Dr. Tarek Loubani pleure le docteur Hani Al-Haitham, chef du service des urgences de Shifa

Dr. Tarek Loubani est professeur à l’université de Western Ontario (London, Canada) ; c’est aussi un médecin urgentiste qui a donné des soins sur les lignes de front et dans les hôpitaux de Gaza, particulièrement à l’hôpital al-Shifa. Pendant la Grande Marche du retour en 2018, il avait été blessé à la jambe. Il a publié ce billet ce matin pour honorer la mémoire de son collègue, Dr. Hani Al-Haitham, chef du service des urgences de Shifa, tué avec sa famille par l’armée israélienne.

J’ai beaucoup pleuré Hani Al-Haitham depuis qu’il a été tué il y a quelques jours. Je veux vous parler d’Hani, une personne et un médecin incroyable. Il a été tué avec sa femme, Dr. Samira Al-Ghefari et leurs cinq enfants Sherin, Thea (Tota), Sara, Samir, et Wafaa.

Hani venait d’avoir 41 ans quand il a été tué et n’était médecin urgentiste que depuis quelques années. Il s’était embarqué dans cette voie en 2019 et était devenu chef du service d’urgence de Shifa quelques semaines avant que le Covid ne frappe. Il a relevé le défi, aidant à reconfigurer le département pour la pandémie.

Hani était un médecin urgentiste talentueux, mais les soins d’urgence étaient sa seconde carrière. Hani a d’abord été un neurochirurgien accompli. En 2009, il avait fait partie de la première équipe à enlever une tumeur au cerveau à Gaza. Cet exploit remarquable a permis à des patients d’être traités malgré le blocus de Gaza.

Il n’y avait pas seulement des opérations destinées à sauver des vies, mais aussi d’autres opérations améliorant la qualité de vie, comme l’élargissement du canal rachidien. Quand j’ai rencontré Hani en 2011, je venais d’avoir trente ans et il en était tout près. Je commençais ma carrière et il s’ennuyait déjà dans la sienne. Nous avons été aux urgences ensemble pendant la guerre de 2012.

Il pensait qu’il pouvait avoir un impact plus grand aux urgences, particulièrement pendant les guerres. Il a rejoint le programme du conseil d’administration et pendant quatre ans, il a été un de nos étudiants. Il était évident qu’il deviendrait le nouveau chef du département des urgences de Shifa, une position que nous l’avons convaincu d’accepter.

En 2021, il a dirigé le département à travers une guerre. Au cours des deux mois derniers, il a continué son travail sans peur, faisant partie des derniers médecins à quitter Shifa quand Israël l’a assiégé. Il a miraculeusement échappé à une arrestation lorsqu’il l’a quitté, ce qui est peut-être la raison pour laquelle il a été assassiné avec sa famille.

Sa femme, Dr. Samira Al-Ghefari, était elle aussi un médecin talentueux. Tout en élevant cinq enfants, elle a obtenu un Master en 2019. Elle était très impliquée dans les questions liées à la santé des femmes et aux premiers soins. Je ne la connaissais pas très bien, mais j’en savais assez pour être impressionné.

Ses enfants ont été tués avec lui, des belles et vibrantes boules d’énergie que j’ai rencontrées brièvement lors de visites à la maison de Hani pour parler travail. Samir avait célébré son septième anniversaire le 14 novembre, affamé et inquiet, alors que les bombes d’Israël tombaient, ne sachant pas s’il reverrait jamais son père.

Il y a quelques années, Hani écrivait : « Nous appartenons à notre nation. Nous y resterons. Nous sommes nés ici, nous avons été élevés ici, nous avons été étudiants et avons passé des nuits à étudier ici. Nous avons travaillé ici. Nous avions un devoir et nous l’avons honoré. Cette nation avance grâce à des sacrifices désintéressés, au labeur et à la persévérance. »

Repose en paix, Hani. Tu me manques tellement.

Tarek Loubani,

21 décembre 2023

Dr. Hani Al-Haitham
En 2009, il faisait partie de la première équipe à retirer une tumeur au cerveau à Gaza.