Déclaration de professeurs universitaires sur la liberté d’expression et le débat public à York

Roger Waters, célèbre membre des Pink Floyd, a adressé une lettre ouverte à l’université de York au sujet de la récente frénésie médiatique sur la fresque murale « Racines palestiniennes….

Roger Waters, célèbre membre des Pink Floyd, a adressé une lettre ouverte à l’université de York au sujet de la récente frénésie médiatique sur la fresque murale « Racines palestiniennes ».

Il se trouve que quatre vingt onze enseignants et neuf professeurs retraités ont aussi signé une lettre ouverte au sujet de l’œuvre d’art public « Racines palestiniennes » situé sur le campus.

Déclaration sur la liberté d’expression et sur le débat public à l’Université de York

Nous sommes des enseignants juifs et non-juifs de l’université de York à Toronto ; profondément troublés par les menaces sur la liberté d’expression apparues sur notre campus. Ces menaces ont promis et acté le retrait du financement de donateurs aux étudiants en réaction à un tableau (mal nommé « fresque murale ») accroché dans un espace du Centre étudiant principalement fréquenté par des étudiants. Grâce à Paul Bronfman, cette peinture a acquis une notoriété mondiale.

Le tableau, qui a été choisi par un jury universitaire, montre un jeune Palestinien de dos, qui regarde un bulldozer israélien détruisant un olivier et qui réfléchit sur l’opportunité de lancer les pierres qu’il tient dans ses mains. Ce tableau est la réponse d’un artiste à la dépossession des Palestinien sous occupation israélienne, il exprime le sentiment qu’il n’y a pas d’issue en vue. La question n’est pas de savoir si nous aimons ou approuvons cette peinture. Certes, les controverses au sujet de la liberté d’expression concernent souvent des idées avec lesquelles nous sommes en désaccord, des idées qui nous mettent mal à l’aide ou des idées que nous préfèrerions ne pas voir exprimées. Au plan du droit, on ne peut limiter la liberté d’expression qu’en lien avec des discours de haine ou des appels à violer les droits humains. Rien dans cette peinture ne correspond à cette définition ; elle montre un individu qui s’oppose à une force militaire envahissant son village et détruisant sa terre. Rien dans ce tableau ne devrait entraîner un sentiment d’insécurité chez qui que ce soit sur le campus de York.

De nombreux membres de la communauté juive du Canada pensent que tout le monde devrait se voir accorder le respect et les droits humains fondamentaux et que la sécurité, l’autodétermination et la justice devraient s’appliquer à tout le monde. L’antisémitisme, l’islamophobie et d’autres formes de racisme ne sont que trop réels et on devrait s’y attaquer de front. Mais il n’est pas crédible d’appeler « discours de haine » ou « antisémite » toutes les formes d’expression de l’inquiétude quant au conflit israélo-palestinien. Cet alibi éculé pour tenter de censurer une peinture qui a mis mal à l’aise quelques personnes, musèle la possibilité de s’exprimer et manifeste l’intolérance, ce qui n’a pas sa place à l’université. De plus, York a une tradition remarquable d’installations d’œuvres artistiques d’étudiants qui a grandement contribué à la vitalité du campus. Nous exhortons vivement l’université à maintenir et protéger les espaces publics et les traditions d’engagement d’étudiants et du corps enseignant qui ont tellement enrichi l’université.

Nous applaudissons au fait que, dans sa réponse, l’université « reste fermement attachée aux valeurs de liberté d’expression, de dialogue ouvert et de débats constructifs » et nous avons certainement à « faire tout pour assurer que tous nos étudiants se sentent à l’aise et en sécurité sur le campus ». Il n’y a pas pour autant une raison de restreindre le champ de l’expression libre, du militantisme politique ou de l’art exposé sur le campus. À cet égard, nous sommes gravement préoccupés par le fait, selon les media, que l’université aurait dit « avoir consulté largement des experts » et conclu « qu’elle ne pouvait pas obliger à le retirer (le tableau). Le président Mahmoud Shoukri nous informe que les règles sur les groupes étudiants et le Code des Droits et devoirs des Étudiants vont être revus. Cette annonce voudrait-elle dire que l’université pourrait chercher à étendre ses pouvoirs de manière à pouvoir à l’avenir obliger à supprimer des expressions artistiques et politiques « dangereuses » au nom de l’inclusion et de la « sécurité » ? La dernière phrase de la déclaration de Shoukri : « nous ne tolèrerons pas des actions ni des comportements contraires à nos valeurs » semble contredire son appel à la tolérance.

Enfin, il y a des enseignements sur la confiance que l’on peut faire au financement philanthropique des universités. Mr Bronfman a fourni un argument puissant sur la nécessité, pour les universités canadiennes, d’être financées par des fonds publics et de ne pas dépendre de bon vouloir et des priorités personnelles des riches dans notre société. Nous devons continuer à réclamer un financement public adéquat des universités publiques, afin de préserver leurs espaces d’expression libre et de débat civique.

Liste de signataires au 9 février :

Greg Albo, Sabah Alnasseri, Amélie Barras, Ranu Basu, Jon Peter Baturin, Dawn Bazely, Margaret Beare, Jody Berland, Carol Bigwood, Malcolm Blincow (ret.), Deborah Brock, Barbara Cameron, Eduardo Canel, Sheila Cavanagh, David Cecchetto, Lily Cho, SD Chrostowska, George Comninel, Alison Crosby, Raju Das, Tania Das Gupta, Nancy Davis Halifax, Stephan Dobson, Barbara Evans, Caitlin Fisher, Henryk Flakierski (ret.), Scott Forsyth, Liette Gilbert, Amanda Glasbeek, Luin Goldring, John Greyson, Ricardo Grinspun, Shubhra Gururani, Ratiba Hadj-Moussa, Laam Hae, Judy Hellman, Steve Hellman, Craig Heron, Hernan Humana, Pablo Idahosa, Susan Ingram, Stanley Jeffers (ret.), Jan Kainer, Ilan Kapoor, Eva Karpinski, Magdalena Kazubowski-Houston, Joseph Keeping, Kamala Kempadoo, Stefan Kipfer, Sailaja Krishnamurti, Sam Lanfranco (ret.), Nick Lary (ret.), Robert Latham, Yam Lau, Louis Lefeber (ret.), Nina Levitt, Carla Lipsig-Mumme, Brenda Longfellow, Elizabeth Lunstrum, Meg Luxton, Robert MacDermid, Terry Maley, Alina Marquez, Patricia McDermott, Wendy McKeen, David McNally, Jacinthe Michaud, Radhika Monghia, Esteve Morera, Arun P. Mukherjee, Karen Murray, Natasha Myers, Nancy Nicol, Michael Nijhawan, Anne O’Connell, Deborah Orr, Leo Panitch, Viviana Patroni, Patricia Perkins, Nalini Persram, Dennis Pilon, Justin Podur, Geoffrey Reaume, Ester Reiter (ret.), Anders Sandberg, Leslie Sanders, John Saul (ret.), Jamie Scott, James Sheptycki, Nicola Short, John Simoulidis, Lisa Sloniowski, David Spring (ret.), Penni Stewart, Martha Stiegman, Mark Thomas, Andy Weaver, Sandra Whitworth, Leslie Wood, Anna Zalik