Des militants en colère face à la création conjointe de l’Université Columbia et de l’Université de Tel Aviv d’un double diplôme – le premier partenariat de la sorte entre Israël et les États Unis
Apprenant que l’Université Columbia va lancer un programme sanctionné par un double diplôme avec l’Université de Tel Aviv en 2020, des militants étudiants ont dénoncé le choix de cette université d’élite américaine de lier son avenir à une institution complice de l’oppression des Palestiniens en Israël.
Dans une pétition d’étudiants affiliés au groupe Étudiants pour la Justice en Palestine (SJP) et de Voix Juives pour la Paix (JVP), les militants ont exhorté l’université à reconsidérer ce diplôme, sous peine de se trouver partie prenante de l’architecture oppressive de l’État d’Israël.
« Columbia risque de violer le Titre VI de la loi sur l’enseignement supérieur, en mettant en œuvre un programme qui, en se conformant à la politique officielle du gouvernement israélien, exigerait de l’université d’établir une discrimination entre les étudiants sur la base de leur race et /ou de leur origine nationale, au regard de leur accès à l’enseignement » dit la pétition.
« Israël a ciblé des étudiants palestiniens, des doctorants et des membres du corps enseignant basés dans des universités américaines en leur infligeant des interdictions de plusieurs années d’entrée dans leur patrie et sur leurs terrains de recherche, avec une justification souvent faible ou peu claire. Faute d’offrir un recours adéquat face à de tels problèmes et de soutenir les personnels affiliés à l’université, Columbia risque d’encourager le racisme systémique envers les Palestiniens et de reproduire les inégalités de la politique israélienne sur notre propre campus ».
Le 5 décembre, le département d’études générales de l’Université Columbia de la ville de New York a annoncé qu’il allait créer un programme sanctionné par un double diplôme avec l’université de Tel Aviv en Israël.
Nasrine Abdelal, une responsable de SJP à Columbia, a dit à Middle East Eye que le cursus ne devant débuter que fin 2020, l’université avait encore le temps d’amender le projet.
« On n’a pas connaissance de la dimension géopolitique de la création d’un tel programme. Ni de comment il pourrait fonctionner, étant donnée la loi israélienne de l’État-Nation, ses lois anti-boycott et l’expansion des colonies » a dit Abdelal.
Abdelal a dit que des étudiants pouvaient être sujets à un profilage racial, national et religieux. Elle a ajouté que le manque de transparence sur la mise en place du programme a semé le doute auprès des étudiants et des enseignants quant au fait même qu’il ait été approuvé.
Ces préoccupations ont reçu un écho supplémentaire de la part de Katherine Franke, la directrice du Centre sur le Droit en matière de Genre et de Sexualité de Columbia.
Franke a dit à MEE qu’elle était surprise d’entendre parler du programme, « créé sans apport significatif de la part d’enseignants ou d’étudiants ».
« Si nous avions été consultés, nous aurions soulevé des problèmes sur le fait que Columbia crée un nouveau programme clairement non accessible à nombre de nos étudiants à cause de leur nationalité, de leur ethnicité et /ou de leur position politique.
« C’est comme si Columbia avait créé un programme avec l’Université de Witwatersrand à Johannesburg, en Afrique du Sud dans les années 1980 ».
‘Complètement contradictoire’
La semaine dernière, Columbia University a annoncé qu’elle allait créer une bourse pour les étudiants déplacés.
Dans son communiqué de presse, Columbia a dit que « une bourse à l’échelle de toute l’université est sans précédent dans l’histoire de Columbia et c’est la première initiative de ce genre dans le monde ».
« Ce programme représente une prise en charge considérable pour Columbia, qui a un potentiel de transformation de l’éducation dans le monde pour des étudiants déplacés », a dit l’université.
Mais Abdelal a décrit la décision de Columbia d’annoncer simultanément un partenariat avec une université israélienne et un plan d’assistance à des étudiants déplacés comme « tout simplement dissonante » et « complètement contradictoire ».
« L’Université de Tel Aviv est bien connue pour sa complicité avec le complexe militaro-industriel israélien et pour sa complicité dans le déplacement des Palestiniens et l’occupation. Les Palestiniens seraient-ils en mesure de participer à ce programme quand ils ne vont pas être à même de se rendre [à Tel Aviv]? » a demandé Abdelal.
Le département d’Études Générales de l’Université Columbia n’a pas répondu à la demande de MEE qui sollicitait une réponse aux préoccupations de SPJ, pas plus que l’université n’a publié de réponse officielle à la pétition de SPJ.
Mais, dans une déclaration précédente, la doyenne du département d’Études Générale, Lisa Rosen-Metsch a dit qu’elle était « particulièrement enthousiasmée par notre partenariat avec l’Université de Tel Aviv, qui est régulièrement classée parmi les meilleures institutions académiques du monde ».
« En donnant à des étudiants l’opportunité d’étudier à plein temps dans une université de premier plan au Moyen Orient avant de les faire venir étudier dans l’Ivy League, ils ne bénéficieront pas seulement d’être immergés dans un large éventail de cultures et d’expériences, mais ils apporteront une immense contribution au premier cycle des études à Columbia » a dit Rosen-Metsch.
De même, le vice-président de l’Université de Tel Aviv, Raanan Rein, a décrit le programme comme « une étape dans la stratégie mondiale de l’Université de Tel Aviv ».
Selon Abdelal de SPJ, le département d’Études Générales a conçu ce partenariat comme la consolidation de sa relation avec Israël.
« Nous vouons connaître l’ampleur de la relation entre le département et Israël. Il y a beaucoup d’anciens soldats israéliens au département d’Études Générales » a-t-elle dit.
Le partenariat entre l’Université Columbia et l’Université de Tel Aviv apparaît au moment où des appels sans précédent sont faits aux universités américaines pour qu’elles désinvestissent des entreprises impliquées dans l’occupation israélienne.
La semaine dernière, une instance consultative d’étudiants, d’anciens étudiants et d’enseignants de Brown University à Providence, Rhode Island, a exhorté l’administration de l’université à désinvestir des entreprises connues pour encourager l’occupation israélienne.
Bien que de nombreuses organisations étudiantes d’universités américaines aient voté des résolutions appelant au désinvestissement, seule le Hampshire College de Amherst, Massachusetts a, jusqu’à présent, appliqué les dites résolutions.
Si la résolution n’est pas contraignante, Brown est la seule université Ivy League à avoir voté une telle résolution dans ce que des universitaires et des militants décrivent comme un changement de climat dans la communauté académique envers Israël.