« Des règles différentes » : des politiques spécifiques permettent aux États-Unis de fournir des armes à Israël malgré les allégations d’abus

Révélation : un examen de documents internes du Département d’État [des États-Unis] montre que des mécanismes spéciaux ont été utilisés pour protéger Israël des lois des États-Unis sur les droits humains.

De hauts responsables des États-Unis ont tranquillement examiné plus d’une douzaine d’incidents liés à des soupçons de graves violations des droits humains par les forces de sécurité israéliennes depuis 2020, et se sont donné beaucoup de mal pour protéger l’accès continu aux armes états-uniennes des unités responsables de ses violations présumées, contribuant — disent d’anciens responsables américains — au sentiment d’impunité avec lequel Israël a abordé sa guerre contre Gaza.

On estime à 24000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, le nombre de personnes tuées par les forces israéliennes depuis l’attaque du 7 octobre contre Israël, un nombre de morts qui a suscité des condamnations du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et du Président des États-Unis, Joe Biden, critiqué pour son échec à freiner le bombardement « indiscriminé » d’Israël contre Gaza.

Une enquête du Guardian, basée sur un examen de documents internes du Département d’État et sur des interviews avec des personnes connaissant bien ses délibérations internes délicates, révèle comment des mécanismes spéciaux ont été utilisés dans les dernières années pour protéger Israël des lois américaines sur les droits humains, alors même que des unités militaires d’autres alliés qui reçoivent le soutien des États-Unis — y compris, disent des sources, l’Ukraine — ont été sanctionnées en privé et ont subi les conséquences de leurs violations des droits humains.

Les responsables du Département d’État ont été en effet capables de contourner la loi américaine censée empêcher que les États-Unis soient complices des violations des droits humains par des unités militaires étrangères — la loi Leahy des années 1990, nommée d’après le sénateur du Vermont maintenant retraité Patrick Leahy – parce que, disent d’anciens responsables, des politiques internes extraordinaires du Département d’État ont été mises en place pour montrer son extrême déférence au gouvernement israélien. Aucun arrangement spécial de cette sorte n’existe pour aucun autre allié des États-Unis.

Que la loi Leahy ne soit pas appliquée à Israël inquiète particulièrement son éponyme. Dans une déclaration au Guardian, l’ancien sénateur du Vermont a dit que les objectifs de la loi Leahy étaient de protéger les États-Unis de la culpabilité de graves violations des droits humains par des forces de sécurité étrangères qui reçoivent l’aide américaine et de décourager les violations à l’avenir.

« Mais la loi n’a pas été appliquée de façon cohérente et ce que nous avons vu en Cisjordanie et à Gaza en est un exemple flagrant. Pendant de nombreuses années, j’ai exhorté les gouvernements américains successifs à appliquer la loi dans ce cas, mais cela ne s’est jamais produit », a dit Leahy.

Parmi les incidents examinés depuis 2020 figurent l’assassinat de Shireen Abu Akleh, la journaliste palestino-américaine abattue par les forces israéliennes en mai 2022 ; la mort d’Omar Assad, un Palestino-américain de 78 ans, qui est mort en janvier 2022 après son incarcération dans une prison israélienne ; et l’assassinat extrajudiciaire présumé d’Ahmad Abdu, un homme de 25 ans abattu à l’aube par les forces israéliennes en mai 2021, alors qu’il était assis dans sa voiture.

Un rapport de Haaretz décrit comment, après avoir ouvert le feu sur la voiture, les troupes israéliennes ont tiré Abdu hors du véhicule, l’ont trainé à quelques mètres sur la route, ont ensuite abandonné son corps sanglant sur la route et sont partis.

Dans l’examen de la mort d’Abdu, pour laquelle les rapports suggèrent qu’il s’agit d’un cas d’erreur d’identité, des documents internes du Département d’État notent qu’Israël a refusé de répondre aux questions des responsables du Département d’État sur la fusillade.

Dans le cas d’Omar Assad, l’armée israélienne a dit en juin dernier qu’elle n’engageait pas de poursuites pénales contre les soldats impliqués dans sa mort, alors même qu’ils sont soupçonnés de l’avoir tiré d’une voiture, ligoté, les yeux bandés, après l’avoir arrêté à un checkpoint. L’armée a dit que les soldats ne seraient pas poursuivis parce que leurs actions ne pouvaient pas être directement reliées à la mort d’Assad, par arrêt cardiaque, a rapporté The Associated Press. Assad, un citoyen des États-Unis, avait passé environ 40 ans dans le Midwest avant de retourner chez lui en Cisjordanie en 2009.

