Des artistes arabes se retirent d’un salon régional dans une ville arabe israélienne

Des artistes, originaires de France et du Liban, disent qu’on ne les pas informés que leurs œuvres seraient présentées ; Réponse du conservateur : Retrait collectif dû à l’influence de BDS.

Cinq artistes arabes bien connus, dont on avait prévu de montrer les œuvres dans une exposition régionale plus tard cette semaine dans la ville arabe israélienne de Sakhnin, ont demandé que leurs œuvres soient retirées de l’événement.

Les cinq artistes, dont les œuvres devaient être exposées à la Troisième Biennale Méditerranéenne, sont Zineb Sedira, franco-algérienne, Bouchra Khalili et Yto Barrada, tous deux franco-marocains, Walid Raad, libano-américain, et Akram Zaatari, citoyen libanais. Le thème de la biennale, qui ouvre jeudi et se poursuit jusqu’au 16 décembre, est « Déplacés ».

Le conservateur de la biennale, l’artiste israélien Belu-Simion Fainaru, a dit qu’il y a environ 18 mois, il avait pris contact avec la FRAC, musée d’art contemporain en France, et avait demandé à emprunter des œuvres vidéo des artistes. La FRAC avait accepté, contre paiement.

Mais quand Haaretz a contacté les artistes, ils ont dit qu’ils n’avaient découvert que le week-end dernier – grâce à une lettre d’information en ligne publiée par la plate-forme d’information e-flux – que leurs œuvres seraient présentées dans une exposition israélienne. Ils ont immédiatement contacté le directeur de la FRAC, Pascal Neveux, lui demandant de dire au conservateur Fainaru de retirer leurs œuvres de la biennale et leurs noms de toute la communication.

Dans son courriel à Fainaru, dont une copie a été envoyée à Haaretz, Neveux disait que les artistes n’avaient pas reçu des organisateurs de la biennale les documents nécessaires, dont le dossier de presse et les articles parus, afin qu’ils puissent consentir à l’utilisation de leurs noms et de leur art.

Zaatari a dit dans un courriel à Haaretz que la FRAC a l’autorisation générale de prêter à d’autres les œuvres des artistes, mais a écrit qu’en tant qu’artiste libanais, la loi lui interdit d’exposer en Israël. Il a dit qu’il respecte cette loi, qu’il n’a jamais accepté de s’exposer en Israël ou de vendre à des collectionneurs israéliens, et qu’il considère que la décision de la FRAC de prêter son travail à la biennale est naïve et irresponsable.

Par ailleurs, Zaatari a écrit qu’il ne veut pas que son œuvre serve de véhicule de transmission pour une idéologie nationaliste et qu’il n’est pas d’accord avec la vision européenne qui est que les œuvres d’art devraient pouvoir être montrées n’importe où.

Dans un post sur Facebook, Zaatari a dit qu’il était choqué que la FRAC ne sache pas que les artistes arabes refusaient de manière générale de s’exposer en Israël et qu’elle n’avait évidemment pas compris son œuvre en choisissant de l’utiliser comme une sorte de monnaie diplomatique.

L’oeuvre que la FRAC avait choisi de prêter à la biennale, a-t-il fait remarquer, était « Saïda, 6 juin 1982 », qui est construite sur des photos qu’il avait prises quand il avait 16 ans, le premier jour de l’invasion du Liban par Israël. Zaatari a ajouté qu’il avait passé les trois années suivantes de sa vie sous occupation israélienne.

L’artiste-conservateur Fainaru a dit du retrait collectif de ces artistes de l’exposition que c’était une décision politique influencée par le mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) dont le but est de viser Israël dans tous les domaines possibles, y compris les arts.

« Malheureusement », a-t-il écrit dans une déclaration, « l’art est devenu politique et perd son réel pouvoir qui est de créer de l’amour et de la solidarité entre les peuples ».

Fainaru a fait remarquer que les œuvres en question devaient être présentées « à la population palestinienne du nord d’Israël, dans les villes de Sakhnin, Arabeh et Deir Hanna ». Le but de la biennale, a-t-il continué, « est de créer une tribune pour le dialogue et la coexistence à travers l’art, tandis qu’on lui oppose le développement de la haine et de l’inimitié via le boycott ».

Tandis que le conservateur reconnaissait qu’il n’avait jamais contacté personnellement les artistes, il a dit que ce n’était pas inhabituel, ajoutant : « Quand je participe à des expositions, je n’en suis pas toujours informé, ou je le suis tardivement. »

Il a dit aussi qu’il ne savait pas qu’il y avait une loi qui interdisait aux artistes libanais de montrer leurs œuvres en Israël.

Quand Haaretz a fait remarquer qu’une recherche sur internet aurait vite révélé que ces cinq artistes boycottaient Israël, Fainaru a rétorqué : « En tant qu’artiste, je ne comprends pas les boycotts. Je suis né en Roumanie sous un régime dur et je crois que l’art est quelque chose qui peut surmonter tous les murs. Les ministres des Affaires Etrangères pouvaient ne pas arriver à se rencontrer [l’un avec l’autre], mais les artistes ? Le but de ma biennale est de faire tomber les murs. »

Lorsqu’on lui a demandé si organiser une exposition comme la biennale – événement alternatif, organisé chez des particuliers, et même sous des tentes plutôt que dans une galerie – n’exigeait pas un dialogue avec les artistes eux-mêmes, il a répliqué : « Le conservateur n’est rien de moins que l’artiste. Le conservateur est lui-même un créateur qui donne une nouvelle interprétation à l’oeuvre, sous un angle auquel l’artiste lui-même n’avait pas pensé. »