Déclaration d’Objection de Conscience d’Uppsala

Les professeurs et le personnel de l’enseignement supérieur et de la recherche de Suède déclarent leur objection de conscience à collaborer avec les institutions israéliennes complices de l’occupation illégale, de l’apartheid, du génocide et autres violations du droit international.

Vous pouvez signer la Déclaration d’Uppsala ici.

Nous, professeurs et personnel soussignés, qui travaillons dans l’enseignement supérieur et la recherche de Suède, sommes horrifiés par la destruction généralisée de la Palestine et du peuple palestinien. Parallèlement à l’assassinat, la mutilation et l’affamement sans précédent de la population assiégée de Gaza et aux attaques incessantes sur les professionnels des soins de santé, les travailleurs humanitaires, le personnel de l’ONU et le personnel d’urgence, la destruction systématique des fournitures alimentaires et médicales, de l’agriculture, de l’eau et des infrastructures énergétiques a transformé Gaza en un cimetière et pour la population et pour le droit international. Le blocus israélien illégal de toute l’aide humanitaire depuis le 2 mars est délibérément conçu pour punir, porter tort et détruire la population civile de Gaza, dont presque la moitié sont des enfants.

Alors que le nombre de morts ne cesse de grimper, les actions d’Israël à Gaza ont été qualifiées de génocide par le Comité Spécial de l’ONU d’Enquête sur les Pratiques Israéliennes Affectant les Droits de l’Homme du Peuple Palestinien (A/79/363, IX), par des experts chevronnés en droits de l’Homme de l’ONU et de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch. Israël fait actuellement l’objet d’une enquête pour crime de génocide par la Cour Internationale de Justice (CIJ), principal organe judiciaire des Nations Unies, et des dirigeants israéliens sont poursuivis par le Tribunal Pénal International (TPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, y compris le crime d’extermination. En juillet 2024, le TPI a statué que l’occupation israélienne des territoires palestiniens, dont Jérusalem Est, est illégale, équivaut à une annexion et  viole l’interdiction de l’apartheid. Comme l’ont précisé les experts de l’ONU en droits de l’Homme, afin que les États membres de l’ONU respectent leurs obligations telles que définies par le décret de la CPI, ils doivent « annuler ou suspendre les relations économiques, les accords commerciaux et les relations universitaires avec Israël qui pourraient contribuer à sa présence illégale et à son régime d’apartheid dans le territoire palestinien occupé ».

Au fur et à mesure que le génocide se déploie, nous remarquons qu’Israël tue sans répit étudiants, enseignants, chercheurs, journalistes et travailleurs de la culture et qu’il détruit systématiquement écoles, universités, bibliothèques, archives, sites du patrimoine et institutions culturelles, ce qui a eu pour effet d’anéantir la totalité du secteur de l’éducation et de la recherche à Gaza. Dans la foulée de Karma Nabulsi, les experts de l’ONU avaient déjà qualifié, en avril 2024, les actions d’Israël à Gaza de « scolasticide » (Desai 2024, Shlaim 2025). En détruisant systématiquement l’éducation ainsi que l’héritage culturel, matériel et immatériel, de Gaza, y compris les cimetières, Israël ne détruit pas seulement la population palestinienne au présent ; il détruit également son passé et son avenir.

De l’autre côté de la barrière qui encercle Gaza, les universités israéliennes sont depuis longtemps des complices majeurs, volontaires et persistants du régime israélien d’occupation armée, de colonialisme de peuplement, d’apartheid et maintenant de génocide. Elles ont joué un rôle actif dans le développement des systèmes d’armement et des doctrines militaires utilisées pour maintenir l’occupation illégale de la Palestine, justifiant la colonisation illégale et l’annexion des terres occupées, rationalisant le nettoyage ethnique et les assassinats extrajudiciaires des autochtones palestiniens, et participant à d’autres violations explicites des droits de l’Homme et du droit international ; Ils ont également systématiquement discriminé les étudiants et le personnel « non-juif » (Wind 2024). Les institutions israéliennes d’enseignement supérieur sont donc complices de ce que la CPI a reconnu comme une occupation criminelle de la Palestine, pays que la Suède, avec une majorité de nations dans le monde, a reconnu comme un état souverain.

