Déshabillés, battus et les yeux bandés : de nouvelles recherches révèlent les violences et les abus dont sont victimes les enfants palestiniens détenus par l’armée israélienne.

Ramallah, 10 juillet – Les enfants palestiniens placés dans le système de détention militaire israélien sont confrontés à des violences physiques et psychologiques, quatre sur cinq (86%) d’entre eux étant….

Ramallah, 10 juillet – Les enfants palestiniens placés dans le système de détention militaire israélien sont confrontés à des violences physiques et psychologiques, quatre sur cinq (86%) d’entre eux étant battus et 69% soumis à des fouilles à nu, selon une nouvelle étude menée par Save the Children. Près de la moitié d’entre eux (42 %) sont blessés au moment de leur arrestation, notamment par balle ou par fracture. Certains font état de violences à caractère sexuel et d’autres sont transférés au tribunal ou d’un centre de détention à un autre dans de petites cages, selon l’organisation de défense des droits de l’enfant.

Cette nouvelle étude intervient alors que le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 présente aujourd’hui au Conseil des droits de l’homme des éléments d’information sur les enfants palestiniens en détention. On estime qu’entre 500 et 1000 enfants sont détenus par l’armée israélienne chaque année.

Save the Children affirme que ces pratiques constituent une préoccupation majeure et de longue date en matière de droits de l’homme et demande au gouvernement israélien de mettre fin à la détention d’enfants palestiniens au titre de la loi militaire et à leur poursuite devant des tribunaux militaires.

Save the Children et une organisation partenaire ont consulté 228 enfants ayant été détenus dans toute la Cisjordanie, pour une période entre un et 18 mois, et ont constaté que la plupart des enfants sont battus, menottés et ont les yeux bandés lors de leur arrestation. Ils sont également interrogés dans des lieux inconnus, sans la présence d’un proche, et sont souvent privés de nourriture, d’eau et de sommeil, ou de l’accès à un avocat, selon l’étude. Le principal crime présumé pour ces détentions est le jet de pierres, qui peut entraîner une peine de 20 ans de prison pour les enfants palestiniens.

Khalil*, qui a été détenu à l’âge de 13 ans, a déclaré qu’il ne recevait pas les soins de santé essentiels :

‘J’étais blessé à la jambe, j’avais un plâtre et je devais ramper pour pouvoir me déplacer. Je sentais mon corps se déchirer. Je n’avais pas de cannes pour m’aider à marcher, j’ai demandé sans cesse de l’aide aux soldats pendant le transfert, mais personne ne m’a aidé’.

Cette nouvelle étude fait suite au rapport 2020 de Save the Children intitulé ‘Sans défense’ et révèle que l’impact des abus physiques et émotionnels pendant la détention a augmenté de façon spectaculaire, avec des conséquences profondes sur la capacité des enfants à se rétablir.

Khalil* poursuit : ‘Le soldat a menacé de me tuer lorsqu’il m’a arrêté pour la deuxième fois. Il m’a demandé ‘tu veux subir le même sort que ton cousin ?’, car il a été tué. Il m’a promis que je subirais le même sort et que je mourrais, mais qu’il m’enverrait d’abord en prison. Il m’a dit qu’il reviendrait pour moi – et chaque jour, j’attends que ce jour arrive’.

Certains enfants ont déclaré qu’ils pensaient que les différents types de violences avaient pour but de les pousser à avouer des choses fausses afin d’incriminer d’autres personnes, y compris des membres de leur famille.

Yasmeen*, la mère d’Ahmed* détenu à l’âge de 14 ans, a déclaré : : ‘Pendant l’interrogatoire, ils ont convaincu Ahmed* de dénoncer son frère en échange de sa libération. Il était naïf et ne comprenait pas ce qui se passait. Il a dit ce qu’ils lui ont dit de dire ; quelques jours plus tard, ils sont venus chez nous et ont arrêté mon autre fils.

La nouvelle étude de Save the Children a montré que :

  • Lors de l’arrestation, 42% des enfants ont été blessés, notamment par balle et par fracture, et 65% des enfants ont été arrêtés pendant la nuit, principalement entre minuit et l’aube. La moitié des arrestations ont eu lieu dans la maison des enfants.
  • La majorité des enfants ont subi des niveaux effroyables de violence physique et émotionnelle, notamment en étant battus (86 %), menacés de blessures (70 %) et frappés avec des bâtons ou des fusils (60 %).
  • Certains enfants ont fait état de violences et d’abus de nature sexuelle, notamment de coups ou d’attouchements sur les parties génitales, et 69% ont déclaré avoir été fouillés à nu.
  • 60 % des enfants ont été soumis à l’isolement cellulaire, la durée variant d’un jour à 48 jours.
  • Les enfants n’ont pas accès aux services de base, 70 % d’entre eux disent avoir souffert de la faim et 68 % déclarent n’avoir pas reçu de soins de santé.
  • 58% des enfants ont été privés de visites ou de communication avec leur famille pendant leur détention.
  • La majorité des enfants détenus sont des garçons – une tendance reflétée par l’enquête, les garçons représentant 97% des personnes interrogées.