Des documents internes du Département d’État montrent que les incidents ont été examinés selon une procédure peu connue établie par le Département d’État en 2020 et connue sous le nom de Israel Leahy Vetting Forum (ILVF) [Forum de contrôle Leahy-Israël], dans laquelle des représentants des Bureaux pertinents du Département d’État examinent les rapports sur les allégations de violations des droits humains par les forces israéliennes.

Selon la loi Leahy, pour la plupart des pays et dans la plupart des cas, une unité militaire étrangère se voit accorder une aide ou un entrainement par l’armée américaine après un contrôle par le Département d’État pour toute violation des droits humains signalée. La loi interdit au Département d’État et au Département de la Défense de fournir des financements, de l’aide ou un entraînement aux unités des forces de sécurité étrangères lorsqu’il y a une « information crédible » que ces forces ont commis une grave violation des droits humains.

Dans le cas d’au moins trois pays —Israël, l’Ukraine et l’Égypte— l’échelle de l’aide étrangère est si élevée que l’aide militaire américaine peut être difficile à pister, et que les États-Unis ne savent souvent pas où des armes spécifiques sont arrivées ou comment elles sont utilisées.

Pour combler ce qui était vu comme une faille dans la loi, le Congrès a mis à jour la procédure en 2019, en mettant en place un système qui interdit au gouvernement étranger d’offrir l’aide américaine à toute unité de ses forces de sécurité que les États-Unis identifie comme étant inéligible selon la loi Leahy à cause de graves violations des droits humains. Le Département d’État a mis en place des groupes de travail pour examiner ces pays où l’aide militaire est considérée « intraçable ».

Mais des personnes informées de la procédure, et qui ont parlé sous couvert d’anonymat, ont dit qu’Israël avait bénéficié à l’intérieur de l’ILVF de politiques extraordinaires dont les détails n’avaient pas été divulgués auparavant.

« Personne ne l’a dit, mais tout le monde savait que les règles étaient différentes pour Israël. Personne ne voudra jamais l’admettre, mais c’est la vérité », a dit un ancien responsable du Département d’État.

Premièrement, dans la procédure pour Israël, toutes les parties impliquées dans l’examen ILVF doivent atteindre un consensus pour déterminer si une violation potentielle a eu lieu, et cela doit ensuite être approuvé par le Secrétaire d’État adjoint, disent trois personnes connaissant bien les délibérations internes. En théorie, un Bureau unique pourrait signaler une violation potentielle au niveau du Secrétaire d’État adjoint dans le cadre d’une « note fractionnée », dans laquelle d’autres Bureaux exprimeraient leur désaccord, mais cela ne s’est jamais produit. Parmi les groupes impliqués dans la procédure figurent le Bureau des affaires du Moyen-Orient, le Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, le Bureau des affaires politico-militaires et l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.

Pour d’autres pays, ont dit les anciens responsables, la détermination de l’application de la loi Leahy est faite par le personnel du Département d’État, elle n’exige pas le consensus de toutes les parties, ni de notification au Secrétaire d’État ou à son adjoint ou de leur approbation.

Deuxièmement, Israël doit être consulté en cas de violations présumées des droits humains sous examen et il a 90 jours pour répondre à ces affirmations, provoquant ce que certains anciens responsables ont dit être des délais importants. Pour aucun autre pays le gouvernement n’a à être consulté selon les procédures du Département d’État, ont dit d’anciens responsables.

« Une partie de la raison pour laquelle l’ILVF n’a jamais marché, c’est que la procédure est tellement encrassée par des mécanismes de retardement qui n’existent pour aucun autre pays », a dit un ancien responsable du Département d’État.

Un porte-parole du Département d’État a déclaré que les détails des délibérations internes du département ne pouvaient être discutés, mais qu’il n’y avait « aucune exigence qu’un consensus soit atteint parmi les participants d’ILVF pour avancer dans l’évaluation selon la loi Leahy. »

« Le Département mène un contrôle Leahy en conformité avec la loi dans le cas de tous les pays bénéficiant d’une aide applicable, y compris Israël », a ajouté le porte-parole.

