Les visiteurs de Cisjordanie sommés de déclarer leurs histoires d’amour alors qu’Israël introduit des règles strictes

Des restrictions pour les personnes qui tombent amoureuses d’un-e Palestinien-ne font partie des mesures qui devraient peser sur l’économie et le monde universitaire et toucher les agences d’aide.

Israël a mis en place des règles strictes qui limitent la possibilité pour les étrangers d’entrer et de séjourner en Cisjordanie occupée malgré les critiques à l’international de ces mesures, qui comportent la déclaration obligatoire des relations amoureuses.

Une ordonnance de 90 pages qui remplace le document précédent de quatre pages a pris effet jeudi pour une période pilote de deux ans. On s’attend à ce qu’elle pèse sur l’économie et le monde universitaire palestiniens et sur le travail des agences d’aide, et qu’elle crée des complications pour des centaines de milliers de familles palestiniennes binationales, qui ont déjà du mal à s’y retrouver dans un système de permis alambiqué.

Presque tous les ressortissants étrangers qui viennent faire du bénévolat, travailler ou étudier en Cisjordanie n’obtiendront qu’un visa à entrée unique, certains n’étant valables que trois mois, et devront partir entre les visas et attendre – dans certains cas plus d’un an – avant de refaire une demande d’admission. Dans la plupart des cas, la résidence se limite à une période de 12 à 27 mois, rendant la vie de famille et un emploi sur la durée presque impossibles.

« La crainte de l’enracinement » – s’installer et rester en Cisjordanie pour une longue durée – est un motif de refus d’une demande d’extension de visa, et les personnes devront partir et attendre hors de la région jusqu’à ce que des décisions supplémentaires sur les visas ou les permis soient prises.

Les personnes nées en Jordanie, en Égypte, au Maroc, au Bahreïn et au Sud Soudan – même si elles ont la citoyenneté d’un deuxième pays – sont maintenant interdites en Cisjordanie, excepté dans des circonstances exceptionnelles. Environ 50 % de la population jordanienne est d’origine palestinienne.

Le Cogat, organe militaro-civil responsable de la politique gouvernementale dans les territoires palestiniens occupés, a pour la première fois présenté les nouvelles règles en février. Leur mise en place a été retardée et le texte plusieurs fois revu après une contestation juridique de la part des associations de défense des droits invoquant l’officialisation de pratiques discriminatoires.

Ces propositions ont fait les grands titres en juillet quand les médias internationaux ont repris une clause déclarant que les étrangers devaient informer les autorités israéliennes dans un délai de 30 jours s’ils tombaient amoureux d’un-e Palestinien-ne.

Le délai d’un mois pour déclarer une relation amoureuse et le visa avec période de réflexion pour les nouveaux mariés a disparu de la formulation finale du document, mais les organisations palestiniennes et de défense des droits disent qu’il exige toujours des ressortissants étrangers de déclarer leurs intérêts amoureux, ainsi que les informations non liées à la sécurité telles que la propriété ou l’héritage, au gré de la demande des autorités israéliennes.

Les quotas sur le nombre de chargés de cours et d’étudiants étrangers ont été supprimés et des dispositions ont été prises pour des visas de longue durée pour les médecins et les professeurs. Cependant, les nouvelles procédures permettent toujours des quotas sur les catégories de visas à introduire « en accord avec l’interaction de considérations pertinentes, y compris la situation politico-sécuritaire ».

Le Cogat n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires sur la possibilité de différences substantielles dans le texte sur les règles par rapport aux versions précédentes.

HaMoked, organisation israélienne à but non lucratif axée sur les droits juridiques des Palestiniens, a déposé en juin une injonction alléguant des critères discriminatoires et restrictifs, mais la pétition a été rejetée au motif qu’elle était prématurée.

Les personnes concernées doivent essayer de travailler dans le cadre des nouvelles procédures et commencer par épuiser toutes les options administratives possibles. Aussi, quand des binationaux ou des bénévoles étrangers ou quiconque se voit refuser l’entrée en Cisjordanie, c’est alors que nous pouvons déposer une nouvelle pétition en leur nom », a dit Jessica Montell, directrice exécutive d’HaMoked.

« La question essentielle ici n’est pas de distinguer la nature arbitraire et alambiquée des nouvelles règles ; c’est qu’aucune d’entre elles n’a un fondement juridique, a-t-elle dit. « Conformément au droit international, l’armée israélienne n’est autorisée à travailler que dans l’intérêt de la population occupée, ou de ses propres besoins sécuritaires. Il est évident que ni l’une ni l’autre de ces restrictions ne progresse. »