‘Crime de guerre’ : Israël transfère de force un village palestinien

Les 200 résidents d’Ein Samiya ont été forcés de quitter leur terre après des années de violence des colons et de l’armée israélienne.

Ramallah, Cisjordanie occupée – Des années d’attaques violentes et de restrictions par l’armée et les colons israéliens ont contraint les quelque 200 résidents du village d’Ein Samiya à quitter leurs maisons dans ce que les associations de défense des droits appellent un « crime de guerre ». Parmi ces villageois, il y a 78 enfants dont l’école a été distinguée par les autorités israéliennes pour être démolie.

Les dernières familles encore dans le village, qui s’était réduit de 30 % sous le harcèlement constant, ont chargé mercredi leurs biens sur des camions, 44 ans après leur première installation en ce lieu.

« Ces familles ne partent pas par choix », a dit la Coordinatrice par Intérim de l’Action Humanitaire pour le Territoire Occupé Palestinien, Yvonne Helle.

« Les autorités israéliennes ont sans cesse démoli leurs maisons et les autres structures qu’ils possèdent et ont menacé de détruire leur seule école [tandis que] la terre disponible pour le pâturage du bétail s’est réduite à cause de l’expansion coloniale et que et les enfants et les adultes ont été soumis à la violence des colons. »

« Nous sommes nés et avons grandi ici, mais ils ont rendu nos vies insupportables », a dit à Al Jazeera Sumoud Ibrahim, âgée de 33 ans, qui a été déplacée ainsi que son mari et ses quatre enfants.

Ein Samiya a été construit sur une terre privée appartenant à des Palestiniens du village voisin de Kafr Malek qui ont autorisé les éleveurs nomades à s’y installer. Auparavant, ces familles vivaient dans la région d’al Auja de la Vallée du Jourdain, se déplaçant constamment.

Dans les années 1990, selon les Accords d’Oslo, leur village a été classé comme faisant partie de la Zone C – les 60 % de la Cisjordanie occupée contrôlés par l’armée israélienne, qui restreint drastiquement la construction et le développement des Palestiniens dans cette zone grâce à des démolitions, des amendes et autres punitions.

Ils dépendent toujours de l’élevage de leurs troupeaux, source essentielle de leurs revenus, et vivent, à cause de ces restrictions, dans des logements rudimentaires faits d’aluminium et de fer-blanc, dont beaucoup ont été construits grâce au financement de l’Union Européenne.

Maintenant, ils ont abandonné leurs maisons et ont déménagé vers des terres disponibles du village relativement proche d’al-Mughayyir – qui a souvent été attaqué par les colons – et la zone d’al-Nuwaimah dans la Vallée du Jourdain.

Les résidents craignent que ces zones ne soient pas beaucoup plus sûres mais pensent, néanmoins, que ce sera quand même mieux pour eux.

La zone C, c’est aussi là où se trouvent des centaines de colonies et avant-postes israéliens, considérés comme illégaux selon le droit international. Au cours des cinq dernières années, les attaques des colons sur Ein Samiya ont consisté en coups, jets de pierres et attaques sur le bétail et les cultures, et il y en a eu encore plus.

Deux des membres de la famille d’Ibrahim ont été attaqués et battus par des colons ces dernières années.

« Ils s’en moquent que ce soit un enfant ou une femme – les colons nous tabassent tous. L’année dernière, ils ont brisé le crâne de la femme de mon oncle, Haija », a dit Ibrahim.

« Ils ont aussi battu mon cousin – on a dû lui faire des points de suture. La police a également arrêté ses fils, sans raison », a-t-elle poursuivi. « La police protège les colons, ils ne nous protègent pas nous. »

‘Crime de guerre’

Dans un communiqué publié mardi, l’association de défense des droits, B’Tselem, a dit : « La politique israélienne, dont le but est de permettre à l’État de prendre de plus en plus de terre palestinienne pour qu’elle soit utilisée par les Juifs, s’applique à travers toute la Cisjordanie contre des dizaines de communautés palestiniennes. Cette politique est illégale. Le transfert forcé est un crime de guerre. »

« Pendant des années, les résidents de la communauté ont souffert de la violence exercée par les forces israéliennes, de la violence des colons exercée avec le soutien total de l’État, et des restrictions drastiques sur la construction de logements et d’infrastructures, ainsi que des démolitions », poursuit le communiqué, ajoutant que l’école du village sera bientôt également démolie.

Al Jazeera a pris contact avec l’armée israélienne, mais n’avait obtenu aucun commentaire au moment de sa publication.

S’adressant à Al Jazeera, le porte-parole de la présidence de l’Autorité Palestinienne, Ibrahim Mehlem, a dit : « Ceci s’appelle un nettoyage ethnique, qui a forcé les résidents d’Ein Samiya à partir, sous la menace des colons et autres restrictions. »

C’est du terrorisme et du racisme qui exige une intervention internationale, spécialement de l’UE, qui a aidé à soutenir ces communautés. Ce déplacement forcé a réussi, ce qui veut dire qu’il constitue une menace pour le reste des communautés », a-t-il dit.

Il y a au moins 46 villages et communautés, où vivent plus de 8.000 Palestiniens, qui sont considérés par les Nations Unies comme à « haut risque de transfert forcé à cause d’un projet de ‘délocalisation’ préparé par les autorités israéliennes dans la Zone C de la Cisjordanie.

Alors qu’au moins 46 % de la Zone C sont des terres privées palestiniennes, Israël n’en laisse que moins d’un pour cent accessible à une construction palestinienne, dont la majeure partie est déjà construite.

Interrogé sur le rôle de l’AP, Melhem a dit : « L’AP n’a pas la capacité d’empêcher ces crimes. Elle est la victime de ces crimes, puisque la communauté internationale ne met pas en œuvre les décisions convenues dans ses rapports avec Israël. »

« Il existe des milliers de décisions qui ont condamné la construction de colonies, et ont condamné ces crimes et les assassinats constants, mais il existe un deux poids deux mesures qui rend la communauté internationale et ses décisions plus laxistes face à Israël », a poursuivi Melhem.

Il a ajouté que la Commission de la Colonisation et de la Résistance au Mur de l’A.P. « a offert à la communauté d’Ein Samiya… tout ce qui peut consolider leur présence dans toute autre zone où ils iraient, mais notre but principal est de faire pression pour qu’ils puissent revenir sur leurs terres, et non pas se soumettre au déplacement ».

Mohammad Kaabneh, 70 ans, n’a pas eu d’autre choix que de faire ses bagages et de partir avec les 11 membres de sa famille, dont ses enfants et petits enfants. Il était «épuisé », a-t-il dit à Al Jazeera, évoquant la pression constante sous laquelle ils avaient dû vivre.

« Les colons viennent toutes les nuits. A minuit et à I H. du matin, ils viennent et nous jettent des pierres. Nous sortons pour nous défendre et les repousser, alors ils partent en courant et reviennent une demie heure plus tard. Ils commencent à arriver vers nous de tous les côtés », a-t-il poursuivi.

« Nous allons devoir vivre dehors dans la chaleur pour au moins un mois avant de pouvoir reconstruire nos maisons », a-t-il ajouté, montrant tout ce qui l’entourait.

« J’avais besoin de trouver des gens qui soient avec moi, pour au moins sentir que quelqu’un nous soutient. Cette terre m’est extrêmement chère, mais j’ai été obligé d’agir ainsi. »

« Nous voulons vivre et élever nos enfants en sécurité », a-t-il dit à Al Jazeera.