Étant donnée la complicité des universités israéliennes dans le déni des droits des Palestiniens, la Campagne Palestinienne pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël (PACBI) appelait déjà en 2004 au boycott des institutions universitaires israéliennes pour exercer une pression non violente sur Israël afin qu’il se conforme au droit international. En accord avec la définition internationalement acceptée de la liberté d’expression telle qu’adoptée par le Comité des Nations Unies sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (UNESCR), les lignes directrices du PACBI définissent la façon dont on devrait appliquer le boycott aux institutions et non aux individus. Les lignes directrices demandaient de :

* Refuser toute forme de coopération académique et culturelle avec les institutions israéliennes ;

* Prôner un boycott total des institutions israéliennes complices ;

* Promouvoir le désinvestissement d’Israël par les institutions académiques internationales ;

* Travailler à la condamnation institutionnelle de la politique israélienne ;

* Soutenir directement les institutions académiques et culturelles palestiniennes sans exiger d’elles qu’elles s’associent à leurs homologues israéliennes.

En 2011, l’Université de Johannesburg est devenue la première institution internationale à se dissocier du régime israélien, mettant fin à un accord avec l’Université Ben Gourion à cause de sa complicité dans les violations des droits de l’Homme, dont le vol de l’eau des Palestiniens. Le symbolisme frappant de la mise en place de collaborations universitaires avec Israël sous un régime d’apartheid et y mettre fin en démocratie ne peut échapper à personne.

Depuis qu’Israël a déchaîné sa guerre génocidaire sur Gaza, et en grande partie grâce à des campagnes de pression efficaces organisées localement par des étudiants et du personnel, davantage d’universités autour du monde ont suivi l’exemple de l’Afrique du Sud, dont cinq universités norvégiennes qui ont coupé leurs liens avec des institutions complices en 2024.

Les institutions académiques suédoises ont, au contraire, insisté pour maintenir leur collaboration avec des institutions israéliennes complices de violations du droit international, et ont même promu de nouveaux partenariats avec ce genre d’institutions. En tant que scientifiques et chercheurs, nous ne pouvons plus accepter de participer à ce genre de collaborations. Affirmant notre doit moral à nous opposer en toute conscience à des actes qui contredisent fondamentalement nos principes d’intégrité académique, dont notre foi dans l’égalité des droits et la dignité de tous les êtres humains, nous avons décidé de répondre individuellement à l’appel de nos collègues palestiniens et de rompre les liens avec les universités et les institutions israéliennes complices de l’occupation illégale, de l’apartheid, du génocide et autres violations du droit international. Nous déclarons que nous respecterons désormais les principes suivants :

1. Nous ne contribuerons à aucune collaboration avec les institutions israéliennes complices, et nous ne ferons ni la publicité, ni la promotion ni n’encouragerons ce genre de collaborations ;

2. Nous ne contribuerons à aucun échange d’étudiants ni de personnel avec les institutions israéliennes complices, et nous ne ferons ni la publicité, ni la promotion ni n’encouragerons ce genre d’échanges.

3. Nous ne participerons à aucune activité organisée ou accueillie par les institutions israéliennes complices, qu’elles les organisent et/ou les accueillent seules ou en collaboration avec d’autres institutions, et nous ne ferons ni la publicité, ni la promotion ni n’encouragerons ce genre d’activités.

Conformément aux lignes directrices du PACBI pour le Boycott Académique International d’Israël, nous sommes engagés à boycotter la complicité, pas l’identité. Ce qui veut dire que, alors que nous n’appelons pas à un boycott généralisé des chercheurs israéliens sur la base de leur identité, nous nous opposons en conscience à toute collaboration avec les institutions israéliennes complices de l’occupation illégale, de l’apartheid, du génocide et autres violations du droit international. En effet, parce que la direction académique d’Israël est complice de ces crimes, des universitaires israéliens dissidents ont appelé la communauté internationale à exercer une pression supplémentaire. Les universitaires soussignés s’engagent à respecter le droit international et les droits de l’Homme et, en tant que tels, nous exhortons nos collègues de Suède et d’ailleurs à collaborer avec les partenaires internationaux de principe qui reconnaissent les décisions des tribunaux et des organismes internationaux, dont la Résolution 194 (III), qui garantit le droit des réfugiés palestiniens à retourner chez eux.

Cette déclaration a été rédigée à Uppsala par les professeurs et le personnel de l’Université d’Uppsala. Tandis que nous lui avons donné le nom de notre université en l’honneur de sa mission officielle de faire que la connaissance et l’éducation travaillent « à un monde meilleur », nous encourageons les professeurs et le personnel de toute institution suédoise d’enseignement supérieur et de recherche à la signer.

Le texte final de cette déclaration a été confirmé à Uppsala le 8 mai 2025. La première série de signataires a été publiée le 15 mai. Toute personne occupant un poste dans l’enseignement supérieur ou la recherche en Suède peut signer. Ceci inclut les candidats doctorants qui font partie des chercheurs salariés dans le système suédois.

La liste des signataires de la Déclaration est accessible ici.