 En réponse à des questions sur la raison pour laquelle une consultation avec Israël était considérée comme faisant partie de la pratique standard du Département d’État dans les cas de contrôle Leahy-Israël, le porte-parole a dit que le Département « consulte régulièrement les gouvernements étrangers sur les affaires de contrôle Leahy, pas seulement Israël. »

« Une large impunité »

Certains experts voient une connexion entre l’approche non-interventionniste des États-Unis envers Israël sur les violations des droits humains et la conduite d’Israël dans la guerre à Gaza. Israël reçoit 3, 8 milliards de dollars d’aide militaire chaque année et le gouvernement Biden a contourné le Congrès deux fois le mois dernier pour fournir 250 millions de dollars supplémentaires en armes. Les Démocrates progressistes conduits par Bernie Sanders, le sénateur indépendant du Vermont, ont demandé que l’aide à Israël soit conditionné à ce que les États-Unis enquêtent sur les violations potentielles des droits humains par Israël au cours de la guerre à Gaza.

« Je pense qu’Israël a le sentiment d’une large impunité quand il s’agit des conséquences de ses actions à l’intérieur des États-Unis», a dit Josh Paul, un ancien responsable du Département d’État qui s’est imposé comme critique virulent des politiques du gouvernement Biden à propos d’Israël. « Nous pouvons dire qu’Israël devrait respecter le droit humanitaire international. Nous pouvons dire qu’il ne devrait pas étendre les colonies. Mais quand il s’agit des conséquences effectives, il n’y en a aucune et je pense que cela a donné à Israël, aux niveaux élevés du gouvernement, un sentiment d’immunité. »

Paul pense aussi que l’absence d’application de la loi Leahy a un effet sur la manière dont les unités israéliennes se conduisent. En ne faisant pas pression sur Israël à propos des violations Leahy et en ne désignant pas des unités israéliennes individuelles comme violant gravement les droits humains, les États-Uni, dit Paul, ont favorisé une culture d’impunité au niveau des unités que, a-t-il déclaré, « nous voyons aujourd’hui sur le terrain à Gaza » dans les actions de certains soldats israéliens, comme dans les vidéos qui ont circulé montrant des soldats israéliens saccageant des maisons privées à Gaza, détruisant des biens civils et utilisant un langage raciste.

Le double standard des États-Unis sur Israël n’est nulle part plus apparent que dans un accord de 2021 qui a été signé par une haute responsable du Département d’État, Jessica Lewis, qui sert de Secrétaire adjointe aux affaires politiques, et par l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Michael Herzog.

L’ accord de deux pages de 2021, qui a reçu peu d’attention des médias, a formalisé des changements dans la loi Leahy et inclus une déclaration sur le fait qu’Israël aurait « un système juridique robuste, indépendant et effectif, incluant son système de justice militaire ». Les États-Unis ont signé plus de deux douzaines d’accords similaires avec d’autres pays à cette époque — dont la Grèce, la Jordanie, la Géorgie, l’Ukraine et la Lettonie – mais aucun ne contient des termes cautionnant les systèmes de justice militaire d’autres pays.

Les anciens responsables qui ont parlé au Guardian ont dit qu’ils ne savaient pas comment ces phrases ont été finalement incluses dans l’accord États-Unis – Israël, mais ils ont spéculé que cela avait probablement été ajouté par Israël.

The Guardian a demandé un commentaire sur la question à l’ambassade israélienne à Washington, y compris sur l’origine de la déclaration contenue dans l’accord, mais n’a reçu aucune réponse.

Tim Rieser, un conseiller chevronné de longue date de Leahy, et qui a contribué à écrire la loi Leahy dans les années 1990, a dit que l’inclusion de ces phrases était probablement destinée à aider Israël à éviter un examen selon la loi Leahy, parce qu’elles suggèrent, comme une évidence, que le système de justice militaire est assez indépendant pour traiter n’importe quel cas de violation supposée des droits humains.

« Les phrases ajoutées à l’accord États-Unis-Israël, sans aucune consultation du Congrès, sont factuellement inexactes et suggèrent à tort que la loi [Leahy] n’a pas besoin d’être appliquée », a dit Rieser.

Peu d’organisations ont été aussi critiques du système de justice militaire d’Israël que B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits humains.

« Le système d’application de la loi militaire est utilisé par Israël comme un mécanisme de blanchiment dont l’objectif est de bloquer toute critique des politiques d’Israël et de l’armée dans les territoires. Le pourcentage des condamnations des soldats est proche de zéro, même pour les violations les plus sérieuses », a dit Dror Sadot, le porte-parole de B’Tselem.

