Même ceux doués de la plus vive imagination n’auraient pu envisager le tour que prendraient les enseignements de l’holocauste, commémoré aujourd’hui au niveau international. Jamais auparavant, Israël n’a été dans une position aussi affaiblie moralement pour représenter les survivants qui ont reconstruit leur vie ici après l’Holocauste. Jamais auparavant il n’a été aussi complètement en contradiction avec sa capacité à défendre les messages de l’Holocauste et à plaider pour ses enseignements universels.

L’État qui prétend représenter les personnes qui ont été les victimes du plus brutal racisme de l’histoire moderne est maintenant un État d’apartheid qui encourage le racisme, glorifie les idéologies kahanistes et cherche à les institutionnaliser par une série de projets législatifs. Cela va de la loi de l’État-Nation qui déclasse les citoyens non-Juifs à la loi de la citoyenneté qui empêche la réunification familiale entre citoyens palestiniens d’Israël et des habitants de Cisjordanie ; des propositions pour faciliter la disqualification de candidats et partis arabes à la députation ; des projets d’autoriser le refus de services médicaux ou autres aux Arabes (« pour raisons religieuses ») ; une revendication visant à permettre à des candidats ou partis incitant au racisme de se présenter aux élections ; et des efforts de « Judaïsation » du Néguev, même au prix du déplacement de villages bédouins qui attendent la reconnaissance depuis des décennies. Le point culminant, ce sont des démarches législatives visant à séparer Juifs et Palestiniens et à mettre fin aux ordres de détention administrative appliqués aux colons de Cisjordanie.
À la « gloire » de l’État d’Israël, le Premier ministre se précipite pour défendre un milliardaire qui affectionne le salut nazi, qui promeut l’AfD en Allemagne – un parti aux racines néo-nazies – tandis que le Ministre de la Diaspora est envoyé en Europe courtiser des partis et mouvements extrémistes, naguère considérés comme les pires ennemis du peuple juif et détenteurs aujourd’hui de l’héritage de ceux qui l’ont détruit.
L’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre a renforcé le narratif israélien de l’Holocauste et ce, non sans raison. L’invasion de milliers de membres de l’organisation islamiste a représenté des scènes choquantes rappelant celles que les dirigeants israéliens ont toujours juré qu’elles ne se reproduiraient jamais : des survivants de l’Holocauste se cachant dans des placards, des civils feignant d’être morts, des parents jetant leurs enfants hors de maisons en feu, des enfants se protégeant sous le corps de leurs parents pour survivre. De tout cela, le Hamas ne sera pas pardonné.
Mais Israël s’est engagé dans une longue guerre de vengeance qui a transplanté le narratif de l’Holocauste à Gaza et à ses deux millions de citoyens. Si rien ne se compare à l’Holocauste et à ses circonstances uniques, des correspondants étrangers n’ont pas pu éviter d’être horrifiés par ce qu’ils ont décrit comme « des scènes pires que ce qui a été vu à Dresde, Hambourg et Cologne » ; par des visions qui rappellent certains films comme Le Pianiste et d’autres oeuvres de ce genre ; et par les dizaines de milliers de gens déplacés qui, plus d’un an après le début de la guerre, ne sont toujours pas en mesure de trouver les restes de leurs êtres chers dans les décombres de leur maison.
Les actions de vengeance du gouvernement israélien sont si graves qu’elles ont conduit les principales organisations de défense des droits humains dans le monde à conclure unanimement qu’Israël est responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Certaines ont même déclaré qu’il est coupable « d’extermination » et « d’actes génocidaires ». D’autres enquêtes ont conduit à la plus grave accusation, celle de « génocide », purement et simplement.
Le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, assez ironiquement, ne sera pas aujourd’hui à Auschwitz – le plus grand cimetière du peuple juif – où est commémoré le 80ème anniversaire de sa libération. Dans une torsion surréelle et horrifiante de l’histoire, il est aujourd’hui confronté à la perspective d’une inculpation par la cour pénale internationale précisément créée pour la prévention des crimes tels que ceux commis à Auschwitz.
La déclaration « Pas en Mon Nom » est importante. Mais elle ne suffit pas. S’il y a un message universel que nous devons continuer à porter, c’est l’importance critique de ne pas rester sans rien faire, de résister aux crimes lorsqu’ils se produisent et de nous mobiliser indéfectiblement pour les droits humains de ceux qui sont sans défense.
Plus d’Auschwitz. Plus de 7 octobre. Pus de crimes de guerre à Gaza.
Sincèrement,
Adar Primor
Directeur des activités publiques
Médecins Pour les Droits Humains Israël