Un nouveau livre important montre que le Labour (parti travailliste) n’est pas « institutionnellement raciste » mais la victime d’une campagne orchestrée d’accusations d’antisémitisme dénuées de fondement.
Si la plupart des prévisions sont correctes, la Grande Bretagne est proche d’une élection générale. Le fait que le gouvernement actuel n’ait pas de majorité et de graves divergences sur la façon de mettre en œuvre le Brexit est cause de cette situation.
Ce devrait être le moment pour le parti travailliste qui est dans l’opposition, de prendre les rênes du pouvoir et pour Jeremy Corbyn de devenir premier ministre.
En temps normal, un tel résultat aurait été inévitable. Après tout, quelle difficulté peut-il y avoir à renverser un parti conservateur qui ne laissera derrière lui qu’incompétence et qui aura été responsable du référendum ayant causé le plus de dommage de toute une vie, avec des conséquences qu’il ne peut maîtriser ?
Un échec de la direction du parti?
Mais même dans des circonstances aussi favorables, le Labour est loin d’être assuré d’une victoire. En dépit du désarroi du gouvernement sur le Brexit, son échec à stopper l’austérité qui a ruiné le pays et a conduit en grande partie au vote pour le Brexit, et la faiblesse de ses réalisations dans la plupart des autres domaines, un sondage d’opinion de l’Observer du 6 octobre, donnait toujours aux conservateurs une supériorité stupéfiante de 15 points sur le Labour.
Pire même, en septembre, selon un sondage de YouGov, la cote du dirigeant du Labour était désastreuse : 58% d’avis négatifs, en forte baisse par rapport à sa cote de 42% en 2017.
Tout cela est-il dû à un échec de la direction et à Jeremy Corbyn en particulier ? Beaucoup de gens le pensent. C’est pourquoi une proposition du Labour selon laquelle Corbyn devrait prendre la tête d’un gouvernement intérimaire à la suite d’un vote attendu de défiance envers Boris Johnson a fait l’objet d’une aussi vive opposition.
Que le leader de l’opposition remplisse ce rôle aurait pu être argumenté, mais apparemment pas quand cette personne est Corbyn. Le leader de la démocratie libérale, Jo Swinton, a été jusqu’à déclarer que Corbyn était « inapte à diriger le pays » et d’autres qualificatifs ont été mis en avant à son propos.
L’hostilité envers Corbyn, qui a commencé en 2015, est désormais acceptée comme normale dans la vie politique. C’est pourtant un phénomène qui continue à nécessiter une explication. Dès qu’il a été élu à la direction du Labour, Corbyn a été l’objet d’une campagne soutenue de dénigrement.
Nombre de ses propres députés au parlement, en particulier son adjoint, Tom Watson, se sont montrés ouvertement hostiles. Lors s’un vote de confiance sur son rôle de dirigeant en 2016, ils ont voté contre lui à 172 contre 40.
Une campagne impitoyable
La presse britannique a, en majorité, mené une campagne impitoyable pour délégitimer Corbyn comme leader politique, depuis son élection. Le ridicule et le mépris qui se sont accumulés sur lui sont sans précédent.
L’opposition de l’élite libérale à ses points de vue de gauche, le rejet de sa politique économique socialiste par le milieu des grandes entreprises et la crainte de sa position contre les armes nucléaires, tout cela joue certainement un rôle dans le tableau.
Mais on peut douter que nous en serions arrivés là si ne s’était ajoutée une campagne manifeste d’allégations d’antisémitisme contre lui. Cela s’est avéré être un coup de massue sur sa réputation dans un environnement déjà hostile.
C’est aujourd’hui une idée reçue que le Labour Party et son dirigeant sont « rongés par l’antisémitisme ». Le parti est accusé de ne pas avoir traité correctement son « problème ». De violentes allégations de racisme circulent sans inhibition, de façon étonnamment frappante lorsque la députée juive du Labour, Margaret Hodge a jeté à la tête de Corbyn qu’il était un « foutu antisémite ».
Pour aggraver cela, un documentaire de l’émission Panorama de la BBC de juillet a fait ce que beaucoup considèrent de la propagande en soutien à ces allégations. Des personnalités politiques de droite et de gauche ont adopté cette évaluation défavorable et ce point de vue s’est répandu et a persuadé de nombreuses personnes ordinaires également.
Et pourtant, comme le montre un nouveau livre important, il s’agit d’une distorsion des faits. Le Labour n’est pas « institutionnellement raciste » mais victime d’une campagne orchestrée d’accusations d’antisémitisme dénuées de fondement.
Détruire le mythe
Mauvaises nouvelles pour le Labour (Bad News for Labour) est à lire absolument par ceux qui ont mis en question la véracité des attaques contre le Labour. Dans une analyse solidement étayée par des recherches sur la preuve de l’antisémitisme du Labour, il détruit la mythologie qui s’est développée à ce sujet. Le travail de Greg Philo, qui est directeur de l’Unité des Media de l’Université de Glasgow, est bien connu depuis son précédent Mauvaises Nouvelles pour Israël, une analyse savante et convaincante des biais des media en faveur d’Israël.
Cette fois, lui et ses collègues universitaires s’en prennent au biais contre le Labour et Jeremy Corbyn. Les résultats de leur recherche révèlent une image dérangeante de falsification, d’exagération et de suppression de faits renvoyant à l’antisémitisme du Labour.
Ils notent que la couverture médiatique des accusations d’antisémitisme contre le parti et son dirigeant offre une plateforme solide à ses accusateurs alors qu’elle la refuse à ceux qui ont des points de vue divergents. Nulle part ce biais n’a été plus clair que sur ce qui est rapporté sur la « définition de travail » de l’antisémitisme de l’Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste (IHRA en anglais).
La définition de l’IHRA
La définition de l’IHRA, qui, il faut le souligner, est simplement consultative, a été rejetée par plusieurs autorités comme inadéquate. Depuis qu’elle a été acceptée par 31 États européens en 2016, seuls huit jusqu’à présent, dont le Royaume Uni, l’ont effectivement adoptée.
Mais cela n’a pas empêché les media de décrire ce faible mouvement d’adoption comme une acceptation « par chaque pays dans le monde », ni de dire que la définition est « universellement soutenue » par la communauté internationale, et même, « mondialement reconnue ».
Comme le montre le livre, la couverture médiatique de l’IHRA, la prévalence de l’antisémitisme dans le parti travailliste et les allégations de racisme contre son dirigeant ont notablement manqué d’équilibre.
Ce qui est plus perturbant est que cette distorsion semble avoir été délibérée. Et c’est sur la base de cette vague preuve que Corbyn est condamné. Les auteurs ne spéculent pas sur les causes de ce biais anti Corbyn. Mais on ne peut pas négliger le rôle de sa position pro palestinienne sur celui-ci.
Jusque là, la campagne fallacieuse d’accusations d’antisémitisme décrite dans Mauvaises Nouvelles pour Le Labour a rendu service à Israël et à ses soutiens. Si elle reste sans contradiction, elle pourrait faire que Corbyn ne devienne jamais premier ministre de Grande Bretagne.
Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’autrice et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.