Communiqué de juristes et d’avocats internationaux contre la tenue du forum de la SEDI à l’Université Hébraïque de Jérusalem Est

Pour y ajouter votre nom, envoyez un email à : [palpetition17at]gmail.com. Tous les universitaires et avocats internationaux peuvent signer ce communiqué. Il n’est pas besoin d’être un membre de la SEDI ou d’être basé.e en Europe pour signer.

La Société Européenne de Droit International (SEDI) tient son forum de recherche à l’Université Hébraïque en Février/Mars. Dix organisations de droits humains ont condamné cette décision demandant à la SEDI de reconsidérer sa décision et exhortent les avocats et juristes internationaux à ne pas participer à cet événement.

Location of the Hebrew University

En tant que juristes et avocat.e.s internationaux attaché.e.s à l’état de droit et aux droits humains, nous sommes consterné.e.s par la décision de la Société Européenne de Droit International (SEDIL) de tenir son forum annuel de recherches 2018 dans le campus du Mont Scopus de l’Université Hébraïque. Nous pensons qu’organiser un forum annuel de droit international sur un territoire occupé revient à légitimer son occupation ainsi que toutes les autres violations des droits humains qui en font partie.

Nous savons bien que les bâtiments originels de l’Université Hébraïque se situent dans la zone appelée en 1948 “zone démilitarisée”, dont le statut est contesté, mais l’Université s’est développée de manière significative depuis l’occupation de1967, et d’importantes parties se trouvent au-delà de la ligne de la “zone démilitarisée” et sont en territoire palestinien occupé.

Nous pensons qu’il est inconvenant pour une organisation attachée à l’état de droit et au droit international de tenir son forum annuel dans une institution dont le campus est, au moins en partie, sur un territoire occupé, d’autant plus quand cette occupation fête ses 50 ans. Par conséquent nous ne devons pas participer à cet événement et nous exhortons la SEDIL de revoir sa décision.

Les institutions sont nommées uniquement pour pouvoir situer les signataires.

