Des Canadiens appellent le département de la justice à enquêter sur le recrutement des forces armées israéliennes dans les écoles de Toronto

Les écoles de Toronto devraient-elles diriger leurs élèves vers une armée étrangère impliquée dans une occupation brutale ?

Dans une lettre ouverte, Noam Chomsky, Roger Waters, le réalisateur Ken Loach, l’auteur Yann Martel, l’ancien membre du Parlement Jim Manly, le poète El Jones et plus de 150 autres personnes appellent le ministre canadien de la Justice, David Lametti, à ouvrir une enquête sur le consulat israélien pour ses publicités destinées au recrutement de Canadiens dans l’armée d’Israël et sur le recrutement éventuel de soldats dans les écoles de Toronto. La lettre et la plainte officielle qui y est jointe demandent lundi au gouvernement fédéral d’appliquer les peines prévues par la Loi sur l’enrôlement étranger contre les personnes recrutant des Canadiens, si de telles violations sont découvertes au cours de l’enquête.

La plainte nomme les responsables du gouvernement israélien opérant au Canada et précise que des écoles de Toronto pourraient aussi inciter les jeunes esprits à rejoindre les Forces de défense israéliennes sous prétexte d’événements culturels organisés dans des classes avec des représentants de l’armée israélienne.

L’armée israélienne dans des écoles canadiennes

Qu’il y ait ou non un plan formel pour recruter à l’intérieur des écoles, voici comment cela semble fonctionner : les écoles organisent des spectacles avec des orchestres militaires israéliens, des levées de fonds pour des groupes soutenant « les soldats isolés » et célèbrent les Forces de défense israéliennes (FDI). Lorque les enfants passent de l’école élémentaire au lycée, d’anciens soldats israéliens, ou des soldats en exercice, leur parlent des Forces de défense israéliennes, dans une apparente campagne de recrutement, parallèle à celle du consulat israélien.

L’école Netivot HaTorah promeut les Forces de défense israéliennes et les citoyens étrangers qui la rejoignent auprès des enfants depuis le niveau préscolaire jusqu’à la 8e année . Un post Facebook de Netivot HaTorah en janvier explique qu’une « initiative de levée de fonds lors d’une Journée du beignet avait recueilli 750 dollars pour une organisation appelée Garin Chayalim — un programme qui soutient les soldats isolés des Forces de défense israéliennes ». Il y a dix ans, le président de l’école, Dov Rosenblum, se serait vanté auprès des Canadian Jewish News qu’« au moins 15 anciens élèves servent dans les Forces de défense israéliennes ».

L’école hébraïque Bialik promeut aussi les Forces de défense israéliennes. Son site web note : « Des programmes Tzedakah tels que Shai Le’chayal aident les élèves à développer un sentiment de responsabilité envers la communauté israélienne en envoyant des cadeaux aux soldats israéliens. De même, avoir l’opportunité d’interagir avec des soldats de l’orchestre des FDI, qui vient jouer à l’école, renforce ces sentiments. »

L’école Heschel de Toronto a reçu l’orchestre Nachal des FDI en septembre dernier et a organisé d’autres initiatives soutenant l’armée israélienne.

A l’école Leo Baeck, « des Israéliens pré-armée » passent un an avec des familles de la communauté scolaire de Toronto dans le cadre d’un programme d’émissaires. Lorsqu’ils retournent en Israël pour leur service militaire, rapportent les Canadian Jewish News, ils discutent avec les élèves « au moyen de chats par vidéo depuis leurs baraquements des FDI, vêtus de leurs uniformes militaires ». Les élèves « rendent aussi hommage aux héros tombés pour Israël » et lèvent des fonds pour Beit Halochem Canada/Aide aux vétérans invalides d’Israël, qui soutient les soldats des FDI blessés.

Leo Baeck et les autres écoles alimentent en élèves les lycées qui promeuvent les FDI, où les élèves s’engagent couramment une fois diplômés. L’orchestre des FDI a joué sur TanenbaumCHAT et le plus grand lycée privé du Canada organise des levées de fonds pour des projets de l’armée israélienne. Le mois dernier, sa page Facebook décrivait « une initiative pour rassembler de l’argent pour les FDI. Grâce à l’enthousiasme et à la générosité de nos élèves et de notre personnel, nous sommes heureux de rapporter que les membres d’une base de l’armée au sud d’Israël a maintenant un bel endroit pour s’asseoir et jouir de leur version de la ‘récréation de 10 mn’ ».

