherche d’un endroit plus sûr et d’un échappatoire à la criminalité des gangs sionistes », écrivait-il.

« Ensuite, dès que mon grand-père est arrivé à Gaza, il s’est juré de revenir et de ne pas laisser sa bien-aimée à qui que ce soit d’autre. »

8. Saher Yaghi, psychologue 

Shaher Yaghi, professeur et psychologue renommé, travaillait pour le ministre de l’Éducation de Gaza et a été retrouvé mort après une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Jabalia en décembre.

Il a été tué avec sa femme et ses enfants, a annoncé sur les réseaux sociaux  un voisin et ami de la famille le 10 décembre.

Yaghi a travaillé avec plusieurs organisations à but non lucratif et a été coordinateur de l’assurance qualité des écoles pendant plus de neuf ans.

Il a aussi travaillé avec l’UNRWA comme responsable des besoins éducatifs spéciaux et conseiller de santé mentale.

 Il était diplômé de l’université de Calgary en 1994 avec une licence en réadaptation et a continué ensuite ses études à l’Université islamique de Gaza, où il a obtenu un master en psychologie en 2006.

9. Ibrahim al-Astal, Université islamique de Gaza

Ibrahim al-Astal était professeur et doyen de l’Université islamique de Gaza.

Né en1961, il était un théoricien et chercheur en éducation ayant passé de nombreuses années à écrire et éditer des publications sur l’éducation et la psychologie.

Al-Astal a été tué au cours d’une attaque israélienne le 23 octobre, avec sa femme, ses filles et plusieurs membres de sa famille. Selon certains rapports, 87 membres de sa famille au total ont été tués dans des frappes aériennes.

Il était connu pour son travail sur des programmes liés à l’amélioration de la qualité de l’enseignement technique dans les universités et les collèges de Gaza.

En 2005, il a écrit en collaboration un livre intitulé The Teaching Profession and the Roles of Teachers in the School of the Future [La profession d’enseignant et les rôles des enseignants dans l’école de l’avenir]

10. Saeed al-Dahshan, expert en droit international

Saeed Talal al-Dahshan était un expert en droit international ainsi qu’un auteur.

Il a été tué, avec sa famille, à Gaza, le 11 octobre.

Dans son livre, The International Prosecution of Israel and its Leaders for Their Crimes Against the Palestinians [Les poursuites internationales contre Israël et ses dirigeants pour leurs crimes contre les Palestiniens], il trace le chemin juridique afin de faire rendre des comptes à Israël pour ses violations des lois internationales.

Ismail Thawbta, chef du bureau des médias du gouvernement à Gaza, a dit qu’al-Dahsan, comme beaucoup d’autres universitaires de Gaza, était visé intentionnellement.

« Israël choisit systématiquement des universitaires palestiniens de haut niveau pour infliger un maximum de dommages à la communauté palestinienne et pour bloquer le développement scientifique et technologique à l’avenir », a-t-il dit.