Déclaration politique de la Conférence Internationale de Géographie Critique

En dépit de l’importance sociale, politique et économique du Moyen Orient, dans le passé et à présent, cette région demeure assez mal comprise et souvent ignorée par la discipline géographique…..

En dépit de l’importance sociale, politique et économique du Moyen Orient, dans le passé et à présent, cette région demeure assez mal comprise et souvent ignorée par la discipline géographique. En hébergeant la 7ème édition de la Conférence Internationale de Géographie Critique (CIGC) en Palestine, le collectif organisateur et le Groupe International de Géographie Critique (GIGC) espèrent contribuer à la correction de cette négligence et à la mise en lumière des réalités complexes de cet ensemble. En d’autres termes, nous cherchons à donner plus de place, d’un point de vue universitaire et politique, à la Palestine et au Moyen Orient sur la carte de la géographie critique.

Le choix de la Palestine pour accueillir la prochaine édition n’est pas sans importance. Le Palestine offre un ensemble riche aux géographes et à d’autres pour observer directement, étudier et s’intéresser aux géographies humaine, coloniale et capitaliste résultant de plus d’un siècle de colonialisme européen et d’impérialisme américain. Cependant, la Palestine est beaucoup plus que ‘l’object’ des ‘forces’ impérialistes, coloniales et capitalistes. C’est un endroit qui se trouve au coeur des récentes révoltes arabes comme une inspiration pour les luttes populaires qui ont profondément secoué le Monde Arabe et au-delà sur des chemins encore difficiles à anticiper.

Organiser une conférence internationale dans un tel contexte n’est cependant pas sans conséquences et sans difficultés. Par exemple, choisir la Palestine en tant que siège de la prochaine CIGC signifie que beaucoup de collègues et camarades arabes et musulmans (de Malaisie et du Pakistan jusqu’au Liban et à l’Irak) ne pourront pas participer à la conférence à cause des restrictions et des contrôles raciaux imposés aux frontières par les autorités d’occupation israéliennes, ainsi que des considérations politiques de refus de normalisation du colonialisme israélien. De la même façon, les collègues israéliens auront d’énormes difficultés pour parvenir à la conférence. C’est très évident si l’on considère l’interdiction faite à ses citoyens par le gouvernement israélien d’entrer dans les zones urbaines palestiniennes de Cisjordanie, y compris à Ramallah (les dites Zones A, dans le langage des Accords d’Oslo), ainsi que les tensions politiques sur le terrain nourries par la perpétuelle expansion-dépossession coloniale. Malgré ces raisons et d’autres contraintes, nous croyons qu’organiser cette conférence en Palestine est un effort universitaire et politique significatif qui vaut la peine d’être poursuivi.

Les dissymétries de capacités et les injustices qui définissent ce contexte induisent des choix difficiles mais entraînent aussi le besoin de se positionner politiquement ; la Palestine n’est pas une géographie abstraite où une conférence peut prendre place au-dessus de la politique. Ainsi, quiconque s’inscrit et participe à cette conférence est considéré comme un défenseur des trois droits fondamentaux des Palestiniens, tels que stipulés dans la législation internationale. C’est à dire, la fin de l’occupation de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est ; la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens arabes-palestiniens d’Israël à une totale égalité ; et le respect, la protection et la promotion des droits des réfugiés palestiniens de retrouver leurs maisons et leurs biens. Nous croyons que souscrire à ces droits fondamentaux est le minimum que nous pouvons faire, en tant que gens de conscience, pour soutenir et reconnaître le combat anti-colonial des Palestiniens. Comme nous le rappelle Desmond Tutu, « Si vous restez neutres devant des situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur ».

En reconnaissant ces droits des Palestiniens et en se mettant du côté de l’opprimé, la conférence évite de donner une fausse impression de normalité dans un contexte d’oppression coloniale et de discrimination raciale. En agissant ainsi, la conférence et le GIGC restent engagés dans leur projet de faire progresser la théorie et la pratique nécessaires pour combattre l’exploitation sociale et l’oppression.