Le Conseil étudiant de l’université de Columbia adopte un projet de scrutin pour un référendum de désinvestissement d’Israël

Trois ans après la première présentation du projet de scrutin au Conseil Etudiant de l’université de Columbia (CCSC), les représentants élus ont voté à bulletin secret par 25 voix contre….

Trois ans après la première présentation du projet de scrutin au Conseil Etudiant de l’université de Columbia (CCSC), les représentants élus ont voté à bulletin secret par 25 voix contre 12 en faveur d’un référendum pour jauger la part de soutien des étudiants au désinvestissement éventuel de l’université « des sociétés qui profitent de ou s’engagent dans les actions d’Israël contre les Palestiniens qui, selon Désinvestissement de l’Apartheid de l’Université de Columbia (CUAD), relèvent de la Convention Internationale des Nations Unies sur l’Elimination et la Répression du Crime d’Apartheid contre les Palestiniens. »

Le vote de dimanche soir fait suite à deux précédentes tentatives du CUAD de faire adopter son projet de scrutin par le CCSC. Depuis 2016, le CUAD a lancé des projets similaires avec diverses organisations étudiantes. En mars 2018, les étudiants de Barnard ont adopté un référendum, avec 64,3 % de votants favorables, qui appelait l’Association Dirigeante des Etudiants à écrire une lettre aux administrateurs pour soutenir le désinvestissement.

Au printemps dernier, le CCSC a rejeté, également à bulletin secret, l’idée d’un référendum – avec 20 membres contre, 17 pour, et une abstention – marge plus étroite que celle de 2017 dans laquelle les membres avaient voté très majoritairement contre.

En amont de la réunion de dimanche, les associations étudiantes se sont réunies au cinquième étage de Lerner Hall dans la salle Jed. D Satow, soit en soutien, soit en opposition au projet de scrutin. Avant le début des déclarations, la salle Satow a vite été remplie, amenant plus de 100 observateurs à occuper la salle annexe pour suivre en streaming live.

Par une série de déclarations pleines d’émotion, quantité d’étudiants favorables au projet de scrutin ont mis en avant les nombreuses identités entrecroisées qui sont impactées par l’occupation israélienne. Ces étudiants ont indiqué les 34 associations étudiantes qui ont toutes soutenu la proposition de CUAD – y compris l’Organisation des Etudiants Noirs, Pas de Bureaucratie, et le Conseil des Amérindiens – comme une preuve que le débat sur Israël-Palestine a une présence significative sur les campus.

« De même que notre oppression est interconnectée, de même l’est notre solidarité, les uns avec les autres. Nous espérons que vous aurez ces vérités en tête au fur et à mesure que la réunion avance, même alors que vous pourriez ne pas avoir la chance d’entendre toutes ces voix ce soir », a dit Nas Abd Elal, CC 2020, membre d’Étudiants pour la Justice en Palestine.

Les partisans du projet de scrutin ont par ailleurs insisté sur leur croyance en la nécessité d’avoir des débats sur ces questions sur le campus et de donner aux étudiants la possibilité d’exprimer leurs opinions.

« Il n’est pas question d’étouffer les opinions déjà exprimées nationalement et sur ce campus », a dit Siri Ketha, BC 2023, et membre d’Etudiants pour la Justice en Palestine et de l’Alliance des Féministes d’Asie du Sud. « En réalité, ne pas autoriser cette question à être adoptée constituerait une entrave directe au soi-disant dialogue que vous souhaitez promouvoir. Comment ce dialogue pourrait-il être promu si ce débat reste confinée spécifiquement dans cette salle ? »

Beaucoup d’étudiants dans l’opposition ont également souligné l’importance d’avoir des débats autour de ces sujets, mais organisées différemment. Bien qu’aucune action de l’administration ne soit garantie à la suite des résultats du référendum, certains soulignent même qu’ouvrir ce référendum aux étudiants aurait des impacts négatifs et diviserait le corps étudiant.

