Alors que le génocide israélien à Gaza vient de dépasser sa première année, l’inaction internationale alimente une vague renouvelée de violence génocidaire contre les Palestiniens

Cette semaine, nos organisations commémorent une année de honte pendant laquelle la communauté internationale a échoué à empêcher et à punir le génocide en cours d’Israël contre 2, 3 millions de Palestiniens de Gaza, et à y mettre fin. Une année remplie de deuils, de peine et de désespoir, tandis que la communauté internationale n’offre au peuple palestinien rien d’autre que des mots vides.

Cette semaine, nos organisations commémorent une année de honte pendant laquelle la communauté internationale a échoué à empêcher et à punir le génocide en cours d’Israël contre 2, 3 millions de Palestiniens de Gaza, et à y mettre fin. Une année remplie de deuils, de peine et de désespoir, tandis que la communauté internationale n’offre au peuple palestinien rien d’autre que des mots vides.

Nous rendons hommage à nos collègues qui ont été tués l’année dernière dans la machinerie génocidaire d’Israël, Nour Naser Abu Al-Nour, Dana Yaghi, et à tous ceux et toutes celles qui ont perdu des membres de leurs familles. Malgré les attaques, les dégâts et la destruction de nos bureaux et le déplacement forcé répété de nos collègues, nous avons réussi à poursuivre notre travail, documentant une pléthore d’atrocités israéliennes, dont les arrestations, les détentions, les disparitions forcées, les déplacements, les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées les femmes, l’utilisation des Palestiniens comme boucliers humains, les assassinats, la torture, la violence sexuelle et les traitements inhumains, les attaques physiques, la mort par malnutrition, et nous avons enquêté sur l’attaque contre l’école Al-Tabaeen et contre l’Hôpital indonésien, entre autres. Nous saluons nos collègues pour leur fermeté et leur courage à poursuivre leur travail face à un génocide et nous formons des voeux pour leur sécurité à un moment où aucun Palestinien n’est vraiment en sécurité.

Ce génocide en direct a vu 42000 Palestiniens tués, plus de 97700 blessés et le traumatisme de millions d’autres déplacés de force plus de dix fois, terrorisés, affamés et se voyant refuser les nécessités de base dont ils ont besoin pour survivre. La férocité des attaques d’Israël contre les Palestiniens de Gaza a été telle que 902 familles ont été effacées de l’état civil. Des milliers de Palestiniens ont été détenus ou ont disparu par la force, avec d’innombrables cas de mauvais traitements systématiques et de torture en détention, dont des violences sexuelles. Simultanément, depuis le 7 octobre 2023, Israël a augmenté de manière alarmante sa violence coloniale de plusieurs décennies contre les Palestiniens, ailleurs dans la Palestine historique. En Cisjordanie, particulièrement, Israël a augmenté sa pratique de « tirer-pour-tuer » et ses attaques militaires, qui ont mené à l’assassinat d’au moins 707 Palestiniens, y compris lors des frappes aériennes, et à la destruction étendue de l’infrastructure. De plus, l’expansion des colonies de peuplement continue sans relâche, alimentant presque quotidiennement les attaques des colons contre des Palestiniens, souvent sous la protection des forces israéliennes. Non seulement la communauté internationale n’a pris aucune mesure concrète pour faire rendre des comptes à Israel, mais la plupart des pays occidentaux ont aidé et encouragé le génocide en cours et la violence coloniale, y compris par la vente d’armes à Israël et en protégeant les responsables de toute reddition de comptes.

La grande majorité des résidents de Gaza craint de ne jamais retourner dans leurs maisons, dans leurs villes et leurs villages dont ils ont été déplacés, comme cela est déjà arrivé lors de la Nakba de 1948. Dès le tout début, il est devenu apparent qu’Israël cherche à éliminer systématiquement les Palestiniens de Gaza et à les remplacer par des colons juifs-israéliens. Cela est au coeur du projet sioniste de colonisation de peuplement d’Israël et Israël utilise ce génocide pour le faire avancer.

Malheureusement, ces craintes sont en train de devenir la réalité. Dès le 13 octobre 2023, Israël a procédé au déplacement des Palestiniens par de prétendus « ordres d’évacuation », accompagnés d’attaques incessantes, étendues et systématiques contre les Palestiniens et leur infrastructure, sans aucun endroit sûr où chercher refuge. Des plans antérieurs et des déclarations des responsables israéliens militaires ou politiques indiquent une intention claire de réimplanter Gaza, de transférer de force les habitants de Gaza hors de Gaza, et de proposer que d’autres pays acceptent les Palestiniens déplacés.

