Les Palestiniens poussés dans une nouvelle misère alors que les réserves d’alimentation, de carburant et de médicaments s’épuisent dans ce siège de sept semaines.
Gaza a été poussée dans de nouveaux abîmes de désespoir, disent les civils, les soignants et les travailleurs humanitaires, par le blocus israélien de sept semaines sans précédent qui a supprimé toute aide à la Bande.
Le siège a laissé le territoire palestinien faire face à des conditions d’une gravité inégalée depuis le début de la guerre alors que les habitants sont confrontés à de nouveaux ordres d’évacuation radicaux, la reprise du bombardement des infrastructures civiles telles que les hôpitaux et l’épuisement de la nourriture, du carburant pour les groupes électrogènes et des fournitures médicales.
Israël a abandonné unilatéralement le 2 mars un cessez-le-feu de deux mois avec le groupe militant du Hamas, supprimant toutes les fournitures vitales. A peine plus de deux semaines plus tard, il a repris ses bombardements à grande échelle et a redéployé ses troupes au sol retirées durant la trêve.
Depuis lors, les personnalités politiques et les responsables de la sécurité ont maintes fois promis que les livraisons d’aide ne reprendraient pas tant que le Hamas n’aurait pas libéré les otages restants, enlevés dans les attaques du 7 octobre 2023 qui ont allumé le conflit. Le gouvernement d’Israël a conçu ce nouveau siège comme une mesure de sécurité et a maintes fois nié utiliser la famine comme une arme, ce qui constituerait un crime de guerre.
Le blocus entre maintenant dans sa huitième semaine, en faisant le siège total continu le plus long auquel la Bande a fait face à ce jour dans les dix-huit mois de guerre.
Fermement soutenu par les États-Unis, son allié le plus important sous Donald Trump, Israël semble convaincu de pouvoir maintenir le siège avec peu de réactions internationales.
Il progresse aussi dans la saisie à grande échelle de la terre palestinienne pour des zones tampon de sécurité et projette de passer le contrôle de l’acheminement de l’aide à l’armée et à des contractants privés, exacerbant à Gaza les peurs qu’Israël veuille maintenir durablement les troupes sur le territoire et déplacer définitivement ses habitants.
Beaucoup de gens auxquels l’Observer a parlé ont dit qu’ils avaient maintenant plus peur de la famine que des frappes aériennes. « J’ai souvent dû laisser ma part de nourriture à mon fils à cause des graves pénuries. C’est la faim qui me tuera – une mort lente », a dit Hikmat al-Masri, professeur d’université de 44 ans, de Beit Lahia au nord de Gaza.
La nourriture mise en réserve pendant les deux mois de cessez-le-feu s’est épuisée et la population désespérée sur tout le territoire se bouscule devant les cuisines d’associations caritatives avec des pots et des bols vides. Sur les marchés, les produits se vendent maintenant à 1.400 % au-dessus du prix du cessez-le-feu, d’après les dernières estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé.
On estime à 420.000 les personnes qui vont repartir à cause des nouveaux ordres d’évacuation israéliens, rendant difficile la compilation de données fiables sur la faim et la malnutrition, mais Oxfam estime que la plupart des enfants survivent maintenant avec moins d’un repas par jour.
Environ 95 % des organisations humanitaires ont suspendu ou réduit leurs services à cause des bombardements et du blocus et, depuis février, Israël a renforcé les restrictions à l’entrée du personnel international à Gaza. Les fournitures médicales élémentaires – même les antalgiques – s’épuisent.
Les personnes déplacées, qui ont fui les troupes israéliennes avançant vers le nord, s’empilent dans la ville de Gaza et elles vivent dans la rue ou installent leurs tentes dans les bâtiments endommagés sur le point de s’effondrer », a dit Amande Bazerolle, coordinatrice des urgences à Gaza pour Médecins Sans Frontières, parlant depuis Deir al-Balah.
