Dans la bande de Gaza, la défense civile fait état de 46 morts à proximité de centres de distribution depuis le début de la journée

L’ONU a qualifié, mardi, de « crime de guerre » l’utilisation de la nourriture comme une arme dans le territoire palestinien, exhortant l’armée israélienne à « cesser de tirer sur les personnes qui tentent de s’en procurer ».

Quarante-six personnes ont été tuées et des dizaines blessées par des tirs israéliens mardi 24 juin dans deux endroits de la bande de Gaza, à proximité de centres de distribution, a annoncé la défense civile de l’enclave.

« Vingt-cinq personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées quand les forces israéliennes ont visé des rassemblements de civils (…), alors qu’ils tentaient d’atteindre un centre humanitaire » près de Rafah, a déclaré Mahmoud Bassal, porte-parole de l’organisme de premiers secours, cité par l’Agence France-Presse (AFP).

Il avait auparavant fait état de 21 morts et de 150 blessés environ, « après que les forces d’occupation israéliennes ont pris pour cible des rassemblements de citoyens attendant de l’aide sur la route Salah Al-Din [entre le corridor de] Netzarim et le pont sur le wadi Gaza, entre 2 heures et 6 heures du matin, heure locale (1 heure et 5 heures à Paris).

Interrogée par l’AFP, l’armée israélienne n’a fait aucun commentaire pour le moment. Compte tenu des restrictions imposées aux médias dans la bande de Gaza et des difficultés d’accès, l’AFP n’est pas en mesure de vérifier les bilans annoncés par la défense civile.

Le Comité international de la Croix-Rouge a, par ailleurs, annoncé la mort d’un de ses collaborateurs, tué dimanche. Il s’agit du cinquième depuis le début de l’offensive israélienne dans l’enclave.

Le ministère de la santé de la bande de Gaza, administrée par le Hamas, a fait savoir, mardi, que 56 077 personnes avaient été tuées et 131 848 blessées dans l’enclave depuis le 7 octobre 2023. Depuis la rupture du cessez-le-feu par Israël le 18 mars, 5 759 Gazaouis ont été tués et 19 807 autres blessés, précise le ministère.

La France a condamné mardi les « tirs israéliens ayant touché » durant la nuit « des civils rassemblés autour d’un centre de distribution d’aide à Gaza », dans une déclaration du porte-parole du ministère des affaires étrangères.

La distribution d’aide par la GHF, « une abomination » pour l’UNRWA

L’actuelle distribution de l’aide dans l’enclave, confiée à la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), un organisme soutenu par Israël et les Etats-Unis, et qui donne lieu à des scènes chaotiques, est « une abomination qui humilie et dégrade les personnes désespérées », a dénoncé mardi le responsable de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). « C’est un piège mortel, coûtant plus de vies qu’il n’en sauve », a déclaré Philippe Lazzarini, lors d’une conférence de presse à Berlin. Sur place, la GHF est surnommée « la Fondation humiliante de Gaza », car c’est ce que les Gazaouis « ressentent en ce moment », a encore dit M. Lazzarini.

Au même moment, l’ONU a qualifié de « crime de guerre » l’utilisation de la nourriture comme une arme, exhortant l’armée israélienne à « cesser de tirer sur les personnes qui tentent de s’en procurer ». « L’utilisation de la nourriture à des fins militaires, [contre] des civils, non seulement restreint ou empêche leur accès à des services vitaux, mais aussi constitue un crime de guerre », a fait savoir le bureau du Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans des notes écrites transmises avant un point presse.

Depuis que l’organisation a commencé à exercer, « l’armée israélienne a bombardé et tiré sur les Palestiniens qui tentaient d’atteindre les points de distribution, ce qui a entraîné de nombreuses pertes de vie », a-t-il déclaré.

Le porte-parole du bureau du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Thameen Al-Kheetan, a fait savoir que « plus de 410 Palestiniens ont été tués en conséquence, [tandis qu’]au moins 93 autres auraient également été tués par l’armée israélienne alors qu’ils tentaient de s’approcher des rares convois d’aide de l’ONU et d’autres organisations humanitaires ». « Au moins 3 000 Palestiniens ont été blessés lors de ces incidents », a-t-il ajouté.

M. Kheetan a averti que le système « met en danger les civils et contribue à la situation humanitaire catastrophique à Gaza ».

Le bureau du Conseil des droits de l’homme des Nations unies a exigé des mesures immédiates pour remédier à la situation. « L’armée israélienne doit cesser de tirer sur les personnes qui tentent d’obtenir de la nourriture », a affirmé M. Kheetan, qui a également demandé à Israël « d’autoriser l’entrée de nourriture et d’autres formes d’aide humanitaire nécessaires à la survie des Palestiniens de Gaza ». « Les restrictions illégales du travail de l’ONU et des autres acteurs humanitaires doivent être immédiatement levées », a-t-il ajouté.

Le porte-parole a aussi appelé la communauté internationale à « prendre des mesures concrètes pour s’assurer qu’Israël – la puissance occupante à Gaza – respecte son obligation de veiller à ce que la population reçoive suffisamment de nourriture et de produits de première nécessité ».

La Gaza Humanitarian Foundation (GHF) a commencé à distribuer de la nourriture à Gaza le 26 mai, après qu’Israël eut complètement interrompu l’approvisionnement du territoire palestinien pendant plus de deux mois, ce qui a suscité la crainte d’une famine massive. Les Nations unies avaient déclaré, en mai, que « 100 % de la population » du territoire était « menacée de famine ».

Le Monde avec AFP