Un an plus tard, rendu folle par l’impunité — une conséquence directe de l’échec de la communauté internationale à agir —, l’armée israélienne a annoncé le 6 octobre 2024 «  une nouvelle phase  » de sa violence génocidaire contre les Palestiniens de Gaza. Le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu a mentionné qu’il étudiait le «  Plan des généraux » visant à changer la réalité de terrain à Gaza en installant un siège complet au nord de Gaza, en refusant toute entrée d’approvisionnement, en ordonnant aux Palestiniens de partir, et en annonçant que quiconque resterait serait considéré comme une cible. Au cours des sept derniers jours, l’armée israélienne a lancé une nouvelle invasion au sol et un nouveau siège dans le nord de la Bande de Gaza, coupant le camp de réfugiés de Jabaliya de la ville de Jabaliya par des dunes de sable placées aux points de sortie et d’entrée du camp, et ont émis de nouveaux ordres de déplacement forcé pour le Gouvernorat du Nord de Gaza tout entier. Cela indique que le « plan des généraux » a été mis en œuvre et vise à contrôler le pays, à faire avancer l’élimination des Palestiniens et à préparer la scène pour l’annexion et le re-peuplement israélien de Gaza. Avec environ 86% de Gaza placés sous des « ordres d’évacuation », et la vague renouvelée de violence génocidaire lancée contre les Palestiniens au nord de Gaza, affectant quelque 400000 Palestiniens, le déplacement forcé des Palestiniens hors de leurs foyers peut être considéré comme permanent par nécessité.

Un Palestinien du nord de Gaza dont l’identité est gardée anonyme, l’un des centaines de milliers de Palestiniens qui refusent de suivre les ordres de déplacement émis par l’armée israélienne, nous raconte :

« Je suis dans le nord de Gaza avec onze membres de ma famille, dont mes deux enfants. Nous avons été dans le nord de Gaza depuis plus d’un an et refusons de nous diriger vers le sud, donc nous ne répétons pas la Nakba de 1948. Nous avons enduré, et continuons d’endurer, toutes sortes de souffrances et de peines, bombardement, siège et privation des nécessités minimales pour vivre. Chacun, dans le nord de Gaza, a été déplacé au moins dix fois. Il n’y a rien de pire que ce dont nous avons été témoins et que ce que nous avons vécu au cours de l’année passée. Nous savons que la prétendue « zone humanitaire » où ils donnent aux gens l’ordre de se rendre est un mensonge et que tout endroit à Gaza est une cible pour l’armée. Pendant les cinq derniers jours depuis le début de l’attaque militaire [renouvelée] dans le nord de Gaza, particulièrement à Jabaliya, Beit Hanoun, et Beit Lahia, nous avons vécu dans un état sans précédent de peur, de panique et de terreur. Ce que nous entendons et voyons de l’intensité du bombardement aérien et de celui de l’artillerie, les ceintures de feux, la prise d’assaut des maisons et le fait de forcer les civils à partir et à se diriger vers le sud, les corps des morts jetés dans les rues, les familles prises au piège dans leurs foyers, la destruction et le bombardement de boulangeries et de citernes d’eau, l’évacuation des hôpitaux et même la séparation du Gouvernorat du nord de Gaza de la ville de Gaza, c’est seulement le début de l’évacuation du nord de Gaza et de ses résidents. Nous savons que l’objectif réel derrière tout cela est de vider le nord de ses résidents. Nous sommes conscients de cela, et nous ne permettrons pas que cela arrive, même si c’est au prix de nos vies. Malgré l’absence de toute déclaration ou annonce officielle là-dessus, ce que nous voyons sur le terrain prouve que c’est le véritable objectif. »

Depuis le tout début, nous avons alerté sur le génocide d’Israël, l’emploi de la faim comme technique de guerre, la famine, les ordres de déplacement forcé, et l’ illégalité des prétendus ordres d’évacuation d’Israël et de sa prétendue « zone humanitaire », l’extension des épidémies et des maladies, entre autres. Cependant, ces signaux d’alarme n’ont pas été entendus. L’absence de toute exigence internationale afin qu’Israël rende des comptes pour ses crimes contre le peuple palestinien depuis 76 ans a tracé la voie pour qu’il commette les plus horribles crimes, un génocide, et a enhardi Israël à atteindre des niveaux sans précédent de violence et de violations du droit international pour servir son projet colonial de peuplement en Palestine.

