Des députés palestiniens demandent à la CPI de saisir des biens israéliens pour dédommager la bande de Gaza

Des élus de la bande côtière appellent à la confiscation de biens de l’Etat hébreu, à hauteur de 25 milliards de dollars, en réparation des dégâts causés par le blocus de leur territoire.

Huit parlementaires de Gaza, proches du Hamas, demandent à la Cour pénale internationale (CPI) d’ordonner le gel et la confiscation de biens de l’Etat israélien en réparation des dommages causés par le blocus imposé à la bande côtière palestinienne. Leurs avocats évaluent le préjudice à 25 milliards de dollars (près de 23 milliards d’euros) depuis le début de la mise en quarantaine de ce territoire de 365 kilomètres carrés, par les forces israéliennes, en 2007.

La singulière prudence manifestée par la Cour pénale internationale sur le dossier palestinien – une enquête a été ouverture sur les crimes commis dans les territoires occupés, en février 2021, mais l’instruction n’a guère avancé depuis – n’a pas découragé les avocats.

Sur le parvis ensoleillé de la Cour ce lundi 26 juin, l’avocat français Gilles Devers, le Palestinien Khaled Al-Shouli et le Marocain Abdelmajid Mrari préparent deux enveloppes: la première, à destination du procureur Karim Khan, est un « signalement » pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, semblables à d’autres signalements déposés par Me Devers au cours de la décennie écoulée ; la seconde enveloppe contient une requête à l’adresse du Fonds pour les victimes (FPV), un organe lié à la Cour, chargé de recevoir et gérer les donations et d’organiser l’attribution de réparations pour les victimes de crimes sur lesquels le procureur de la CPI enquête.

Pour parvenir au montant de 25 milliards de dollars, les avocats se sont basés sur un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) d’août 2020, chiffrant le coût du « bouclage de la bande de Gaza ». Selon ce rapport, le coût économique de l’occupation à Gaza entre 2007 et 2018, qui inclut le bouclage, les restrictions économiques et de circulation, et les opérations militaires, se chiffre à 16,7 milliards de dollars. « C’est près de 1,5 milliard par an», dit Gilles Devers, donc 25 milliards aujourd’hui.

« Des butins de guerre »

Dans leur requête, les huit parlementaires de Gaza ne demandent pas au FPV de régler cette somme. « II serait parfaitement illogique que ce soit les contributions des Etats membres [de la CPI] ou d’autres contributions volontaires, qui assument les conséquences [d’une] politique – librement décidée – par un Etat prospère, estime Gilles Devers. Les fonds disponibles dans les caisses du Trésor [israélien] ou de structures proches, qui s’enrichissent du malheur palestinien, doivent être considérés comme des butins de guerre, et faire l’objet de saisies, en vue de confiscations. »

Les textes de la Cour permettent d’ordonner le gel de biens, avant même une condamnation. Les juges peuvent aussi ordonner leur confiscation et leur vente, dont le produit doit être versé au Fonds pour les victimes. Jusqu’ici, néanmoins, cette procédure n’a visé que des individus – comme par exemple l’actuel ministre de la défense de la République démocratique du Congo, Jean-Pierre Bemba – et jamais un Etat.

Programme d’assistance

Par ailleurs, Israël n’est pas membre de la CPI et n’a donc aucune obligation de coopérer avec cette institution. Mais ce n’est pas le cas des 123 Etats membres de la Cour, soutiennent les avocats. Des biens israéliens se trouvant sur leur territoire pourraient être saisis, estiment-ils, à hauteur de 25 milliards de dollars.

Dans l’immédiat, les avocats demandent d’urgence 10 milliards de dollars pour soutenir « les personnes les plus fragilisées par le blocus » : enfants, malades, handicapés et vieillards. Le Fonds pour les victimes gère les réparations ordonnées par les juges, après condamnation. Mais il peut aussi offrir une « assistance » aux victimes vivant dans des pays sur lesquels le procureur enquête dès le début des procédures. Il l’a ainsi fait en Ouganda en finançant un programme de chirurgie réparatrice pour des victimes défigurées par des miliciens de l’Armée de résistance du Seigneur.

Pour mettre en place un programme d’assistance, le Fonds pour les victimes n’a pas besoin d’un accord des juges ou du procureur. Il aurait donc le pouvoir de lancer un projet pour Gaza, pour un montant toutefois bien moindre puisqu’il ne possède pas les milliards réclamés. En revanche, il n’a pas le pouvoir d’ordonner le gel et la confiscation de biens. Seuls les juges sont à même de le faire, sur demande du procureur. L’affaire palestinienne ne semblant pas être la priorité de Karim Khan, il est peu probable que la requête de Me Devers aboutisse dans un futur proche.