Paul, ancien responsable du Département d’État qui a démissionné de son poste en protestation contre le « soutien aveugle d’un seul côté » par le gouvernement Biden, a dit qu’il avait longuement argué, de manière interne, que les États-Unis ne devraient pas considérer le système de justice militaire d’Israël comme « un système de justice fonctionnel responsable » quand il s’agit des violations [des droits humains].

 « Je pense que son bilan effectif est fait de tapes sur la main, de rétrogradations temporaires et des suspensions à court terme, même pour des violations vraiment sérieuses », a dit Paul.

Paul a dit au Guardian que « de nombreuses personnes », y compris lui-même, ont fait part de leurs inquiétudes à l’intérieur du Département d’État sur le fait que la procédure Leahy « ne marchait pas » et que de graves violations des droits humains se produisaient « sans reddition de comptes ». De fait, aucune unité israélienne n’en est jamais arrivée au point d’être sanctionnée selon la loi Leahy, même quand des allégations crédibles de graves violations des droits humains existaient.

Paul n’a pas voulu nommer ses anciens collègues ni discuter de cas spécifiques qui ont été examinés par le forum, mais il a dit que, typiquement, les inquiétudes du personnel sur les violations israéliennes des droits humains ont été finalement « tuées » à ce qu’il a décrit comme le niveau du front-office ou de la direction d’un Bureau, dans plusieurs des Bureaux impliqués dans le forum, y compris celui des droits humains (DRL).

D’autres cas qui ont été examinés par l’ILVF, mais pour lesquels les responsables américains n’ont finalement pas réussi à parvenir à un consensus et à prendre des mesures, incluent : l’assassinat de Sanad Salem al-Harbad, un Bédouin qui aurait été abattu de deux balles dans le dos par la police israélienne en mars 2022 ; l’assassinat de Ahmad Jamil Fahd, qui aurait été abattu par la police et abandonné, saignant à mort, par une unité d’agents israéliens sous couverture ; l’attaque présumée en détention par la police israélienne de la journaliste Givara Budeiri ; l’assassinat en 2020 d’un homme autiste de 32 ans, non armé, Eyad al-Hallaq, par la police israélienne à Jérusalem-Est ; l’assassinat d’un garçon de 15 ans, Mohammed Hamayel ; et le tir contre une Palestinienne de 16 ans, Jana Kiswani.

Pour les défenseurs de la loi Leahy, comme Rieser, l’absence de reddition de comptes pour l’assassinat d’ Abu Akleh, la célèbre journaliste d’Al Jazeera, est particulièrement exaspérante, et a été l’objet de critiques de Démocrates de haut rang au Capitole.

« Si les États-Unis avaient accepté d’appliquer la loi Leahy en Israël, les forces de défense israéliennes auraient probablement été plus enclines à faire rendre des comptes à leurs soldats, ce qui aurait aidé à éviter les assassinats de civils comme celui de Shireen Abu Akleh et de beaucoup d’autres, et ce que nous voyons aujourd’hui », a dit Rieser. « Ou sinon ils auraient été confrontés à une interruption de l’aide américaine, ce qui aurait été une vraie tache, et une épine dans les relations USA-Israël. »

Abu Akleh a été tuée d’une balle qui a frappé l’arrière de sa tête alors qu’elle couvrait une opération israélienne dans le ville cisjordanienne de Jénine. Une enquête de CNN a montré qu’il n’y avait ni combat actif ni militants palestiniens à proximité d’Abu Akleh dans les instants précédant sa mort et les images obtenues par la chaîne ont corroboré les témoignages suggérant que les forces israéliennes avaient visé la journaliste.

Les Forces de défense d’Israël (IDF) se sont excusées pour l’assassinat l’année dernière, mais le Bureau de l’avocat général militaire en Israël a dit dans une déclaration qu’ils n’avaient pas l’intention d’engager des poursuites ni de lancer une procédure criminelle contre aucun des soldats impliqués.

En une lettre de juillet 2023 au Secrétaire d’État, Antony Blinken, quatre sénateurs démocrates – Chris Van Hollen, Leahy (maintenant retraité), Chris Murphy et Dick Durbin – ont critiqué le gouvernement Biden pour n’avoir pas donné suite aux appels antérieurs en vue d’une « enquête indépendante crédible ». Dans des questions au gouvernement, les sénateurs ont demandé quelles mesures prenait le Coordinateur de la sécurité des États-Unis (USSC), qui conduisait une analyse médico-légale indépendante de la balle qui avait tué Abu Akleh, pour essayer d’établir qui spécifiquement l’avait tué et pourquoi.