Nous avons essayé tous les rouages du système juridique international pour essayer d’arrêter la brutalité d’Israël et pour demander un cessez-le-feu. Nous avons interagi avec l’Assemblée générale des Nations Unies, le Conseil de sécurité, le Conseil des droits de l’homme, le Secrétaire général, le Haut Commissaire pour les droits de l’homme, les Procédures spéciales, la Commission d’enquête, et le Conseiller spécial sur le génocide, ainsi que les États tiers, la Cour pénale internationale (CPI), et la Cour internationale de justice (CIJ), entre autres. Malgré d’importants développements, beaucoup ont échoué à respecter leurs mandats et leurs obligations. Les décisions historiques de la CIJ dans la procédure « Afrique du Sud vs Israël », déterminant la plausibilité du génocide d’Israël contre les Palestiniens de Gaza, et ordonnant à Israël par trois ordonnances de mesures provisoires juridiquement contraignantes de prendre toutes les mesures pour mettre fin à tous les actes génocidaires à Gaza avec effet immédiat et de «  cesser immédiatement son offensive militaire […] dans le Gouvernorat de Rafah », demeurent inefficaces par rapport à Israël, puisque les États tiers ne prennent pas d’actions concrètes et significatives pour garantir le respect par Israël des ordonnances de la Cour. La même chose s’applique à la résolution du Conseil des droits de l’homme appelant « tous les États à cesser la vente, le transfert et le détournement des armes, des munitions et de tout autre équipement militaire, vers Israël ».

Dans son Avis consultatif sur les Conséquences juridiques des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, la CIJ, concluant, entre autre, que la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illégale et qu’il faut y mettre fin aussi rapidement que possible, a rappelé aux États leurs obligations juridiques internationales. Les États tiers ont obligation de ne pas aider ni prêter assistance au maintien d’une situation illégale, y compris en bloquant les relations prévues dans des traités et les échanges économiques avec Israël,  et en s’en abstenant, en cessant la fourniture ou le transfert des armes à Israël et en mettant en œuvre des sanctions, y compris des interdictions de voyages et des gels d’avoirs, contre les personnes réelles ou morales impliquées dans leur maintien, ainsi que cela est expliqué dans une résolution ultérieure de l’Assemblée générale des Nations Unies. Néanmoins, beaucoup d’États n’ont pas respecté ces obligations.

Sur cet épuisant terrain politique, nous avons contesté la complicité des États tiers et leur soutien d’Israël dans leurs juridictions nationales. Nous avons déposé plainte à la Cour fédérale des États-Unis contre le président Biden, le Secrétaire d’État Blinken, et le Secrétaire de la Défense Austin pour le manquement des responsables des États-Unis à empêcher le génocide israélien et leur complicité dans ce génocide. Nous avons aussi déposé plainte contre le gouvernement allemand pour leur exportation d’armes de guerre à Israël en vue d’une utilisation à Gaza. Une de nos initiatives les plus couronnées de succès a été de lancer une action juridique à la Cour fédérale d’Australie, en vue d’accéder à toutes les autorisations permettant l’exportation d’armement et d’armes à Israël, accordées à Israël par le ministre de la Défense depuis le 7 octobre 2023. Une des conséquences de cette contestation juridique a été que le gouvernement a imposé une « interdiction souple » aux exportations directes d’armements vers Israël ; cependant, cela n’inclut pas les pièces détachées et les composants, ni les exemptions pour les exportateurs, et les transferts via des États tiers comme les États-Unis, qui peuvent aboutir en Israël. Dans une veine similaire, le gouvernement du Royaume-Uni a décidé de suspendre les exportations d’armes vers Israël suite à la menace d’une nouvelle action en justice devant les tribunaux britanniques, à cause du risque de faciliter des violations sérieuses du droit humanitaire international par Israël à Gaza, tout en permettant le commerce indirect des composants des avions de chasse F-35. À la lumière de cette suspension partielle, nous continuons les actions en justice pour une interdiction totale des armes fournies à Israël, donc des exportations de pièces détachées des avions de chasse F-35 à Israël — qu’elles soient directes ou indirectes, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, et ailleurs.