Les enfants sont de plus en plus incapables de retrouver une vie normale après leur sortie de détention, le nombre d’enfants faisant fréquemment des cauchemars étant passé de 39 % à 53 % et ceux souffrant d’insomnie ou de difficultés à dormir montant en flèche, de 47 % à 73 % par rapport aux enfants interrogés en 2020.

Lana*, la mère de Mohammed*, détenu à l’âge de 14 ans, a déclaré : ‘Après la libération de mon fils, il a voulu rester à mes côtés et dormir près de moi. Il refuse de quitter la maison. Cela nous a interpellé ; j’ai l’impression qu’il est traumatisé. Il a été arrêté un mardi soir, et maintenant, chaque mardi, il a l’impression qu’ils viennent le chercher’.

L’étude de Save the Children a également montré que l’intérêt et l’espoir des enfants dans l’avenir ont diminué, passant de 96 % en 2020 à 68 % en 2023, une évolution alarmante dans un contexte où l’aide psychosociale est limitée.

Jason Lee, directeur national de Save the Children dans les territoires palestiniens occupés, a déclaré :

‘Chaque année, environ 500 à 700 enfants palestiniens entrent en contact avec le système judiciaire militaire israélien ; ce sont les seuls enfants au monde à faire l’objet de poursuites systématiques devant des tribunaux militaires. Nos recherches montrent – une fois de plus – qu’ils sont victimes d’abus graves et généralisés de la part de ceux qui sont censés s’occuper d’eux.

‘Rien ne justifie que l’on batte et mette à nu des enfants, qu’on les traite comme des animaux ou qu’on les prive de leur avenir. Il s’agit d’une crise de protection de l’enfance qui ne peut plus être ignorée. Il faut enfin mettre fin à ce système de détention militaire abusif’.

Save the Children demande au gouvernement israélien de respecter tous les droits de l’enfant et le droit international. Aucun enfant ne devrait être poursuivi devant des tribunaux militaires ou tout autre tribunal qui ne respecte pas les droits à un procès équitable et les normes de la justice pour mineurs. Save the Children demande un moratoire immédiat sur l’arrestation, la détention et la poursuite d’enfants par les autorités militaires israéliennes.

(fin de l’article)

NOTES AUX RÉDACTEURS

Une note sur la méthodologie :

Au total, 228 enfants antérieurement détenus ont participé à cette étude réalisée par Save the Children et YMCA. Parmi eux, 177 enfants ont répondu à des enquêtes et 51 ont pris part à des groupes de discussion. Deux autres groupes de discussion ont été organisés avec des parents dont les enfants avaient été détenus. Tous les enfants participants étaient âgés de 12 à 17 ans au moment de leur détention et de 15 à 21 ans au moment de leur participation à l’étude. Tous ces enfants ont été détenus au cours des trois dernières années, la majorité d’entre eux (71%) l’ayant été au cours de l’année écoulée.

Une combinaison d’approches quantitatives et qualitatives, y compris des enquêtes et des groupes de discussion, a été appliquée pour s’assurer que les perspectives et les expériences des enfants palestiniens qui ont connu l’arrestation et la détention étaient au cœur de l’étude. Leur expérience concorde avec l’évaluation de Military Court Watch (veille des tribunaux militaires) et suggère que la grande majorité des 38 recommandations de l’UNICEF visant à garantir un système conforme aux normes internationales de la justice pour mineurs et au droit international n’ont pas été mises en œuvre de manière substantielle.

Vous pouvez consulter le rapport 2020 de Save the Children sur les enfants palestiniens en détention, Defenceless (sans défense), à cette adresse : https://resourcecentre.savethechildren.net/document/defenceless-impact-israeli-military-detention-palestinian-children/

Save the Children travaille avec les enfants palestiniens depuis les années 1950, avec une présence permanente dans les territoires palestiniens occupés (TPO) depuis 1973. Notre équipe travaille dans l’ensemble de ces territoires, avec plus de 30 partenaires, pour veiller à ce que les enfants survivent, aient une chance d’apprendre, soient protégés contre tous les types d’abus et que tous les acteurs s’engagent à respecter la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE).

Save the Children estime que chaque enfant mérite un avenir. Depuis notre création il y a plus de 100 ans, nous avons changé la vie de plus d’un milliard d’enfants. Dans le monde entier, nous donnons aux enfants un bon départ dans la vie, la possibilité d’apprendre et la protection contre les dangers. Nous faisons tout ce qu’il faut pour les enfants, chaque jour comme en temps de crise, pour transformer leur vie et l’avenir que nous partageons.

*Le nom a été modifié pour protéger l’anonymat.