Professor (Emeritus) Georges Abi-Saab, Graduate Institute of International and Development Studies, Geneva
Professor (Emeritus) John Dugard, University of Leiden and the University of the Witwatersrand, former UN Special Rapporteur on human rights situation in the Occupied Palestinian Territory
Professor (Emeritus) Richard Falk, Princeton University, and former UN Special Rapporteur on human rights situation in the Occupied Palestinian Territory
Dr. Noha Abueldahab, Visiting Fellow, Brookings Institution
Dr. Grietje Baars, City, University of London
Dr. Nesrine Badawi, American University in Cairo
Dr. Samia Bano, SOAS, University of London
Dr. Arnulf Becker Lorca, Brown University
Dr. Jason Beckett, The American University in Cairo
Faisal Bhabha, Associate Professor, Osgoode Hall Law School, York University
Dr. Brenna Bhandar, SOAS University of London
Dr. Amar Bhatia, Osgoode Hall Law School, York University
Professor (Emeritus) George Bisharat, UC Hastings College of the Law
Dr. Isra Black, University of York
Professor Bill Bowring, Birkbeck, University of London
Dr Yassin M’Boge Brunger, Queen’s University Belfast
Reem Al-Botmeh, Birzeit University
Professor Marcel Brus, University of Groningen
Dr. Michelle Burgis-Kasthala, University of Edinburgh/Australian National University
Professor Irina Ceric, Kwantlen Polytechnic University
Professor Cyra Akila Choudhury, Florida International University
Dr. Tanzil Chowdhury, University of Birmingham
Professor Olivier Corten, Directeur du Centre de droit international, Université libre de Bruxelles
Dr. Marios Costa, City, University of London
Professor (Emeritus) Eric David, Président du Centre de droit international, Université libre de Bruxelles
Dr. Julia Dehm, La Trobe University
Dr. Sara Dehm, University of Technology Sydney
Professor François Dubuisson, Université libre de Bruxelles
Dr. Nadine El-Enany, Birkbeck University of London
Dr. Luis Eslava, University of Kent
Dr. Michael Fakhri, University of Oregon
Dr. Tomaso Ferrando, University of Bristol
Professor Martin Gallié, Université du Québec à Montréal
Professor Conor Gearty, London School of Economics
Professor Gustavo Gozzi, University of Bologna
Dr. Markus Gunneflo, Lund University
Professor Penny Green, Queen Mary University of London
Friederycke Haijer, Utrecht University
Dr Vanja Hamzić, SOAS University of London
Dr. Jeff Handmaker, International Institute of Social Studies, Erasmus University Rotterdam
Dr. Kevin Hearty, Queen’s University Belfast
Dr. Gina Heathcote, SOAS University of London
Dr. Loveday Hodson, University of Leicester
Dr. Nora Honkala, City, University of London
Emily Jones, Lecturer in Law, University of Essex
Dr. Henry Jones, University of Durham
Dr. Ioannis Kalpouzos, City, University of London
Dr. Michael Kearney University of Sussex
Dr. Asem Khalil, Vice-President for Community Affairs, H.H. Shaikh Hamad Bin Khalifa Al-Thani Chair in Constitutional and International Law, Birzeit University
Professor Laleh Khalili, SOAS University of London
Dr. Adil Hassan Khan, Melbourne Law School
Dr. Zeynep Kivilcim, Berlin Institute for Advanced Study
Kojo Koram, Lecturer in Law, University of Essex
Tor Krever, University of Warwick
Dr. Vidya Kumar, University of Leicester
Dr. Troy Lavers, University of Leicester
Anne Lagerwall, Université libre de Bruxelles
Dr. Thomas MacManus, Queen Mary University of London
Professor (Emeritus) Wade Mansell, University of Kent
Dr. Anne-Charlotte Martineau, Ecole Normale Supérieure
Alexandra Masako Goossens, Graduate Institute, Geneva
Dr. Mazen Masri, City, University of London
Dr. Akanksha Mehta, University of Sussex
Ladan Mehranvar, lawyer, SJD candidate in International Law, University of Toronto
Professor Chantal Meloni, University of Milan
Parvathi Menon, Research Fellow, Max Planck Institute for Procedure, Luxembourg
Dr. Nima Mersadi Tabari, City, University of London
Dr. Mathias Möschel, Central European University, Budapest
Dr. Usha Natarajan, The American University in Cairo
Professor Vasuki Nesiah, New York University
Professor Donald Nicolson OBE, University of Essex
Dr. Gearóid Ó Cuinn, Lancaster University
Dr. Paul O’Connell, SOAS, University of London
Professor Dianne Otto, Melbourne Law School
Dr Alice Panepinto, Queen’s University Belfast
Dr. Rose Sydney Parfitt, University of Kent/University of Melbourne
Dr. Amin Parsa, Independent Scholar, Prev., Lund University
Professor (Emeritus) Sol Picciotto, Lancaster University
Dr. Adamantia (Mando) Rachovitsa, University of Groningen
Dr. Rahul Rao, SOAS University of London
Professor Danya Reda, Peking University School of Transnational Law
Dr. John Reynolds, National University of Ireland Maynooth
Dr. Hani Sayed, American University in Cairo
Dr. Bérénice K. Schramm, Université du Québec à Montréal
Professor Iain Scobbie, University of Manchester
Moheb Shafaqyar, Refugee Law Clinic Berlin, Humboldt-University Berlin
Dr. Halla Shoaibi, Birzeit University
Dr. Adrian Smith, Carleton University
Dr. Graham Smith, University of Manchester
Dr. Nimer Sultany, SOAS University of London
Dr. Mai Taha, The American University in Cairo
Dr. Anastasia Tataryn, University of Liverpool
Sâ Benjamin Traoré, University of Neuchâtel
Dr. Ntina Tzouvala, Melbourne Law School
Dr. Umut Özsu, Carleton University
Professor Lynn Welchman, SOAS University of London
Professor David Whyte, University of Liverpool
Professor Daniel Wilsher, City, University of London
Dr. Sujith Xavier, University of Windsor
Dr. Federico Zanettin, Università di Perugia
Paola Zichi, SOAS, University of London