Cependant, tous ces efforts sont insuffisants, compte tenu de la déprimante réalité qu’aucun mécanisme d’application de la loi n’existe dans le système international et qu’il manque une volonté politique authentique de faire pression sur Israël afin qu’il respecte le droit international. Le soutien constant des États-Unis à Israël a renforcé ce dernier à mettre en œuvre une guerre totale sans aucune considération du droit — celui-ci a été déformé et invoqué comme « camouflage » pour légitimer son génocide à Gaza. Les États-Unis continuent à fournir de l’armement à Israël par milliards de dollars américains et à lui accorder un soutien militaire et politique. Cela a aussi pris la forme de menaces de représailles et d’intimidation des membres de la CPI et leurs familles, d’un soutien à une campagne de délégitimation et d’élimination contre l’UNRWA [l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient] et d’un soutien de renseignements et de logistique pour exécuter le massacre de Nuseirat commis par les forces israéliennes le 8 juin 2024, via des véhicules civils qui auraient infiltré le camp de réfugiés en utilisant un ponton construit par les États-Unis. Le soutien américain à Israël est évident dans ses positions à l’intérieur des Nations Unies, où les États-Unis ont bloqué cinq projets de résolution au Conseil de sécurité, la plupart visant à imposer un cessez-le-feu. Des quatre résolutions en relation avec Gaza qui ont été approuvées, trois ont été adoptées avec l’abstention des États-Unis. Cela dit, le Conseil de sécurité n’a réussi à faire appliquer aucune de ces résolutions.

La gravité de la situation à Gaza a exigé encore l’intervention de la CPI, en tant que tribunal de dernier recours pour obtenir justice pour les Palestiniens. Alors que le travail de la CPI sur la situation dans l’État de Palestine a été marqué par des difficultés sans égales tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la CPI, les interventions d’États dans les procédures de justice ont augmenté après l’annonce depuis longtemps attendue de l’application des mandats d’arrêt déposée par le Bureau du procureur. Les procédures d’amicus curiae déclenchées par le Royaume-Uni sur des questions de juridiction qui avaient été déjà décidées par la Chambre de pré-procès en 2021 et les positions de plusieurs États contre la juridiction de la CPI en ce qui concerne la situation en Palestine, ont encore retardé l’émission des mandats d’arrêts et la justice à la CPI.

Une année de plus et l’échec continu des États à satisfaire à leurs obligations internationales d’empêcher un génocide et d’y mettre fin, et de garantir le respect du droit international reste inébranlable. Seuls quelques États ont donné l’exemple d’une action d’État face au génocide, comme la Colombie en bannissant les exportations de charbon vers Israël et en coupant des liens diplomatiques, l’Afrique du Sud en demandant des comptes à Israël devant la CIJ, la Malaisie en bannissant de ses ports tous les navires israéliens ou se dirigeant vers Israël, le Mexique, le Chili, l’Afrique du Sud, Djibouti, le Bangladesh, la Bolivie et les Comores en rapportant la situation de l’État de Palestine à la CPI, et la Belgique, l’Irlande et l’Islande en contribuant financièrement à la CIJ pour soutenir l’enquête du procureur en relation avec Gaza. Au contraire, des États, dont beaucoup d’États européennes, continuent leurs affaires avec Israël comme « business as usual » et ils ont complètement négligé les souffrances des Palestiniens dans leurs déclarations marquant l’anniversaire du 7 octobre. Le génocide en cours à Gaza a mis à jour l’hypocrisie et le double standard du Nord global concernant l’ordre international basé sur des règles, alors que le Sud global s’est rallié aux Palestiniens et au respect de l’ordre juridique international, exposant les biais de ce dernier. 

Nous, Centre palestinien pour les droits humains Al-Haq, et Al Mezan, renouvelons notre engagement à poursuivre notre plaidoyer pour une reddition de comptes et pour la justice envers le peuple palestinien qui a subi un génocide d’une année à Gaza, et 76 ans d’apartheid israélien, de colonialisme de peuplement et d’une Nakba continue.

  • Photo : Crédit photo: Mohammad Zaanoun, Activestills Collective