Faisant écho aux déclarations de l’IDF, l’USCC a rendu publique une courte déclaration disant qu’il « n’y avait pas de raison de croire que cela avait été intentionnel et que c’était plutôt le résultat de circonstances tragiques ». Le Département d’État a refusé de rendre public un rapport du Coordinateur de l’USSC, le lieutenant-général Michael Fenzel, sur la mort d’Abu Akleh. Citant un haut responsable américain, Axios a rapporté l’an dernier que le rapport de Fenzel ne contenait aucune découverte ni conclusion nouvelles.

Quand la loi Leahy a été promulguée, en 1997, elle avait été conçue avec à l’esprit l’Amérique centrale et la Colombie. Les États-Unis fournissaient des centaines de millions de dollars d’aide militaire pour combattre les narco-trafiquants et les insurgés, mais les groupes de défense des droits humains documentaient de graves violations des droits humains de la part des unités de l’armée et de la police colombiennes. Si le Département d’État ne fait pas d’annonces publiques quand il cible des unités étrangères spécifiques, les experts disent qu’ils pensent que cela a été efficace en Amérique centrale, en Colombie, au Népal et dans d’autres pays.

Israël, disent-ils, est l’anomalie.

« Un nombre inquiétant de rapports »

Rieser a dit qu’il y avait une longue histoire de correspondances – du gouvernement de W. Bush à celui de Biden – entre Leahy et les Secrétaires d’État successifs, à la recherche de réponses sur les raisons pour lesquelles la loi Leahy n’était pas appliquée dans des cas impliquant des assassinats de Palestiniens.

Dans une lettre de mai 2002 au Secrétaire d’État de l’époque, Colin Powell, qui était en fonction dans le gouvernement de Bush, Leahy faisait part de ses inquiétudes sur le fait que la loi Leahy n’était pas appliquée au Moyen-Orient.

Dans une lettre de janvier 2009 à la Secrétaire d’État d’alors, Condoleezza Rice, Leahy exprimait son incrédulité devant le fait que le Département d’État n’« était informé » d’aucun incident impliquant l’IDF qui déclencherait la loi Leahy.

Un mois plus tard, Leahy adressait une autre lettre à la nouvelle Secrétaire d’État, Hillary Clinton, qui faisait partie du gouvernement Obama. Il y joignait des copies de sa correspondance avec la précédente Secrétaire d’État.

Une lettre de février 2016 de Leahy au Secrétaire d’État d’alors, John Kerry, mentionnait « un nombre inquiétant de rapports sur de graves violations possibles des droits humains par les forces de sécurité en Israël et en Égypte », y compris des « assassinats extra-judiciaires par l’armée et la police israéliennes ».

Une lettre d’octobre 2017 à Rex Tillerson, qui occupait la fonction de Secrétaire d’État sous Donald Trump, demandait quelles mesures l’ambassade des États-Unis en Israël prenait pour garantir l’application de la loi Leahy à l’IDF.

Plus tard, en mai 2018, dans une lettre de Leahy au Secrétaire d’État à cette date, Mike Pompeo, dans le gouvernement Trump, Leahy demandait un examen selon la loi Leahy des morts par balles d’environ 100 manifestants palestiniens de Gaza, qui avaient été tués depuis mars de la même année. « Si des informations crédibles existent pour déclencher la loi Leahy à propos d’une unité israélienne et si le gouvernement d’Israël ne prend aucune mesure effective pour traduire en justice les individus responsables, une telle unité n’est plus éligible à l’aide américaine », écrivait Leahy.

Dans une lettre de suivi en septembre, Leahy réclamait une « réponse claire », en particulier pour savoir si le gouvernement avait jamais cherché à déterminer quelles unités de l’IDF avaient tiré sur les Palestiniens. Dans une autre lettre, envoyée par Leahy en décembre, il demandait combien de fois l’ambassade américaine avait présenté à Israël des preuves de graves violations des droits humains et combien de fois ces individus avaient été exclus du bénéfice de l’aide américaine.

Plusieurs autres lettres de Leahy font référence à de graves violations des droits humains par l’IDF. Aucun des cas en question n’a mené à la punition d’une unité.