L’école organise des « Journées FDI » régulièrement. Un compte rendu de l’une d’elles, en janvier, indique :

« Shavuah Yisrael a poursuivi aujourd’hui avec la journée @IDF. La communauté @tanenbaumchat — encadrée par nos Schlichim [émissaires israéliens] Lee et Ariel — a montré son soutien aux Forces de défense israéliennes en portant du vert, en mangeant vert et en donnant vert ! Les recettes des délicieux beignets parsemés de vert qui ont été vendus pendant la recréation sont offertes pour aider au bien-être des soldats israéliens en service actif, au nom de TanenbaumCHAT, via l’Association pour les soldats d’Israël – Canada. »

La revue des anciens de l’école fait de la publicité pour un fonds destiné à aider les élèves désireux de rejoindre les FDI. Elle remarque : les « Formations continues du Fonds Israël en mémoire de Judy Shaviv ‘Keren Yad Yehudit’ aident les diplômés à servir dans les FDI, en formation ou comme volontaire ».

Le lycée célèbre aussi ses diplômés qui ont servi dans les FDI et les font parler sur le fait de rejoindre l’armée israélienne. Selon son site :

« Pendant Shavua Israël (La Semaine pour Israël) en février 2020, Seth Frieberg de la promotion 2008 a parlé aux élèves de ses expériences comme soldat isolé dans les Forces de défense israéliennes. Mettant l’accent sur sa connexion personnelle à Israël, il a remarqué que ‘c’était essentiellement 14 mois où chaque jour je faisais quelque chose qui, pour moi, était une manière importante et substantielle de redonner à Israël’ ».

Avec le consulat général israélien, des officiers israéliens parlent à l’école. En mai 2019, le colonel Barak Hiram a parlé aux élèves sur ce que c’était « d’être une nouvelle recrue et un commandant expérimenté dans la Brigade Golani ».

Des soldats en service actif dans les FDI parlent aussi à Bnei Akiva, à Toronto. Quelques-unes des biographies des enseignants du lycée mentionnent qu’ils ont servi dans l’armée israélienne et l’école célèbre l’armée israélienne d’autres façons. « Vous aimez Bnei Akiva ?! Vous aimez les FDI ?! Venez courir le marathon de Jérusalem avec nous ! Bnei Akiva s’est engagé dans un partenariat avec Tikvot et ensemble nous levons des fonds pour aider les soldats blessés des FDI et les victimes du terrorisme à récupérer ! », dit un post Facebook de l’école en 2018.

Bnei Akiva honore les anciens élèves qui ont servi dans les FDI sur sa page web. « Les écoles Bnei Akiva sont fières d’honorer nos anciens élèves qui ont courageusement servi dans les Forces de défense israéliennes », explique leur site web. Son profil LinkedIn note : « après leur diplôme, les élèves passent typiquement au moins une ou plusieurs années de formation en Israël et beaucoup servent dans les FDI ou font le service national en Israël ». La page Wikipedia des écoles est encore plus brutale : « Les écoles soutiennent les diplômés qui servent dans les FDI et font le service national israélien (Sherut Leumi). »

Le mouvement World Bnei Akiva a une académie en Israël qui offre un programme de préparation de six mois pour les citoyens étrangers projetant de rejoindre les FDI. Pour avoir une idée de la perspective anti-palestinienne du mouvement, le secrétaire général de World Bnei Akiva, Rabbi Noam Perel, a appelé à « la vengeance » et au « sang de l’ennemi » après le meurtre en 2014 de trois adolescents israéliens :

« Le gouvernement d’Israël se rassemble pour une réunion de revanche, pas une réunion de deuil. Le seigneur est devenu fou à la vue des corps de ses fils. Un gouvernement qui change une armée de chercheurs en une armée de vengeurs, une armée qui ne s’arrêtera pas à 300 prépuces de Philistins », a écrit Perel sur Facebook dans une allusion au récit biblique où David a tué des centaines de Philistins et coupé leurs prépuces. « L’infamie se paiera avec le sang de l’ennemi, pas avec nos larmes », concluait Perel.

L’école Bnei Akiva et TanenbaumCHAT incitent leurs élèves à rejoindre l’armée israélienne et les écoles élémentaires préparent de jeunes esprits à révérer les FDI. Que les actions de l’école Bnei Akiva et de TanenbaumCHAT enfreignent ou non la loi du Canada sur l’enrôlement étranger n’est pas clair – une enquête formelle découvrira sans doute beaucoup plus de preuves. Mais, en mettant de côté les questions juridiques, les écoles de l’Ontario devraient-elles diriger les jeunes vers une armée étrangère impliquée dans une brutale occupation de 53 années ?