Bazerolle a ajouté : « Il n’y a pas assez de points d’intervention pour autant de gens. Dans notre clinique pour brûlés de la ville de Gaza, nous refusons des patients dès 10 H. du matin et nous sommes obligés de leur dire de revenir le lendemain, tout en faisant du tri pour faire durer nos réserves de médicaments le plus longtemps possible. »
Le siège a été assorti d’une féroce poussée des forces israéliennes sur le nord de Gaza ainsi que sur la totalité de Rafah, ville la plus méridionale de la Bande, coupant le territoire de l’Égypte.
D’après l’ONU, environ 70 % de Gaza sont maintenant soumis à des ordres d’évacuation israéliens ou ont été englobés dans les zones tampon de l’armée en expansion ; la nouvelle zone sécuritaire de Rafah représente un total d’un cinquième de tout le territoire.
Les saisies de terre poussent les 2.3 millions de population – et les efforts d’aide et de soins médicaux – dans des lieux appelés par les Israéliens « zones humanitaires » toujours plus petits, quoique la semaine dernière une frappe aérienne israélienne sur al-Mawasi, la plus grande de ces zones sur la côte sud de Gaza, ait tué 16 personnes.
Étant donné que l’espace dans lequel ils peuvent travailler se réduit, les travailleurs humanitaires disent qu’ils craignent que les règles d’engagement suivies par l’armée israélienne aient changé depuis la faillite du cessez-le-feu, soulignant les récents bombardements de l’hôpital Nasser à Khan Younis et de l’hôpital al-Ahli dans la ville de Gaza.
Deux personnes ont été tuées dans l’attaque sur le Nasser qui a frappé un bâtiment où se trouvaient des membres d’une équipe médicale internationale. On n’a pas fait état de victimes dans la frappe sur l’al-Ahli, mais les départements de soins intensifs et de chirurgie de l’hôpital ont été détruits, ont dit les soignants. Dans les deux cas, les Forces de Défense Israéliennes (FDI) ont dit qu’elles avaient ciblé des combattants du Hamas.
« Les gens de Gaza aiment avoir du personnel international autour d’eux parce qu’ils supposent que cela leur procure une plus grande protection et que les FDI seront moins susceptibles d’attaquer le bâtiment ou la zone », a dit un haut fonctionnaire de l’aide, qui a demandé à ne pas être nommé pour pouvoir parler librement.
« Au commencement de la guerre, s’il y avait une frappe aérienne à deux kilomètres de là où nous nous trouvions, nous évacuions… finalement, c’est passé à 300 mètres, et maintenant, c’est 30 mètres, si [les FDI] frappent le bâtiment voisin.
« Soit il n’y a pas d’avertissement, soit quelquefois 20 minutes, ce qui ne suffit pas pour évacuer des malades. Notre exposition au risque est de plus en plus grande… Nous savons que les Israéliens essaient de nous obliger à travailler selon leurs conditions. »
Dans une déclaration en réponse aux allégations de travailleurs humanitaires, les FDI ont dit : « Le Hamas a une habitude connue d’action dans des zones densément peuplées. Les frappes sur des cibles militaires sont soumises aux décisions pertinentes du droit international, y compris prendre les précautions réalisables. »
Israël a longtemps prétendu que le Hamas siphonne de grandes quantités de l’aide qui parvient à Gaza, permettant au groupe de maintenir son contrôle, soit en gardant l’aide pour lui, soit en la vendant à des prix majorés aux civils désespérés.
La semaine dernière, des médias israéliens ont rapporté que les efforts pour contourner les agences internationales et créer un mécanisme contrôlé par Israël pour distribuer l’aide en utilisant des contractants privés étaient en cours mais encore « à leur début », sans calendrier de mise en œuvre. Pendant ce temps, la crise humanitaire ne fera qu’empirer, disent les agences humanitaires.
Les médiateurs internationaux tâchent de ranimer les pourparlers de cessez-le-feu, mais il n’y a guère de signes que l’une ou l’autre des parties se soit rapprochée des questions fondamentales, telles que le désarmement du Hamas et le retrait des troupes israéliennes.
Masri, le professeur de Beit Lahia, a dit : « Quand le blocus a de nouveau été imposé et que la guerre a repris, j’ai été terrifié. Je pense constamment à mon petit garçon et à la façon dont je peux lui procurer les nécessités élémentaires.
« Personne ne peut imaginer le degré de souffrance… La mort nous cerne de toutes parts. »