D’autres – dont les membres des associations étudiantes Aryeh, Hillel, J. Street, et Etudiants en Soutien d’Israël – avancent que le vocabulaire chargé du référendum comme le mot « désinvestir », qui fait allusion au mouvement BDS, ne permettrait pas aux étudiants de s’engager dans le débat de façon objective.

« Nous ne voulons pas que [les débats] se tiennent à travers cette question beaucoup trop simplifiée sur ce sujet incroyablement complexe. Nous voulons avoir des événements, nous voulons avoir des débats », a dit Jonathan Cohen, CC 2021, et directeur des communications d’Aryeh. « C’est un débat dont nous voulons qu’elle ait lieu et ce ne devrait pas avoir lieu à travers une question, à travers un référendum imposé de force aux étudiants . »

Aaron Hibsoosh, CC 2022, et représentant des services étudiants du CCSC, a partagé ce sentiment.

« Je crois que créer un référendum aussi litigieux et qui crée visiblement une telle division dans le corps étudiant sera avant tout contre-productif face aux efforts pour promouvoir l’unité et de sains débats », a dit Hibsoosh.

Au vu de ces déclarations, les membres du conseil ont rappelé aux orateurs que le conseil voterait pour savoir si on évaluait le point de vue des étudiants sur cette question plutôt que de prendre position sur le conflit israélo-palestinien. Sénatrice à l’université, Heven Haile, CC 2021, a fait remarquer que c’était « une question de démocratie » en permettant aux débats entre étudiants d’exister.

« Je suis un peu inquiète parce que, si nous ne pouvons pas discuter de nos valeurs en tant que société ou population de ce campus, comment pouvons nous avancer ensemble ? Et bien sûr, cette question est litigieuse, comme le sont toutes les questions importantes », a dit Haile. « Nous ne pouvons mettre sous surveillance les informations sur lesquelles [les étudiants] sont amenés à voter ; ce n’est pas notre job. »

Pour Jesus Guerra Ocampo, CC 2020, le fait que ce projet de scrutin ait été présenté ces trois dernières années est la preuve que les étudiants sont impatients de participer à ce débat.

« Ce que je comprends c’est que, dans mes quatre années ici à Columbia, le fait que ce soit la troisième fois que ce sujet arrive au Conseil Etudiant de l’Université de Columbia reflète une sorte d’échec démocratique, qu’à maintes reprises les étudiants ont exprimé un désir de connaître l’opinion du corps étudiant et qu’à maintes reprises, ce n’a pas été le cas et qu’ils n’y ont pas été autorisés », a dit Guerra Ocampo.

De nombreux étudiants opposés au projet de scrutin ont cité le courriel de la présidente de Barnard, Sian Bellock, en réponse à l’adoption du référendum par le corps étudiant de Barnard, dans lequel elle disait que l’université n’agirait pas si le Gouvernement étudiant le lui demandait étant donné le petit nombre d’étudiants qui avaient voté et l’opposition des étudiants et des diplômés. Cependant, Guerra Ocampo a dit que, en tant que corps étudiant opposé, le CCSC a la responsabilité de communiquer à l’administration la forte demande de débats.

Le CCSC ajoutera le référendum au scrutin électoral du Printemps 2020, qui se tient généralement en avril, dont les résultats seront présentés au Comité Consultatif sur les Investissements Socialement Responsables (ACSRI), qui évalue si la réponse de la communauté indique que la communauté de Columbia jouit d’un large consensus sur un sujet donné et garantit ainsi un débat sérieux sur le désinvestissement.

A la suite du vote, l’université a publié un communiqué qui disait que les questions de désinvestissement ne sont pas décidées par le référendum, mais à l’aide d’un processus impliquant l’ACSRI – soulignant que, au cours des cinq dernières années, l’ACSRI a approuvé le désinvestissement des prisons privées et des entreprises publiques dont l’activité principale est la production de charbon thermique. Si le référendum pousse l’ACSRI à reconsidérer l’investissement de Columbia, le comité présentera la proposition au président de l’université Lee Bollinger et au Conseil des Administrateurs.