Note explicative

Situation de l’Université Hébraïque

Pendant la guerre de 1948, il a été décidé entre les responsables militaires israéliens et jordaniens que la zone du Mont Scopus, qui inclut les bâtiments de l’Université Hébraïque (HUJI), serait une zone démilitarisée. Après qu’Israël ait occupé la Cisjordanie (y compris Jérusalem) en 1967, le gouvernement israélien confisqua le terrain autour de l’Université Hébraïque et de l’hôpital Hadassah, et la HUJI se lança dans des plans d’expansion de grande ampleur. L’expansion s’étendit au-delà de la “zone démilitarisée” et engloba des terrains privés palestiniens. Aujourd’hui, d’importantes zones de l’Université Hébraïque se situent en territoire occupé palestinien, et sont véritablement des colonies. Les zones en questions sont marquées d’une ligne noire sur la cette carte (la ligne rouge étant la zone démilitarisée) (voir aussi ci-dessous), et comprennent : une partie des dortoirs Maiersdorf, la totalité des dortoirs Alan Bronfman, le village des étudiants, le complexe sportif Lerner Family et le terrain de tennis Gilbert.

Rôle dans le projet de colonisation

La HUJI se situe, au moins en partie, dans le territoire palestinien occupé (TPO). Ces parties sont des colonies car elles sont utilisées pour recevoir la population d’une puissance occupante dans un territoire occupé. En outre, le campus de la HUJI sur le Mont Scopus, dans sa totalité, fait partie de l’extension illégale des pouvoirs et du contrôle d’Israël sur le TPO. Cette grande institution d’éducation supérieure comprenant des milliers d’étudiants et d’employé.e.s, stimule, par sa présence dans cette zone, les activités des colons de Jérusalem Est, particulièrement dans les quartiers voisins de French Hill, Ramat Eshkol et Sheikh Jarrah et au-delà. La HUJI bénéficie de l’infrastructure des colonies, des lignes de transport et des routes d’accès, qui se trouvent toutes en territoire occupée, et dont certaines sont sur des terres privées palestiniennes. Cette infrastructure est également dessinée de manière à favoriser les colonies israéliennes et au détriment des populations locales palestiniennes. Le campus de la HUJI est partie intégrante de l’entreprise coloniale d’Israël à Jérusalem Est.

La HUJI elle-même ne considère pas l’occupation israélienne comme une occupation, et ne fait pas de distinction entre la “zone démilitarisée” et les zones occupées. En fait, la HUJI voit l’occupation d’un œil favorable et l’appelle “libération”, insinuant que le contrôle palestinien ou arabe devrait être perçu comme une occupation. Comme le dit son site internet, “le 7 Juin, la Vieille Ville de Jérusalem a été libérée, et la ville a été réunifiée. Les travaux pour rendre l’université au Mont Scopus commencèrent immédiatement, mais la totalité des rénovations et la construction du vieux/nouveau campus prirent des années.”. La HUJI récompensa également le chef des armées de l’époque, Yitzhak Rabin, d’un doctorat honorifique pour son rôle dans l’occupation, ou comme le site de la HUJI décrit son rôle “dans la réunification de Jérusalem, et pour avoir permit le retour de l’université sur le Mont Scopus.”

En 2012, le gouvernement israélien annonça le projet de construire une nouvelle faculté militaire dans les environs (qui se trouvera en totalité ou en partie en territoire TPO) à cause de sa proximité avec l’université. L’université ne s’opposa pas à ces plans, bien au contraire, elle exprima son soutien.

Les garanties données par les organisateurs au CA de la SEDI

Les organisateurs israéliens de l’événement donnèrent une série de garanties à la SEDI au sujet du forum.

