Des mesures supplémentaires de boycott contre Israël sont requises, y compris le boycott universitaire

Des discussions sur diverses mesures de boycott qui sont, ou seront, utilisées contre Israël – et dans le champ universitaire et plus largement – sont fondées sur des hypothèses qu’il….

Des discussions sur diverses mesures de boycott qui sont, ou seront, utilisées contre Israël – et dans le champ universitaire et plus largement – sont fondées sur des hypothèses qu’il faudrait remettre en question.

Selon l’un de ces faux postulats, il s’agit d’une menace que l’État d’Israël a le plus grand intérêt à combattre. Pourtant, les boycotts de ce genre servent les véritables intérêts de l’État. Ils peuvent ne pas servir les intérêts de certains groupes dans l’État, ou ceux du gouvernement israélien, peut-être même ce que certaines personnes pensent être les intérêt de l’État. Mais cela n’a pas d’importance – l’État d’Israël a intérêt à être correct, en ne poursuivant pas plus longtemps une politique d’oppression et d’apartheid et en étant sauvé des mâchoires anti-démocratiques qui mordent dans son cou. S’il y a une chance que les boycotts y aident, tant mieux.

Un deuxième faux postulat, c’est que l’État d’Israël serait une démocratie juste et que, par conséquent, toute tentative d’interférence dans sa politique est une faute (et peut-être antisémite). Mais il n’y a qu’en Israël que l’on peut argumenter au nom de la démocratie sur des arrangements qui perpétuent l’occupation et l’oppression violente de millions de personnes pendant 55 ans, sans aucune intention de mettre fin à une situation dans laquelle ceux qui sont sous contrôle n’ont aucune influence sur leurs souverains. L’ exigence présentée à ceux d’entre nous qui persistent toujours à combattre l’occupation, a savoir se plier à la décision de la majorité oppressive – prétendument fondée sur des principes démocratiques – sans donner la parole aux millions de personnes sous occupation, est hypocrite et ridicule.

En d’autres termes, si nous voulons que les honnêtes gens du monde entier (et de nombreux supporters des mesures de boycott, même si pas tous, sont d’honnêtes gens) cessent de nous voir comme des lépreux moraux, nous devons cesser d’être des lépreux moraux.

La justification essentielle des mesures de boycott est aussi simple que convaincante : l’occupation ne prendra probablement pas fin tant que les Israéliens ne trouveront pas très gênant de la poursuivre. Il est facile de comprendre qu’il y a des mesures qu’on ne peut justifier même pour cette raison (par ex. le terrorisme contre des citoyens innocents). Mais les mesures de boycott sont des mesures non-violentes et, étant données les horreurs de l’occupation et de l’oppression, et le fait que l’État d’Israël n’a montré aucune intention de parvenir à une solution raisonnable, certaines mesures de boycott sont parfaitement légitimes. Nier cette revendication signifie qu’une nation sous oppression n’a le droit d’agir d’aucune façon – même non violente – contre ses oppresseurs. Une personne honnête n’acceptera pas une situation de ce genre (ni l’hypocrisie qui consiste à déclarer des actions non violentes et parfaitement mesurées comme étant du « terrorisme juridique » ou du « terrorisme économique ».

Si c’est ainsi que sont les choses en général, que peut-on dire spécifiquement du boycott universitaire ?

Premièrement, il faut dire qu’il n’existe rien de tel qu’un « boycott universitaire ». Il existe diverses mesures de boycott, avec de grosses différences entre elles. Ainsi par exemple, la décision de ne pas venir en Israël pour une conférence universitaire qui ignore la réalité de l’occupation représente un type d’action, tandis que la décision de refuser d’examiner des articles écrits par des Israéliens dans une revue universitaire internationale en représente un autre. Dans de nombreuses circonstances, la première action serait justifiée, tandis que la seconde ne le serait pas. Le plus souvent, examiner diverses mesures et les conditions dans lesquelles elles sont justifiées est plus utile que la question bien trop générale de savoir quand un boycott universitaire est justifié.

De même, il faut faire une distinction entre des mesures de boycott académique contre Israël et des mesures partielles de boycott, par exemple contre l’université d’Ariel. Essayer de brouiller la distinction entre ce genre de mesures est encore une autre tentative pour ignorer la ligne verte et avec elle la réalité de la vie de millions de personnes privées de tous droits politiques ou juridiques sous occupation et sous oppression. Même si la loi israélienne sur le boycott le stipule autrement, il n’y a pas de raison de penser que boycotter l’université d’Ariel est équivalent à boycotter l’université de Tel Aviv ou l’université de Haïfa.

Les mesures de boycott universitaire sont toujours problématiques. Elles peuvent porter préjudice à la science, à la carrière de jeunes chercheurs, ou peut-être même à la collégialité intellectuelle elle même. Par conséquent, il ne faudrait pas sous-estimer leur portée. Il est important de s’assurer que leur coût n’excède pas leur profit. Par conséquent, singulariser l’académie israélienne pour le boycott ne serait pas justifié : alors que cette dernière est impliquée dans l’occupation, son implication ne dépasse pas, en général, celle de chaque Israélien (et quand l’implication d’une unité universitaire est plus centrale, telle que l’université d’Ariel, les mesures de boycott sont en fait plus justifiables). Je ne pense pas que quiconque puisse sérieusement soutenir que la situation professionnelle de plusieurs universitaires choquera le public israélien ou les décideurs israéliens jusqu’à reconsidérer leur soutien à l’occupation.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas de raison de singulariser le travail universitaire comme particulièrement digne d’un boycott. Mais il n’y a pas non plus de raison de lui accorder une protection particulière contre des mesures justifiables de boycott. J’espère que l’État d’Israël aura à affronter de plus en plus de mesures de boycott de diverses sortes. J’espère que celles-ci seront essentiellement des mesures plus efficaces : celles qui infligent un fardeau financier, spécialement sur l’élite économique ; celles qui rendent difficile aux Israéliens de montrer leur visage au monde ; celles qui nuisent à la représentation israélienne dans le sport mondial. Dans ce cas, dans le cadre d’une campagne non-violente de boycott contre la politique d’Israël, penser que les cercles universitaires devraient être exemptés des conséquences de la lutte me semble ridicule, et quelque peu narcissique aussi. Dans ces conditions, j’accueillerais avec plaisir de très nombreuses mesures de boycott universitaire.