Les garanties offertes par les organisateurs (basées sur des emails envoyés par la SEDI) sont :

  • faire de notre mieux pour impliquer des universitaires palestinien.ne.s à l’événement
  • faciliter les formalités de visa pour les participants de la conférence et fournir un service de vidéo conférence pour les intervenants ne pouvant se rendre en Israël
  • s’assurer qu’aucun événement du RF n’ait lieu dans les territoires occupés
  • inclure des hôtels palestiniens de Jérusalem Est à la liste d’hébergements recommandés
  • inviter des membres du gouvernement à participer à l’événement
  • assurer la sécurité et tenir informé le CA de tout changement

Certaines de ces garanties vont de soi et n’abordent pas le principal problème, qui est qu’une partie significative de la HUJI se situe en territoire occupé et, qu’en réalité, la HUJI fait partie du projet colonial et qu’organiser un événement à la HUJI est véritablement une promotion de l’occupation et des violations des droits humains qui y sont liées. Aucune des garanties fournies ne peut résoudre ces problèmes.

Plus précisément, certaines des garanties sont soit irréalisables, soit clairement offensantes pour les Palestiniens.
La garantie numéro 2 ignore le boycott répandu des institutions académiques israéliennes par les universitaires palestiniens (qui demandent également aux autres universitaires de boycotter) en réaction au rôle des universités israéliennes dans le maintien de l’occupation. Même si quelques universitaires palestiniens voulaient participer, il est très probable qu’ils ne pourraient pas s’y rendre à cause des restrictions israéliennes sur leurs déplacements.
La garantie numéro 3 “s’assurant qu’aucun événement du RF n’ait lieu dans les territoires occupés” est impossible à réaliser car la HUJI elle-même se situe en partie sur un terre occupée.
La garantie numéro 4 concernant les hôtels palestiniens de Jérusalem Est dans la liste des hôtels recommandés est irrespectueuse de la population locale palestinienne. Cela laisse entendre que le préjudice engendré par le soutien de la SEDI à l’occupation et aux colonies pourrait être réparé si les participants à la conférence avaient le choix de dépenser quelques centaines de dollars dans des entreprises palestiniennes.

La complicité de la HUJI dans l’Occupation

La HUJI est complice de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza de nombreuses manières :

  1. En plus de faire partie intégrale de l’entreprise coloniale à Jérusalem Est, elle joue activement un rôle important dans le prélèvement illégal de propriétés palestiniennes à Jérusalem Est, y compris en essayant d’expulser neuf familles palestiniennes de leurs maisons.
  2. La HUJI maintient des liens très étroits avec l’armée israélienne et les bras sécuritaires israéliens. Ces liens comprennent la coopération universitaire. Un des exemples est le Programme Talpiot, formation universitaire et militaire créée et dispensée par la HUJI et l’armée (pour voir le site internet du programme en hébreu : http://www.talpiot.mod.gov.il/traing/Pages/default.aspx). D’autres programmes universitaires inclurent des programmes sur-mesure pour le personnel des services secrets israéliens (Service de Sécurité Générale, aussi connu sous le nom de Shabak) qui est responsable de la torture des prisonniers politiques palestiniens. La HUJI fait la promotion du Service de Sécurité Générale comme potentiel employeur pour ses étudiants et diplômés.
  3. La HUJI a pris des mesures pour soutenir les soldats israéliens qui sont au combat. Pendant l’offensive de 2014 sur Gaza, la HUJI a soutenu l’effort de guerre en collectant des fonds pour et en offrant un soutien financier à ses étudiants soldats qui participaient au combat. La HUJI et ses syndicats étudiants ont mis en place une campagne de collecte de vivres pour envoyer aux soldats combattant à Gaza.
  4. A l’inverse de certaines universités en Afrique du Sud qui prirent position officiellement contre l’apartheid et le condamnèrent systématiquement, la HUJI n’a jamais fait de déclaration publique contre l’occupation et les violations des droits humains qui y sont liées. En fait, la HUJI soutien l’occupation et y fait référence en l’appelant “libération”.